Des
territoires inégalement intégrés dans la mondialisation (espaces maritimes
compris)
La mondialisation
désigne le processus de mise en relation des différentes parties du monde par la
multiplication de flux de natures diverses, qu'il s'agisse de courant d'échange
de capitaux de marchandises, de personnes ou d'informations. Ce processus crée des relations
d'interdépendance. Pour certains économistes
et géographes, la globalisation
est le stade ultime de la mondialisation où absolument toutes les parties du
monde sont concernées par les flux de la mondialisation. L'approche de cette
question ne doit pas se limiter aux espaces
continentaux. Il faut observer également le rôle joué par les espaces maritimes.
Aujourd'hui
tous les territoires de la planète
sont-ils concernés par la mondialisation ? Y participent-ils de façon
égale ? Quelle typologie des territoires peut-on établir en fonction de leur
inégale intégration à la mondialisation
?
Dans un premier temps, il est possible de démontrer
que la mondialisation concerne de façon privilégiée certaines régions du monde
au détriment de celles qui sont marginalisées. Ces dernières se trouvent à
l'écart des grands axes de communication ou insuffisamment équipées en
structures de transport. Il est donc possible de démontrer que le maillage des
réseaux de communication est inégal et
que les nœuds majeurs de communication sont inégalement répartis.
Dans une approche régionale, il est d'abord possible
de démontrer que certaines parties du monde participent plus à la
mondialisation que d'autres. Le nord est
bien plus impliqué dans ce processus que le sud. Par exemple, les trois pôles de la triade constitués par
l'Amérique du nord, l'Europe occidentale et l'Asie orientale réalisent à eux
seuls 80% des échanges de marchandises. Désormais les flux transpacifiques de marchandises
l'emportent sur les flux transatlantiques. Dans les trois aires de puissance majeures sont créées des organisations régionales pour faciliter
les échanges. L'ALENA qui réunit le
Canada, les Etats-Unis, l'Union
européenne qui rassemble 27 pays et l'ASEAN
en Asie orientale contribuent à ce processus d'intégration. On parle
d'ailleurs à ce sujet de tendance à la régionalisation
ou à la continentalisation des échanges.
Les pays dits du "sud" du point de vue de leur développement
ne réalisent eux qu'une vingtaine de pour cent de ses échanges. Le continent
africain pourtant si vaste ne réalise que 2% des échanges. Ces territoires ne
sont pas exclus mais largement dominés
dans la mondialisation. Leurs
relations avec les pays du nord ne se limitent pas à l'exportation de produits
primaires contrairement à certaines idées reçues. Ils échangent dans les deux
sens des produits manufacturés. Ils sont l'origine de certains flux migratoires
et ils participent de plus en plus aux flux de communication.
Changeons d'échelle maintenant, dans les centres d'impulsion de l'économie
mondiale, on distingue des régions où se concentrent les populations, les
activités et les échanges. D'une manière
générale, il s'agit de territoires proches
des littoraux. On parle d'ailleurs de processus de littoralisation ou de maritimisation. Un 1/3 de l'humanité vit à
moins de 100 kilomètres des côtes. Sur
certains de ces littoraux se distinguent des territoires urbanisés de façon
quasi continue où se concentrent des fonctions décisionnelles, animées par de
nombreux flux. Il s'agit des mégalopoles.
On s'accorde pour en distinguer trois : la mégalopolis
américaine ou Boswash, la Dorsale européenne ou Banane bleue, la mégalopole japonaise ou Tokaïdo. Ces
régions jouent également le rôle d'interfaces
reliant leurs arrière-pays au reste
du monde. Par exemple, la mégalopole européenne est traversée par la northern range,
cette rangée de grands port européens qui la relient à l'ensemble de la
planète. Ces interfaces maritimes
sont des zones de contact animés par de nombreux échanges.
Certains considèrent que des mégalopoles sont en cours de constitution, de Shanghai à Hong Kong,
le long du littoral Chinois ou en Amérique latine entre Rio et Buenos Aires en
passant par Sao Paulo par exemple.
Ailleurs, on trouve des espaces périphériques plus ou moins bien reliés au reste du monde.
Leur niveau d'intégration croit selon un gradiant
périphérie-centre. qui va des espaces
marginalisés voir enclavés c'est à dire à l'écart des grands axes de
communication ou sans accès à la mer aux
métapoles
qui entourent les grandes métropoles. Ces dernières sont animées par exemple par
les mobilités quotidiennes des mouvements pendulaires. A l'opposé il y
a des territoires isolés. Le continent africain a le taux le plus élevé d’Etats enclavés (32%). En effet 15
états africains n'ont pas d'accès à la mer ou au littoral. Certaines régions
souffrent d'un déficit d'équipement.
C'est le cas par exemple de l'Amazonie même si des efforts sont faits
actuellement pour développer le transport terrestre avec l'amélioration
progressive de la transamazonienne
par exemple.
Il
est donc possible de démontrer dans une approche
régionale que les territoires participent à la mondialisation de façon inégale.
Si l'ensemble du monde participe à la mondialisation les espaces centraux qui
la dominent se trouvent souvent mais pas exclusivement dans le nord.
