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La mondialisation : acteurs, flux et débats
La
mondialisation est la mise en
relation des différentes parties du monde par la multiplication de flux de
natures diverses. Elle peut aussi être perçue comme la diffusion et l'emprise du capitalisme étendu à l'ensemble du globe.
Elle est parfois interprétée comme un processus d'uniformisation, notamment sur le plan culturel. De nombreux
agents interviennent dans ce
processus. Ils peuvent être publics ou privés, institutionnels ou individuels. Ces agents sont les acteurs de la
mondialisation. Les flux de la
mondialisation désignent tous les courants
d'échanges qui l'animent. Ils concernent les marchandises, les personnes
qu'il s'agisse de migrants ou de touristes, les capitaux ou encore les
informations. Cette mondialisation n'est pas sans susciter quelques débats sur
ses conséquences notamment en matière de croissance,
de développement et de développement durable à différentes
échelles territoriales dans le monde entier.
On
peut donc se poser la question suivante : quels sont les acteurs, les flux et
les débats qui caractérisent la mondialisation ?
Dans
un plan très conventionnel, nous présenterons d'abord les différents agents qui
participent à la mondialisation, puis les courants d'échanges qui l'animent et
enfin les polémiques que celle-ci suscite.
I Les
acteurs de la mondialisation sont multiples
a)
les Etats ...
......contribuent au développement des
échanges dans la mesure où la tendance est à l'ouverture des économies.
On peut donner des exemples de ces stratégies sur tous les continents.
En Europe, depuis les années 50, le choix est fait de créer un vaste marché, le
marché unique ou marché intérieur qui réunit désormais
l'ensemble des 27 Etats membres de l'Union
européenne (Ue). En Asie de l'est et du sud,
plusieurs pays ont fait le choix sur le modèle du Japon d'une ouverture contrôlée, par étapes, de leurs
économies. C'est la stratégie du vol
des oies sauvages. En 1980, la Chine de Deng Xiao
Ping fait le choix de l'ouverture
contrôlée en créant les zones
économiques spéciales (ZES). Un dernier exemple nous est donné par le
Canada qui a signé un accord de libre échange avec l'Ue,
: le CETA. En Afrique, plusieurs Etats endettés ont été poussés par le FMI et
la Banque mondiale à ouvrir leurs économies aux importations dans le cadre de plans d'ajustements structurels (PAS).
Ces
derniers exemples rappellent le rôle joué par....
CETA : Comprehensive
Economic and Trade Agreement, ou Accord économique et
commercial global
b) .., les organismes internationaux
...
Au
premier rang de ceux-ci figure l'Organisation
Mondiale du Commerce (OMC) créée en 1995 à la suite du GATT (General Agreement on tariffs and trade). Cette organisation dont le siège se trouve à
Genève, réunit désormais 164 Etats (2016). Elle a pour objectif de favoriser le libre-échange en réduisant
les tarifs douaniers. C’est ainsi qu’entre 1947 (GATT) et aujourd’hui (OMC), la
taxation douanière moyenne des produits industriels est passée de 40 % à 5%. Sa
mission est aussi d' arbitrer les
litiges commerciaux entre les Etats. Les organisations régionales jouent également un rôle dans la
mondialisation. En 1994, les Etats-Unis ont crée avec le Mexique et le Canada,
une zone de libre échange : L' Accord de Libre Echange Nord Américain
(ALENA). Dans cette zone comme dans toute zone
de libre échange, les capitaux et les marchandises circulent
librement. Le Mercosur et l'Union
européenne sont des unions douanières.
C'est à dire que les Etats membres appliquent aux importations en provenance
d'autres pays le même tarif extérieur
commun (TEC).Toutes ces organisations définissent des normes communes sur le plan économique, technique et éventuellement
environnemental auxquelles les firmes transnationales (FTN) doivent en principe
se plier dans le cadre d'un processus d'intégration.
c) Les FTN...
... sont, en effet, des actrices majeures de
la mondialisation. On peut les définir comme des firmes réalisant plus de 25 %
de leurs productions et de leurs échanges avec des filiales implantées dans au moins six pays différents et faisant
plus de 500 millions de $ de chiffre d'affaire (ONU). Ces transnationales
représentent désormais plus des 2/3 des
échanges mondiaux. Parmi celles-ci on peut citer H&M, Apple ou encore
Total.
d)
..., les individus.
... sont aussi des acteurs de la
mondialisation. C'est le cas des travailleurs qui produisent les biens et les
services échangés. C'est le cas également
des clients quand ils consentent à consommer des biens et des services
importés. Par exemple, en France, la part des produits (biens et services)
importés dans la consommation des ménages est de 19% selon l'INSEE en 2019. Les
individus sont aussi des acteurs quand ils s'inscrivent dans les mobilités de la mondialisation. Ce
terme désigne toutes les formes de
déplacements.
Ce
terme nous offre l'occasion d'une transition afin d'étudier les flux de la mondialisation. Ceux-ci
sont effet nombreux et dissymétriques.
II Les
flux de la mondialisation sont nombreux et dissymétriques.
