Séries :
TES , TL
Titre : Le
projet d'une Europe
politique depuis le Congrès de la Haye en 1948
L'Union
européenne est actuellement touchée par une vague d'euroscepticisme. En 2016, les
Britanniques se sont prononcés par référendum pour la sortie de l'Ue. En Pologne, en Hongrie, en Autriche et même en France
et en Allemagne, les discours hostiles à l'intégration européenne se
développent. Pourtant, les intentions de ce projet politique dès l'origine sont
louables. Il s'agit d'établir durablement la paix sur le continent.
Problématique :
Comment a évolué la construction européenne depuis 1948. Quels en sont les
enjeux ? Quelles sont les questions aujourd'hui encore débattues ? Comment
préserver la paix sur le
continent ? Faut-il transférer la souveraineté
nationale à une instance fédérale ?
Comment maintenir ou créer une puissance
européenne ? Où s’arrête
l’Europe ?
I 1945-1969 : La
construction européenne s’amorce à six….
a)
Son objectif est politique…
En
1948, à La Haye un congrès pan-européen réunit plus de 700 représentants de
plusieurs Etats de l’ouest comme de l’est. Trois ans après la fin de la seconde
guerre mondiale, cette conférence placée sous la présidence honorifique de Winston
Churchill, souhaite unir les peuples
d’Europe autour d’une paix durable. Cette volonté est confirmée en 1950. Le
9 mai de cette année la, le Ministre des affaires étrangères français Robert Schuman, dans une déclaration rédigée avec Jean
Monnet envisage la création d’une fédération. Or dès 1948, deux
conceptions de ce terme s’affrontent. Les partisans d’une simple confédération
(confédéralistes) considèrent que les Etats associés peuvent rester souverains
tout en coopérant pour atteindre des objectifs communs. Les
partisans d’un véritable système fédéral (fédéralistes) envisagent la
mise en place d’un pouvoir supranational au dessus des Etats. Ces
derniers conservent cependant des compétences dans certains domaines
spécifiques. Finalement, c’est une approche plus pragmatique qui
s’impose : celle des fonctionnalistes. Ces derniers pensent qu’il
faut d’abord créer des solidarités économiques pour ensuite aller vers
une intégration politique.
La question se pose également assez vite du rapport
aux Etats-Unis. Ces derniers mettent en place à la même époque, l’OECE pour
distribuer l’aide du plan Marshall. Elle réunit alors 17 Etats membres.
Un système
fédéral : c’est sur un territoire
défini, la superposition de deux niveaux de pouvoir. Les Etats réunis possèdent
une assez grande autonomie (justice, éducation). L’Etat fédéral détient lui des
pouvoirs importants délégués par les Etats fédérés (défense, diplomatie,
monnaie).
Une confédération :
ensemble permanent d’Etats ayant des objectifs communs mais dont les états
membres restent souverains et autonomes.
OECE : organisation européenne de coopération économique,
devenue en 1960, organisation de coopération et de développement économique
(OCDE).
Schéma
fédération/confédération
b) …mais ses moyens
sont d’abord économiques.
En
1951, le traité de Paris donne naissance à la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier). Il s’agit de
mettre en commun les productions de charbon et d’acier de l’Allemagne,
de la France, du Luxembourg, des Pays-Bas, de l’Italie et de la Belgique. De son côté, l’OECE favorise la libéralisation des échanges sur le continent. Mais le
traité d’Union lancé à Messine en 1955 se concrétise en 1957, à
l’occasion du traité de Rome, par la mise en place du Marché commun (Communauté Economique Européenne).
L’intégration européenne se poursuit donc en dehors du cadre de l’OECE. Dans ce
contexte, la PAC (Politique Agricole
Commune) est mise en place en 1961.
c) Les questions politiques sont déjà problématiques
L’intégration politique reste limitée. Par exemple, le projet de CED (Communauté Européenne de défense)
échoue en 1954 face à l’opposition en France des communistes et des gaullistes.
Les craintes portent sur le réarmement de l’Allemagne, la perte de souveraineté française et la mise en
place d’une défense Atlantiste
dominée dans le cadre de l’OTAN par les Etats-Unis. Avec les plans Fouchet (1961-1962), De Gaulle tente d’imposer le modèle
d’une Europe confédérale sans le Royaume-Uni mais il s’oppose
sur cette question aux Belges et aux Néerlandais. Cet attachement à la souveraineté de la France est également
manifeste lorsqu’il retire la France du
commandement intégré de l’OTAN en 1966 et lorsqu’il bloque le
fonctionnement des institutions européennes en pratiquant la politique de la chaise vide en
1965-1966.