Peut-on faire le même constat lorsqu'on raisonne en
termes de réseaux et noeuds de communication ?
Les
lieux centraux de la mondialisation sont très inégalement répartis. Celle-ci est, par exemple dominée par un
certain nombre de villes qui concentrent
des fonctions de commandement économiques et politiques. Elles ont aussi
des fonctions nodales et elles
concentrent de nombreuses richesses. Il
s'agit de villes globales ou mondiales. Il y a débat pour les
identifier et pour en définir le nombre. Mais on peut raisonnablement désigner
ainsi Los Angeles, New York, Londres, Paris, Moscou et Tokyo. Toutes ces
métropoles constituent un réseau de
villes particulièrement bien connectées les unes aux autres. Elles
constituent désormais un Archipel
Mégalopolitain Mondial (AMM). On peut aujourd'hui raisonnablement associer
la ville chinoise de Shanghai à cet ensemble et le « nord » n’a pas
le monopole de ces métropoles intégrées dans la mondialisation. En Inde, Mumbay offre un exemple de cette participation.
La
plupart des métropoles sont des nœuds de communication. Entre elles,
les espaces-temps semblent se contracter compte tenu de
la rapidité des transports. En Europe semble se constituer ce que certains
appellent la « pieuvre rouge »
des centres européens. L’Aéroport de Roissy offre un exemple d’interconnexion
entre les principales métropoles européennes et mondiales. Cet aéroport situé
au Nord Est de la capitale fait de Paris un véritable hub. Il met en effet en relation des lignes court et moyen-courriers avec des lignes long-courriers. On trouve à
New York au moins trois grands aéroports (JFK, Newark, La Guardia)
qui jouent le même rôle. La «ville
globale est [donc] une ville nodale».
A
l'intérieur de ces métropoles, tous les
territoires ne sont pas également intégrés dans la mondialisation. Les hypercentres
Mais
les métropoles du nord comme du sud présentent d'importantes disparités socio-spatiales. New York, ville globale,
compte un certain nombre de quartiers défavorisés, de ghettos qui abritent les « perdants », les « laissés pour compte »
de la mondialisation. Dans les métropoles du Sud, les quartiers d’habitat
précaire (bidonvilles, favelas, ranchos, slums) ont
tendance à s’étendre.
A
l'heure où 80% du commerce mondial transite par les mers, les ports sont aussi
des lieux centraux de la mondialisation. Ningbo en Chine est le premier port mondial avec 889 millions de tonnes de marchandises/an en
2015, devant Shanghai (717 Mt/an),
Singapour ( 574Mt/an). Rotterdam, premier port européen, est au 9ème rang (466
Mt/an). Ces ports sont reliés entre eux par des routes maritimes extrêmement
fréquentées. Celles où le trafic est le plus intense passent par le Pas-de-Calais et par le détroit
de Malacca (200-250 navires/j).
Ces ports qu'on peut qualifier
de synapses mettent en relation leurs arrière-pays respectifs avec le reste du
monde.
L’existence d’axes de communication complets et performants détermine
la profondeur de l’hinterland. De même le dynamisme de l’hinterland peut
expliquer l’intensité du trafic des ports de la façade maritime. C’est ce qui
explique l’activité du port de Rotterdam, premier port européen. Il est drainé
par l'axe rhénan très complet et performant avec ses voies navigables, ses
autoroutes et ses axes ferroviaires.
Mais il existe des ports très actifs qui ne sont pas pourtant en
relation avec un hinterland terrestre
dynamique. Il s’agit des ports
d’éclatement ou hub portuaires qui permettent de rediriger les marchandises
conteneurisées (Gioia Tauro en Calabre- Dubaï au
Moyen Orient Port Saïd en Egypte).
Pour
finir, la mondialisation est aussi celle des flux d'information. Enfin, à
l’heure d’internet, il convient de rappeler l’importance prise par les câbles sous-marins transocéaniques
dans les flux d’informations. Ainsi 90% des communications passent par des
câbles posés dans les océans. Depuis, 2014 un câble sous marin permet de
multiplier par quatre les flux d’informations transatlantiques.
Des
schémas utiles pour la leçon
On
remarque donc que le niveau d'équipement est très inégal selon les territoires.
Si
on peut dire aujourd'hui que l'ensemble de territoires participe à la
mondialisation, cette participation est inégale et différenciée. Cette inégale intégration aux réseaux
d’échanges provoque une recomposition
territoriale à l’échelle mondiale. On observe une hiérarchisation les lieux différentes échelles. On peut distinguer
les « pôles et espaces majeurs », de la triade aux hypercentres
en passant par les villes globales ; des
« espaces en marge » qu'il s'agisse des territoires enclavés, sous
équipés, défavorisés. Cette typologie
évolue de plus en plus avec l'émergence de nouvelles économies et leur
progressif équipement.
C'est
aujourd'hui l'un des enjeux du développement que de favoriser l'accès aux flux
de la mondialisation. Certains Etats font le choix de ce type d'investissement
mais n'est pas trop coûteux pour certaines économies encore fragiles ?
31 mai 2017