Commençons
par ....
a ... les flux de personnes.
Les
flux touristiques qui sont
essentiellement Nord-Nord, contrairement à une idée reçue et à ce que
laisserait imaginer l'importance du secteur touristique dans le développement
économique de certains pays du sud. Les flux
Nord-Sud se développent cependant mais dans une logique de proximité prédominante. Au total, il y a aujourd'hui
dans le monde 1.3 milliard de touristes (2018) La mobilité désigne aussi
les flux migratoires, qu'ils soient
motivés par la recherche de meilleures conditions de vie et de travail, on
parle alors de migrations économiques,
ou par la fuite de la guerre ou de la dictature. Dans ce cas, les migrations sont politiques et les
migrants peuvent prétendre au statut de réfugiés.
Les flux sont donc souvent le reflet de l'inégalité de développement et de
l'instabilité du monde. Au total, les migrants ne représentent que 3% de la population mondiale. Aujourd'hui, beaucoup d'observateurs
contestent la distinction entre migrations économiques et migrations politiques
en expliquant que les difficultés qui poussent à quitter , à contre coeur, son pays sont souvent multiples. Les flux sont
également....
b) .... des flux de marchandises.
Ces
derniers se sont multipliés depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En
2010, les volumes transportés de marchandises étaient 32 fois supérieurs à ceux
de 1950. On constate que l'essentiel de ces flux sont des flux Nord-Nord puisque les pôles
de la triade réalisent entre 70 et 80% des échanges mondiaux. Il convient
cependant de noter en termes de dynamiques que les flux transpacifiques l'emportent désormais
sur les flux transatlantiques. Les pays du Sud ne sont pas exclus de la mondialisation mais ils ne
représentent que 16 à 20 % des échanges.
Ils fournissent des produits
primaires mais, attention, leurs exportations de produits manufacturés l'emportent
désormais sur les exportation de produits non transformés.
c) Les flux de capitaux ...
..ont littéralement explosé depuis 1980, dans
un contexte de dérégulation financière,
ont Par exemple, les investissements
directs à l'étranger (IDE) représentent 1500 milliards de $ en 2015
(CNUCED). Les IDE désignent la
création ou l'achat de firmes commerciales, industrielles ou financières à
l'étranger. C'est ce que fait Renault
quand la firme développe ses activités en Roumanie, en Turquie, au Maroc ou en
Iran. Les transactions financières (trading) dans le monde représentent plusieurs milliers
de milliards dollars chaque jour (4000 milliards de $ en moyenne en 2010). Ce phénomène est amplifié par de nouvelles
technologies comme les transactions à
haute fréquence (HFT)qui transitent par des réseaux numériques.
d) Les flux d'informations et de
communication ...
....se développent, en effet, également dans
le monde. C'est la cas grâce aux satellites qui transmettent et retransmettent
les productions audiovisuelles de groupes inscrits dans d'immenses réseaux de
communication. Mais on oublie qu'en réalité 90% des flux de communication transitent par des câbles sous-marins dont le maillage
couvre toutes les mers et tous les océans. Leur concentration par endroits confirme
la domination exercée par les pays du
nord dans ce domaine. Il y a désormais 3 milliards d'internautes dans le
monde. On se rapproche du village global
imaginé par Marshall Mac Luhan. Tous ces moyens de
communication associés permettent aux influences culturelles de se diffuser
dans le monde entier. On ne peut
cependant parler d'uniformisation car les spécificités culturelles
demeurent et une véritable fracture
numérique sépare le nord du sud compte tenu d'un inégal accès à internet et
aux moyens de communication.
d) Ces flux participent à
l'organisation de l'espace économique
mondial.
Comme le montre l'étude
de cas sur le téléphone portable., une véritable division
internationale du travail se met en place. On observe en effet une
tendance à la spécialisation des Etats dans les domaines dans lesquels ils bénéficient
d'un avantage comparatif. Par exemple, mes pays ateliers se spécialisent dans
le domaine de l'assemblage car le coût de leur main d'œuvre est faible. Cette
spécialisation s'observe aujourd'hui en Ethiopie, par exemple.
L'exemple de l'Iphone illustre la volonté de
rationaliser et de rentabiliser la production. Les activités de conception (recherche et
développement-design) créant de la valeur
ajoutée et de distribution
(marketing-vente) restent dans les pays du nord, tandis que les activités
d'assemblage sont souvent délocalisées dans les pays du sud. Ainsi des FTN
comme Apple parviennent à dégager d'importantes marges. C'est ce qu'on appelle la courbe
du sourire.
On
constate donc que l'ensemble du monde
participe aux différents flux de la mondialisation mais de façon inégale.
Cela ne va pas sans susciter quelques débats.
III La
mondialisation en débat.
