TES
Gouverner la France depuis 1946 : Etat,
gouvernement et administration
Entre politique économique des gouvernements et
gouvernance économique
Etude de cas : le France
Le sous-titre un peu provocateur est destiné
à rappeler la différence fondamentale
entre le gouvernement et la gouvernance. La gouvernance est un terme issu du monde de l’économie. Il désigne, à
l’origine, l’administration des entreprises ; la « bonne
gouvernance » étant, dans ce domaine, la gestion efficace d’une société, d’une compagnie. Le gouvernement, est l’institution politique en charge de
l’administration de l’Etat. Il est, en principe, légitime et responsable
de son action face aux citoyens. On constate que progressivement ce terme de gouvernance s’impose dans le
vocabulaire médiatique et officiel (comme en témoigne son utilisation dans les
programmes d’histoire-géographie). On peut y voir une remise en cause de la
place de l’Etat dans l’économie.
Problématique : de 1946 à nos jour
comment a évolué la place de l’Etat dans
l’économie ? Peut-on affirmer que la tendance est au « moins
d’Etat » ?
I1945-1973 :
après la Seconde guerre mondiale, l’Etat joue un rôle majeur dans l’économie.
a)
On tire les enseignements des deux conflits mondiaux et
le CNR programme la reconstruction
A la fin de la seconde guerre mondiale, l’heure n’est plus au dirigisme économique.
L’expérience des totalitarismes est,
de ce point de vue là, dissuasive. Mais le rôle de l’Etat dans l’organisation
de l’ «économie de guerre» a
révélé ses capacités. C’est pourquoi s’affirme en France, le principe d’une
forme d’ « économie mixte »,
permettant la libre entreprise et le
libre échange tout en assurant à l’état un rôle d’organisateur, de
régulateur. Tout au plus, l’Etat est-il interventionniste.
En 1944, le
programme du CNR créé par Jean Moulin en 1943, demandait la mise en place
d’un modèle de République sociale reposant
sur les principes de solidarité
et d’égalité. Conformément à ses souhaits, la Sécurité
Sociale est créée en 1945. Elle regroupe les caisses d'assurance maladie,
d'accident du travail, de vieillesse, d'allocation familiale. Par ailleurs, le
principe d’une planification indicative
de l’économie est acquis. En 1946, un Commissariat
au plan est confié à Jean Monnet.
Des nationalisations sont
entreprises dans certains secteurs: la
banque (1945-société générale-Crédit Lyonnais); l'énergie (1945-gaz,électricité; 1946-charbonnages), le transport ( la nationalisation de
Renault est une sanction des activités menées pendant la guerre par
l’entreprise en collaboration avec l’occupant). On peut donc parler dans ce
contexte, d’Etat-providence.
Dirigisme économique : principe d’intervention systématique et
autoritaire de l’Etat dans l’économie.
Etat-providence : Etat qui tout en maintenant le principe d’une
économie de marché, garantit un haut niveau de protection sociale et s’autorise
des interventions dans le domaine économique.
Nationalisation : décision de faire d’une entreprise
privée une entreprise de la nation appartenant à l’Etat.
CNR : Conseil national de la résistance, organisme voulu
par De Gaulle crée en mai 1943 par Jean Moulin et représentatif de la
plupart des tendances de la résistance.
Commissariat
au plan :
institution chargée de définir pour cinq ans des objectifs indicatifs pour
l’économie française (1946-2006).
b)
Dans le contexte des trente glorieuses, sous la IVème République l’Etat intervient dans
l’économie
La IVème République reprend à son compte le
principe d’une démocratie sociale. Le
préambule de la constitution affirme des droits
sociaux comme par exemple le droit
au travail, à la protection sociale
et à l’éducation. En 1950, est créé le salaire minimum
interprofessionnel garanti (SMIG). Sous la IVème République, l’Etat à un rôle
d’impulsion majeur. Dans le cadre de la politique
d’aménagement du territoire, il lance un certain nombre de grands travaux. L'industrie est modernisée (débuts du programme nucléaire
civil, la Caravelle de Sud-Aviation) et de même que l'agriculture (mécanisation, chimisation et remembrement) pour
satisfaire les besoins des populations française et européenne. Tandis que la
France contribue à la création de la
Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) en 1952 puis d’un marché commun avec la CEE en 1957.
