L’environnement aux États-Unis : entre protection de la
nature, exploitation des ressources et transformation des milieux depuis le XIXe
siècle ; les rôles respectifs de l’État fédéral et des États fédérés.
L'environnement
désigne un ensemble formé d'éléments naturels et sociaux-économiques en
combinaison qui constitue le cadre et les conditions de vie d'un individu,
d'une population, d'une communauté à différentes échelles spatiales. En ce sens
la notion d'environnement se confond en partie avec la notion de milieu. Les Etats-Unis sont un Etat fédéral de 9,834 millions km². Un Etat
fédéral est un Etat avec deux niveaux de pouvoir. Les Etats fédérés
déléguant à l'Etat fédéral les compétences en matière de défense, de
diplomatie, de monnaie et de commerce
international, ne conservant que des compétences plus limitées dans les
domaines administratifs, judiciaires, économiques et scolaires par exemple.
Quelles
relations la puissance états-unienne, les Etats des Etats-Unis
entretiennent-ils avec leur environnement ?
I
L'environnement au cœur de la construction de la nation américaine.
a) Dès les origines, la nation américaine a cherché à
surmonter les contraintes du territoire.
C'est depuis le littoral
atlantique que s'amorce la colonisation et la mise en valeur d'origine
européenne des Etats-Unis au 17ème siècle.
En 1803, la France vend la Louisiane aux Etats-Unis. Cette acquisition
offre un accès à la côte Pacifique. Mais les territoires ainsi gagnés sont
encore peu connus. En 1804, Thomas Jefferson, troisième président des
Etats-Unis et le Congrès mandatent donc les explorateurs Lewis et Clark
pour trouver le moyen de traverser ces milieux
contraignants ouverts aux flux des
masses d'air froid à l'est, montagneux
et plus arides à l'ouest. Entre 1804 et 1806, l'expédition suit donc les
fleuves pour pénétrer un territoire
immense et difficile. Le caractère contraignant des milieux est confirmé
par la suite. Les populations sont exposées à de nombreux aléas. Pour n'en citer qu'un nous pouvons rappeler que la ville de
San Francisco est victime d'un important tremblement de terre en 1906. Entre
temps, la conquête de l'ouest permet certes la mise en valeur de l'ensemble du
territoire mais au prix de violences de masse sur les populations
amérindiennes. Le débat sur le caractère génocidaire de ces violence est
ouvert.
Milieu : ensemble complexe
associant dans un espace donné des éléments naturels qu’ils soient abiotiques
(biotope) ou biotiques (biocénose) et des éléments humains ≃ environnement
en géographie.
Aléa : événement possible et
sa probabilité de réalisation.
Destinée manifeste : théorie formulée au
XIXème siècle selon laquelle les Etats-Unis seraient investis d'une mission
divine d'expansion territoriale.
b) ...pour valoriser ses potentialités
La conquête
du territoire américain est motivée par les nombreuses ressources qu'il abrite.
Les trappeurs, les chasseurs alimentent par leurs captures une véritable économie de prédation. Les ruées vers l'or successives confirment cette logique de prélèvement dans le milieu. Plus tard Rockefeller
fait fortune, au tournant des 20ème et 19ème siècles, en exploitant et en
commercialisant le pétrole de l'est américain.
La mise en valeur agricole contribue aussi
dès le début à la construction de la nation américaine. Au fur et à mesure de
la conquête, les territoires se spécialisent
dans différentes productions. On voit alors se constituer les fameuses
ceintures de production agricoles (les belts). Les
grandes plaines sont consacrées à différentes productions céréalières. Là où
les milieux sont plus contraignants mais où
l'espace est disponible, l'élevage extensif se développe. Le recours aux
esclaves permet la culture du coton dans le vieux sud. Se met en place
ainsi une véritable économie de plantation
Economie de plantation : économie
agricole basée sur le développement de cultures de rentes destinées à produire
un revenu par la vente et éventuellement
par l’exportation.
Ressource : Ensemble des éléments
dans un milieu dont une société peut tirer parti pour assurer son développement.
Agriculture
productiviste
: système de production intensif visant à obtenir de hauts rendements en
mobilisant de nombreux moyens technologiques.