On
pourrait simplement poser la question en ces termes : la mondialisation est
elle une bonne chose ?
a) Mondialisation et croissance
Nombreux sont ceux qui considèrent que la mondialisation favorise la croissance
économique. Ils prennent pour exemple, le
modèle de développement japonais basé sur
la théorie du vol des oies sauvages , qui a permis à ce pays de
connaître une croissance très rapide des années 50 à la fin des années 80. Ils rappellent
également qu'avec l'ouverture de son économie, la Chine a connu des taux de croissance à deux chiffres. D'autres
leur répondent qu'il convient de ne pas
confondre croissance et développement. Si la croissance désigne une
augmentation durable de la production de biens et de services, le développement, lui, caractérise une amélioration du niveau de vie au
bénéfice du plus grand nombre. Si la première se mesure avec le taux de
croissance du produit intérieur brut
(PIB), le second peut se mesurer au moyen de l'indice de développement humain (IDH) compris entre 0 et 1.
b) Mondialisation et développement.
Or, à différentes échelles, on observe que la mondialisation n'est pas synonyme d'une
uniformisation des niveaux de vie. Ainsi, la carte des IDH dans le monde rappelle que même si la limite
Nord-Sud a changé, les disparités
demeurent. Les Pays les Moins
Avancés (PMA) sont souvent aussi les
plus marginalisés dans la mondialisation. La mise en concurrence des
économies suscitée par la mondialisation ne
favorise pas l'uniformisation des normes sociales. Certains Etats
pratiquent le dumping social pour
attirer les capitaux étrangers. Par ailleurs, le coefficient de Gini qui mesure le degré d’inégalité de revenu ou de
richesse, révèle le maintien
d'importantes inégalités internes dans les pays du nord comme dans les pays du
sud. Ces inégalités sociales se doublent de disparités spatiales. Les
migrations de mingongs
en Chine montrent combien l'intégration du territoire chinois est inégale. Il y
a également des fractures
socio-spatiales à l'échelle de villes. On les observe dans les métropoles
du nord comme à aux Etats-Unis où la mixité sociale reste faible. A Los
Angeles, ville globale, Compton est
un secteur pauvre gangréné par la criminalité. On les retrouve également dans
les métropoles du sud comme à Sao Paulo où les favelas côtoient les condominium,
ces zones d'habitat résidentiel sécurisées. On est donc loin de
l'uniformisation des niveaux de vie.
c) Mondialisation et développement
durable.
On
peut se poser aussi la question de la compatibilité entre les bases sur
lesquelles repose cette mondialisation et les principes du développement durable (schéma).
Le développement durable doit permettre de satisfaire
les besoins de la population sans compromettre les capacités des générations
futures d'en faire autant. Elle doit concilier solidarité, développement
économique et protection de l'environnement. Or, la mondialisation
s'accompagne d'un développement des transports, de la pollution et de
l'exploitation de ressources fossiles.
Ces ressources comme le pétrole ne sont pas
renouvelables, c'est à dire qu'elles ne se renouvellent pas à
l'échelle d'une vie humaine. Dès 1968-1972, le « Club de Rome » , une organisation non gouvernementale,
démontrait l’existence d’une distorsion
entre le caractère fini des ressources mondiales
et l’intensité du prélèvement et
préconisait une « croissance zéro ».
D'autres envisagent de mettre en œuvre la décroissance.
Ces derniers pensent pouvoir améliorer
le niveau de vie du plus grand nombre tout en réduisant l’activité économique pour tenir compte des capacités réelles de la planète.
Certains parlent également de démondialisation. Il s'agit de favoriser les productions locales pour satisfaire les besoins des
populations en limitant le recours aux échanges et aux transports.
d) Mondialisation et souveraineté
La
dernière question qui se pose est celle de la souveraineté des Etats. Le développement d'instances de gouvernance internationales
et du poids des firmes
transnationales met parfois en cause la capacité des Etats à imposer leurs
décisions et leurs pouvoirs. Par exemple actuellement, certains Etats,
contestent le projet de facebook de créer une crypto
monnaie la Libra. Ils y voient une atteint à la
souveraineté monétaire : https://www.france24.com/fr/20190618-libra-cryptomonnaie-facebook-souverainete-monnaie-bitcoin-probleme
Conclusion :
Voilà
qui nous amène à conclure à la complexité de cette mondialisation. Elle
implique, en effet, de nombreux acteurs, de l'individu à l'organisation
internationale, de la transnationale à l'instance de gouvernance régionale.
Loin d'uniformiser le monde, les échanges s'inscrivent sur des territoires
marqués par de nombreuses disparités. La dissymétrie des flux illustre
d'ailleurs la persistance de ces inégalités. La question se pose donc de savoir
si, à l'avenir, il sera possible d'assurer un développement généralisé et
durable en conservant les mêmes logiques de croissance et de mondialisation.
Bibliographie :
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FOUCHER M., L’obsession
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FOUCHER M., Les
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CARROUE L.,
CHARVET J-P., CIATTONI A., DUPUY G., FAGNONI E., GILLON P., LOUVEAUX F.,
MACCAGLIA F., MECKDJIAN S., RAVENEL L., VEYRET Y., Géographie et géopolitique de la mondialisation, Initial, Hatier,
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BRUNEL S., A qui profite le développement
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Dernière
mise à jour
:02-17
Auteur : Manuel Nérée