Souveraineté : caractère d’un Etat qui n’est soumis à aucun autre
Etat.
II 1969-1989 L’intégration se poursuit à 12
a)
, à partir d’élargissements successifs,…
La CEE double alors le nombre de ses membres. Durant cette période de 1972 à 1986, l’Europe connaît
une nouvelle impulsion et poursuit
son élargissement. En 1972, l’élargissement
est ratifié. Le Royaume Uni, le Danemark
et l’Irlande entrent dans la CEE. En 1981,
ils seront rejoints par la Grèce puis
par l’Espagne et le Portugal en 1986. C’est le début d’un développement rapide pour les pays
d’Europe du sud. Leur expansion servira par la suite de référence pour
convaincre de la nécessité d’un nouvel élargissement à l’est.
b) …sur le plan économique …
Dans le domaine économique,
en 1978 est crée le système Monétaire Européen (SME) avec une unité de
compte commune qui préfigure l’euro : l’écu. Des programmes industriels européens comme
Airbus sont encouragés. L’acte unique ratifié en 1986 crée le marché unique européen.
c)
…et politique.
Politiquement
également, l’intégration se poursuit
puisqu’à partir de 1979, le Parlement
européen est élu au suffrage universel. Progressivement, l’acte unique (1986) puis le traité de Maastricht
(1992) définissent la composition et le rôle du Conseil Européen. Il « donne à l'Union les impulsions nécessaires
et en définit les orientations politiques générales ». Un vrai pouvoir politique est
installé au sein de l’Europe. Cet approfondissement renforce le caractère original de cette
organisation qui n’est plus seulement une zone
de libre échange et un marché unique. Elle devient également une organisation
politique.
Conseil européen : sommet des chefs d’Etats ou
de gouvernements des Etats membres de l’Union européenne. Il représente
les Etats membres.
Intégration :
processus d’harmonisation des normes
économiques et sociales et d’ouverture des marchés dans une organisation
économique.
Parlement européen : il représente les citoyens européens. Il comprend 751 députés.
Aujourd’hui, il a un rôle de codécision,
de contrôle et d’avis (président :
Martin Schulz)
d)
Des voix discordantes se font pourtant entendre.
A la fin des années 70 et dans le courant des années
80, la Politique Agricole Commune fait l’objet de vives critiques. Elle
représente alors les 2/3 du budget de la CEE tandis que les Etats membres comme
beaucoup de pays industrialisés traversent une crise durable. Dans ces
conditions, Margareth Thatcher, premier ministre britannique estime que son
pays paie trop pour une PAC qui profite surtout à la France. Elle déclare alors
en 1979: « I want my
money back ». L’idée selon
laquelle ce qui vaut pour 6 vaut pour 9 voir plus est battue en brèche. C’est
le début d’une Europe à géométrie variable.
III La dislocation du
bloc de l’est, créent les conditions d’un élargissement et d'une poursuite de
l'intégration (1989-2018)
a) Elle pousse plus loin l’intégration, en
suscitant cependant quelques débats.
En
Europe de l’ouest, la construction
économique se poursuit. En 1992 est adopté le traité de
Maastricht. En 1999, la monnaie unique, l’Euro, est créé.
La
Banque centrale européenne (BCE) est établie. Elle est indépendante des gouvernements,
elle définit la politique monétaire et
veille à la stabilité des prix. En 2002, les euros entrent en
circulation dans 12 pays (19 désormais). La libre circulation des personnes se
met progressivement en place. Les accords de Schengen signés en 1985,
rentrent en vigueur en 1995. Ils permettent une libre circulation entre les
pays membres et un renforcement des contrôles aux frontières extérieures (26
Etats membres). La politique agricole commune est réorientée pour
devenir moins productiviste et plus conforme au principe de développement
durable.
L’intégration politique se poursuit également. Le traité de Maastricht crée l’Union européenne dont-il élargit les
compétences. Mais une fédération n’est
pas pour autant créée. Certes, les Etats se soumettent aux décisions
communautaires dans certains domaines (commerce, monnaie, agriculture, la pêche, le
transport). Dans d’autres s’applique également le principe de subsidiarité.