Marché commun : le marché commun de
la CEE est une union douanière, c’est-à-dire un espace où les marchandises
circulent librement entre les Etats membres mais où les Etats membres
appliquent le même tarif extérieur commun (TEC) aux importations en provenance
d’un pays tiers, extérieur pour le dire autrement.
Schéma :
c)
Dans le contexte des trente glorieuses, sous la Vème
République de De Gaulle, l’Etat
intervient dans l’économie.
Sous De
Gaulle, la modernisation de la
France se poursuit. On assiste aux premières réalisations du programme nucléaire civil français. La
centrale nucléaire de Chinon, dont la construction est lancée en 1957 est
achevée en 1967. La SNIAS organise le premier vol du Concorde en 1969. L’Etat
garde alors un rôle d’organisateur.
Il encourage la concentration d’entreprises
(ELF en 1967) et le redéploiement
des activités avec la création de la DATAR en 1963. Il promeut de grands projets industriels comme la
réalisation du paquebot « le France », lancé en 1960. L’Etat est
alors actionnaire à 62 % de la
Compagnie Générale Transatlantique qui met le navire en
exploitation. Au moyen de fonds publics, il subventionne largement la
construction par les chantiers navals de Saint-Nazaire. Pour cela, l’Assemblée
nationale débloque une somme de 100
millions de francs.
Le contexte économique reste
favorable. Le taux de chômage en
France est faible (moins de 2% de la population active). Les prix
augmentent mais l’inflation reste
maîtrisée. Elle est de 2,5% en 1965.
Cependant, vers 1965-1968, on a quelques signes avant-coureurs des crises à
venir. 1965 est la dernière année de plein emploi en France. Les générations issues du baby-boom
arrivent sur le marché de l’emploi et celui-ci commence à avoir plus de mal à
les absorber.
DATAR : créée en 1963, la Délégation
interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale
(DATAR) prépare, impulse et coordonne les politiques d’aménagement du
territoire menées par l’Etat. (source : DATAR.gouv)
II
1973-2015 : le rôle de l’Etat dans un contexte de crise et de
mondialisation évolue ….
Voir
schéma pour résumer la leçon
a)
… entre continuité et ….
Dans le domaine
économique et social, Georges Pompidou poursuit le travail de modernisation de la France. En 1970, le SMIG devient SMIC (salaire
minimum interprofessionnel de croissance). Cette croissance connait pourtant un
coup d’arrêt à ce moment là. Les causes de la
crise sont multiples. Elles sont d’abord
liées à la dégradation du contexte
international. La fin des solidarités monétaires internationales (1971 – abandon
du système de Bretton Woods) précède l’augmentation
du coût de l’énergie occasionnée par les tensions géopolitiques des années
70 (1973 : premier choc pétrolier,
1979 : deuxième choc pétrolier).
Le coût du mazout est multiplié par 4, alors que le « France » en
consomme 600 tonnes par jour. Cela a des conséquences sur la rentabilité de son
exploitation. En dépit de la promesse faite pendant la campagne électorale de Valery Giscard d’Estaing en 1974, Jacques Chirac annonce le 1er
juillet 1974, la fin de l’exploitation du navire. D’une manière plus générale, la croissance
est ralentie. En 1979, le taux de
croissance est de 3.2% contre 5.8% au début des années 70. L’inflation devient galopante.
Elle atteint 15 % en 1974 et
13,6% en 1980.La France connaît donc aussi le phénomène de stagflation. Le chômage
augmente par ailleurs : en 1974, on compte 450 000 chômeurs, en 1975, ils
sont déjà 900 000.
La première réponse donnée à cette crise s’inscrit
dans une logique de contrôle de
l'inflation puis de relance par l'investissement. C’est ce que propose Jacques Chirac (1974-1976), premier
ministre de Valery Giscard D’Estaing avec
un plan de relance de 30.5
milliards d'euros pour permettre aux
entreprises d'investir (financement et réduction des charges) et aux français de consommer (crédits accordés
aux familles nombreuses et aux personnes âgées). L’Etat intervient donc dans l'économie. Cette politique a cependant
des inconvénients. Elle rend nécessaire le maintien de charges fiscales et
salariales importantes. Elle s’accompagne d’un déficit budgétaire.
Malgré cela, la reprise tarde à venir et provoque la…
b)….rupture
Jacques Chirac démissionne en 1976. Valéry Giscard
d’Estaing place donc à Matignon le libéral Raymond Barre surnommé « le père la
rigueur » qui mène, lui, une politique
d'austérité.