Economie de prédation : Economie de prédation
: économie consistant à prélever dans le milieu des éléments qui y sont
présents sans transformation.
c) Mais la fragilité des milieux apparaît très vite.
Dès la fin du XIXème siècle, la population des
bisons américains est décimée. Des voix s'élèvent alors comme celle de John
Muir (1838-1914) pour demander la création
d'espaces protégés destinés à préserver la vie sauvage. L'idée est alors de
retrouver la vie sauvage d'avant l'arrivée de l'homme, la wilderness. Il est dans une logique de préservation
alors que son contradicteur Gifford Pinchot
est plutôt lui pour gérer la nature dans une logique conservation. En
1864, Abraham Lincoln déclare la vallée
de Yosemite territoire public
inaliénable. En 1872, à l'heure où John
Gast peint le tableau American
Progress, est créé le premier parc
naturel nationa, Yellowstone dans le Montana. C'est
la première réserve naturelle au monde.
En 1906, Théodore Roosevelt, fait adopter une loi qui protège les ressources naturelles et les espaces menacés.
Aujourd'hui, les parcs naturels
représentent 2% du territoire national. Il existe aux Etats-Unis 129
monuments nationaux dont la plupart sont des sites naturels. L'Etat américain
est ainsi devenu propriétaire d'immenses territoires qui représentent 45% de la Californie, 69% de l'Alaska et 84%
du Nevada.
Wilderness : "état
sauvage" ou "nature sauvage" non encore soumise à l'homme.
Préservation : défense de
l'environnement qui cherche à protéger la nature de toute action de l'homme
dans une optique biocentrique.
Conservation
: défense
de l'environnement qui cherche à protéger la nature dans le but d'en préserver
les ressources pour une exploitation raisonnable. C'est une vision
anthropocentrique de l'environnement.
II
Entre exploitation et protection des enjeux contradictoires qui restent
contemporains.
a) Dans un pays où la mise en valeur des ressources reste
perçue comme un facteur de puissance.
Aujourd'hui encore les
ressources du territoire américain sont perçues comme des facteurs de puissance. Ce pays
est souvent aux premières places pour les productions en matière de minerais et
d'énergie. Les Etats-Unis sont désormais à la
première place pour la production de pétrole avec
19358 milliers de barils par jour en 2024. au quatrième rang mondial pour la production de cuivre par exemple et
au deuxième rang mondial pour la
production de charbon loin derrière la Chine. Pour prendre l'exemple d'une
autre ressource énergétique fossile et non renouvelable, jusqu'à
une date relativement récente, le pétrole national était considéré comme une ressource stratégique. Dans ces
conditions, les Etats-Unis ont longtemps privilégié les importations pour
satisfaire les besoins de l'économie de façon à préserver leurs réserves. En 2008 encore elles représentaient 60% de la
consommation pétrolière. Mais en 2015, par décret, Barak Obama a levé
l'interdiction d'exportation de pétrole brut. Cela a favorisé le développement de l'exploitation du gaz
et du pétrole de schiste notamment dans le Dakota. C'est ainsi que les
Etats-Unis sont devenus le premier
producteur mondial de pétrole. D'ici peu, ils devraient devenir exportateur net de pétrole.
C'est à dire que les exportations devraient être supérieures aux importations.
b) Mais l'interaction entre
les hommes et le milieu reste problématique.
Tout d'abord, il apparaît que
malgré la richesse du pays, la population reste très vulnérable face aux aléas
naturels En 2005, la Nouvelle-Orléans est touchée par l'ouragan Katrina. Celui-ci fait 2000
victimes et 100 milliards de dollars de dégâts. Ce lourd bilan a de quoi
surprendre pour la première puissance
économique mondiale. Ce sont les populations les plus fragiles
économiquement qui ont été les plus affectées par la catastrophe. On peut parler de crise
tant la société américaine a été dépassée par les événements.