Mais des domaines importants échappent encore à la supranationalité. C’est le cas, par exemple, de la politique
étrangère. Même s’ il est depuis longtemps prévu de mettre en place une PESC
( politique étrangère et de sécurité commune), les Etats restent souverains
en matière de diplomatie. Dans le domaine de la défense, il existe un début
d’armée européenne (Eurocorps). Mais ce sont les Etats qui font le choix de
mobiliser leurs forces ou pas comme l’a révélé la question malienne.
L’impuissance de l’UE au Kosovo en 1999 est une autre illustration des limites de l’intégration en
matière de politique étrangère. Par ailleurs, la répartition des pouvoirs dans les institutions européennes donne le
sentiment qu’elles souffrent encore d’un déficit
démocratique même si les traités d’Amsterdam (1997) et de Nice
(2000) renforcent le rôle du
parlement. En 2005, le débat sur le traité
constitutionnel (TCE) fait ressurgir
plusieurs questions : L’Europe doit-elle être plus fédérale ? Doit-elle être une organisation à géométrie variable ?
Doit-elle être plus libérale ? Les
néerlandais et les français se prononcent contre le projet proposé.
Le
traité de Lisbonne, dit « traité simplifié » signé le 13
décembre 2007 est alors présenté comme un moyen de renforcer la démocratie
et l’intégration dans l’Union européenne. Le pouvoir de codécision du
Parlement européen est élargi à de nouvelles questions (justice, affaires
intérieures), les européens ont désormais un droit d’initiative populaire.
Au niveau du Conseil de l’Union
européenne, un plus grand nombre de décisions sont adoptées à la double
majorité qualifiée (55% des Etats,
65% de la population) . Un président du Conseil européen
est désigné pour deux ans et demi renouvelables une fois (Donald Tusk). Un haut-représentant
pour la politique étrangère, sorte de ministre des affaires étrangères est
nommé (c’est une italienne , Mme Federica Mogherini). Enfin, la charte européenne des
droits de l’Homme a une valeur juridique contraignante sauf au Royaume-Uni.
Cependant, l’Union européenne n’est
toujours pas un système fédéral complet et la question du système politique
à mettre en place reste ouverte. Pour l’instant, l’Union européenne reste une
fédération d’Etats-nations (expression de Jacques
Delors).
Pour avoir un exemple de
décision législative en Europe : http://www.touteleurope.eu/actualite/le-processus-de-decision-un-petrolier-sechoue.html
Schéma
simplifié des institutions européennes.
Marché commun : non donné à l’Union douanière de la CEE.
Union douanière : zone de libre échange tarif extérieur commun
Marché unique : Union douanière avec libre circulation des hommes et
des capitaux
Principe de subsidiarité : l’Union européenne n’intervient que si l’action
isolée d’un état membre se révèle insuffisante pour atteindre les objectifs.
Confédération
d’Etats : certains domaines sont
de la responsabilité européenne d’autres des Etats.
Supranationalité : principe qui caractérise une organisation placée au
dessus des institutions nationales et dont les décisions s’imposent aux Etats
membres.
Souverainistes : partisan de la défense de la souveraineté nationale, de
la compétence des Etats.
Conseil de l’Union européenne : Appelé également conseil des ministres, il
réunit les ministres concernés par les questions traitées. Il détient un
pouvoir de codécision. Il représente les gouvernements des Etats membres.
Commission européenne : elle est à l’initiative des directives européennes. A ce titre
elle a un pouvoir de codécision. Elle fait également fonctionner les
institutions européennes. Son pouvoir est donc également exécutif. Le président
de la commission européenne est désormais Jean-Claude Junker.
b) Elle continue à s’élargir en soulevant de nouvelles interrogations
L'implosion
de la zone d'influence soviétique ouvre la voie à l'élargissement de l'Union européenne à l'est. Dès 1990, en réalisant son unification,
l’Allemagne rattache des länder qui
constituaient la RDA à l’Ue. En 1993, à Copenhague
sont définis les critères d’adhésion à l’Ue :
appartenance géographique, respect et garantie des libertés fondamentales et du
droit des peuples, acceptation de tous les textes communautaires. En 1995, trois
pays « neutres » dans le contexte de la guerre froide intègrent l’Union européenne (Finlande,
Autriche, Suède). En 2004, 10 pays la rejoignent: Estonie, Lituanie, Lettonie,
Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Chypre, Malte. La
plupart d’entre eux appartenaient au bloc
de l’est. En 2007, c’est au tour de la
Roumanie et de la Bulgarie. Le dernier Etat à intégrer l'Union européenne
est la Croatie en 2013.
Les
avantages espérés de ce processus sont alors nombreux. On attend une extension en
Europe de l'aire de prospérité et de paix créée par l'Union Européenne,
un développement du marché européen qui passe ainsi de 375 millions de
consommateurs à plus 500 millions. On
espère également une augmentation du poids de l’UE sur la scène
internationale.
Mais
l’élargissement de l’UE suscite également quelques craintes liées au coût
exagéré de l' aide au développement de pays dont le niveau de vie en
moyenne est de 23 % inférieur à la moyenne communautaire à l’époque, à la nouvelle
répartition des aides de l’Union européenne au bénéfice des nouveaux états
membres, à la délocalisation des activités industrielles à valeur
ajoutée faible ou moyenne vers ces pays, au développement de phénomènes
migratoires internes (question des Roms). Désormais, la question se pose d’une éventuelle
déstabilisation de l’Europe. La Croatie dernière venue sort d’un conflit
avec la Serbie. La Macédoine est
candidate. Or ses relations avec la Grèce ne sont pas apaisées. La Turquie
adversaire géopolitique de longue date de la Grèce, souhaiterait intégrer
l’Union européenne. Elle a cependant une frontière commune avec l’Irak et la
Syrie. Elle est actuellement déstabilisée par une grave crise politique
interne. Plus récemment la question d’un élargissement intégrant l’Ukraine a
été posée. Or une telle situation pourrait créer des tensions avec la Russie de
Poutine jalouse de son « Proche étranger ».
L’implosion
de la zone d’influence soviétique, fait apparaître un autre enjeu géopolitique
majeur. En effet, certains anciens pays du Pacte de Varsovie adhèrent à
l’OTAN, complétant ainsi la
liste des pays de l’Union européenne
également membres de l’OTAN [22 sur 28(UE)- 28 (OTAN)]. L’influence des Etats-Unis en Europe est donc
croissante et la Russie s’estime menacée dans son proche étranger. Par
ailleurs, la question de l’intervention en Irak en 2003 a montré que les pays
de l’Union européenne ne parlaient pas tous forcément d’une seule et même voix
dans le sillage des EU.
Aujourd'hui, l'Union européenne doit gérer trois
enjeux majeurs : la sécurité
dans le contexte des attentats, l'accueil des réfugiés dans le contexte
des conflits du Moyen-Orient et enfin le risque de dislocation à la suite du
Brexit. On assiste, en effet, au développement de
l'euroscepticisme dans plusieurs pays membres de l'Ue.
Voir
le compte rendu de débat.
Conclusion :
Finalement
en 2016, même si les processus d’intégration, d’approfondissement et
d’élargissement sont très avancés, se posent encore un certain nombre de
questions présentes dès le début de la construction européenne. Robert Schuman et
Jean Monnet parlaient souvent d’Etats-Unis d’Europe. On constate, dans le
contexte des élections européennes, que le sujet divise encore les tenants
d’une Europe fédérale et les partisans du maintien des souverainetés
nationales. Pour l’instant l’Union européenne n’est pas un système fédéral
complet. La guerre froide est terminée pourtant l’extension d’une Europe
atlantiste vers l’est suscite quelques interrogations sur un continent encore
diplomatiquement divisée. Sur ce plan là, l’Union européenne cherche encore à
s’affirmer en tant que puissance. Dans le contexte de la guerre froide, le
modèle européen pouvait sembler alternatif en conciliant économie de marché et
politique sociale. Ce modèle doit-il s’effacer maintenant que le bloc
soviétique s’est effondré ? Pour finir, l’élargissement de l’Union
européenne s’est accéléré depuis 1990. Aujourd’hui, d’autres pays sont
candidats. Leur adhésion n’est pas acquise à cause des difficultés rencontrées
et des problèmes redoutés. On peut donc dire que beaucoup de questions qui se
posaient déjà en 1948 continuent à tarauder les Européens aujourd’hui. Face au
pessimisme créé par le Brexit, un constat s’impose
cependant, depuis 1948, l’objectif politique affiché pour la construction de
l’Union européenne est atteint. Les Etats membres sont en paix.
Auteur :
Nérée Manuel
Bibliographie
:
M. Albéric de MONTGOLFIER,
Rapport d ́information fait au nom de la
commission des fiances sur les conséquences économiques et budgétaires d'une éventuelle
sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne " Brexit"
juin 2016, https://www.senat.fr/rap/r15-656/r15-656_mono.html
Dernière mise à jour : 03/20