Les activités humaines peuvent
aussi générer des aléas. Déjà dans
les années 30, les Etats du centre-sud des Etats-Unis sont victimes du
phénomène de dust bowl. Dans des zones touchées par la
sécheresse et par des labours intensifs, les tempêtes de poussières rendent
l'agriculture impossible. Plus tard en 1989, le pétrolier Exxon Valdez échoue
sur les côtes de l'Alaska provocant une importante pollution du littoral. Plus
récemment, le tremblement de terre observé le 3 septembre 2016 dans l'Oklahoma
est révélateur de l'impact des activités
humaines sur le milieu. En effet, on soupçonne la fracturation hydraulique nécessaire à l'exploitation du gaz de
schiste d'être à l'origine de ce séisme. Le risque n'est donc plus naturel mais technologique. Ce type
d'exploitation à d'autres conséquences sur le milieu puisqu'elle est
susceptible de polluer l'air et les
nappes phréatiques.
A une autre échelle, le modèle
de développement et de société américain est problématique pour l'ensemble de
la planète. Dans le contexte des trente glorieuses, la société américaine a
prospéré en promouvant le développement d'une véritable société de consommation dans le cadre de l'American Way of life. Aujourd'hui, il
faudrait cinq planètes terre pour
satisfaire les besoins de l'humanité si elle consommait autant que les
Etats-Unis. Ce modèle de développement basé sur l'industrialisation et
l'automobile est extrêmement polluant. Aujourd'hui, les Etats-Unis sont les deuxièmes émetteurs mondiaux de CO2.
Risque : conjonction sur un territoire donné d’aléas et d’enjeux.
Dust bowl : bassin de poussière. Région du centre-sud des Etats-Unis
marquées par d'importantes tempêtes de poussières dans les années 3 liées en
partie à la sécheresse et à la mécanisation.
Fractionnement
hydraulique
: technique de forage consistant à injecter de l'eau à haute pression associée
à des produits chimiques pour fracturer la roche en profondeur.
Vulnérabilité : désigne les dommages
que peut occasionner un aléa sur des
enjeux.
c)... la question environnementale reste au cœur des
tensions politiques.
Les
conflits entre communautés et entreprises liées à des activités
polluantes ne sont pas rares aux Etats-Unis. Ils opposent par exemple de particuliers
tombés malades dans la proximité de puits d'exploitation des gaz de schiste.
Dans certains Etats, la prise de
conscience des priorités environnementales a été précoce. C'est le cas en Californie. Dans les années 1970, c'est
le premier Etat à imposer l'usage du pot catalytique. Dans les années 2000,
c'est aussi le premier Etat à développer la voiture à hydrogène. En 2019, le
même Etat s'oblige par la loi à ne s'approvisionner qu'en énergie renouvelable
et neutre en carbone à l'horizon 2045. Les Etats de Californie, de New-York et
de Washington ont décidé de créer une
alliance pour le climat afin de respecter les accords de Paris. Mais d'autres Etats comme le Wyoming
considèrent que la priorité doit être accordée à l'exploitation des ressources
minières. Ces Etats ont eu le soutien de Donald Trump pendant son mandat. Ce dernier a retiré les Etats-Unis des
accords de Paris en 2020 et l'Etat fédéral à soutenu la reprise des
activités minières. Donald Trump a levé les obstacles sur les forages off-shore
et dans les parcs naturels. Il a aussi annulé le plan Obama de réduction des
émissions de gaz à effet de serre. Il a également réduit les fonds alloués à
l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA). Joe Biden a fait son pays
réintégrer les accords de Paris en février 2021. Mais le retour de Donald Trump
au pouvoir annonce un retour en arrière dans ce domaine.
Conclusion :
Dès ses débuts, la première
puissance économique mondiale s'est donc construite en exploitant largement ses
ressources. Mais la surexploitation et les conséquences des activités humaines
ont généré des destructions et des nuisances telles que ce pays a été très tôt
sensibilisé à la question de la
protection de l'environnement. Aujourd'hui encore, les interactions
problématiques entre les hommes et leur environnement sont à l'origine de
conflits et de tensions à différentes échelles. Ceci explique l'apparent
paradoxe qui veut que des Etats s'alignent sur des accords internationaux en
matière de protection de l'environnement alors que l'Etats fédéral le remet en
cause. La donne risque de changer avec l'arrivée au pouvoir de Joe Biden. Mais
il n'y a aucune certitude dans ce domaine.