En 1981, François Mitterrand est élu président de la République. Son premier
ministre, Pierre Mauroy, fait une brève tentative de retour à la relance. L’âge de la retraite est alors
abaissé à 60 ans, les 39 sont payées 40 et les congés payés passent à 5
semaines. Il réussit à maîtriser
l’inflation mais le contexte a changé. La tendance est à la dérégulation sur le plan financier et à
la mondialisation des échanges. La consommation profite donc aux importations
et ne permettent pas de relancer la production nationale. A partir de 1982, le
gouvernement socialiste fait le choix de la rigueur. Avec les cohabitations,
on assiste à plusieurs vagues de privatisations
(TF1, Paribas, Saint-Gobain, puis BNP, ELF, Rhône-Poulenc, U.A.P). Le poids de
l’’Etat dans la sphère économique commence à se réduire. Une fois au pouvoir à
partir de 1995, Jacques Chirac et son
premier ministre Alain Juppé
confrontés à un important mouvement
social, ne parviennent pas, à réformer la sécurité sociale et les
retraites, mais ils poursuivent les privatisations
(Péchiney, Usinor Sacilor). En 1997, la dissolution de l’Assemblée par
Jacques Chirac provoque une nouvelle situation de cohabitation. Le premier
ministre socialiste Lionel Jospin
fait adopter les 35h mais continue les cessions d’entreprises publiques
(ouverture du capital de France Télécom et d’Air France, privatisation du
Crédit Lyonnais).C’est d’ailleurs ce dernier qui déclare à l’occasion de
licenciements « boursiers » chez Michelin : « L’Etat ne peut pas tout ». Jean-Pierre Raffarin mène une politique de limitation des dépenses
de l’Etat qui s’apparente à de l’austérité. Dominique
de Villepin doit renoncer, face à la
mobilisation des jeunes et des syndicats, à la mise en place du Contrat
Première Embauche (CPE) mais il poursuit les privatisations (privatisations partielles d’EDF et de GDF). Même s’ils
s’en défendent les gouvernements de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ont adopté des
logiques de rigueur budgétaire. Leur
volonté est de baisser les charges sur
les entreprises et les dépenses dans le secteur public. Comme toutes les politiques d’austérité, cette politique
cherche à redresser l’économie en favorisant
les investissements des entreprises. Encore faut-il que le la baisse des
charges se traduise par des embauches et que les entreprises restent implantées
en France. De plus les politiques d’austérité contractent la demande et rendent
la précarité plus difficile à vivre pour ceux qui en sont victimes. Le nombre de chômeur (catégorie A) est supérieur à 3.5 millions en France et
le nombre de travailleurs pauvres dépasse aujourd’hui les 1 million.
En résumé, on assiste donc à un progressif désengagement de l’Etat dans l’économie. Dans
le contexte de l’Union européenne,
celui-ci est de moins en moins souverain
sur les questions économiques. C’est
désormais la Banque centrale européenne
(BCE) qui est la seule à pouvoir utiliser la monnaie comme levier
économique. Or son rôle se cantonne à la maîtrise
de l’inflation. Ce constat d’une
perte de souveraineté économique de
l’Etat doit être nuancé. Par
exemple, l’Etat possède encore une majorité de blocage dans les chantiers de
l’Atlantique (STX France) avec 33% du capital.
Mais l'entreprise italien Fincantieri s'apprête à racheter les 66% des
parts du Coréen STX. Le gouvernement actuel cherche à garder le contrôle sur les décisions
d’entreprises de secteurs considérés comme stratégiques. Il a empêché la cession de Daily Motion par Orange et il augmente
sa participation à l’entreprise Renault. L’Etat reste donc présent mais moins déterminant dans l’économie. Il est majoritaire
dans 1400 entreprises qui emploient 800 000 personnes. On peut y voir un aspect
de la guerre économique à laquelle se
livrent les grandes puissances.
Politique de relance : politique de
relance de l’économie basée sur le soutien à la consommation.
Politique
d’austérité ou de rigueur : politique de réduction des charges et des
dépenses de l’Etat dans l’espoir de favoriser les investissements des
entreprises.
Guerre économique : Dans
un contexte pacifié, mobilisation de tous les moyens possibles (innovations,
veille technologique, prospections économique par l’intermédiaire des
ambassades, espionnage, etc…) permettant
de conforter la puissance économique d’un Etat.
Dans
un contexte de guerre recherche
de tous les moyens (militaires, diplomatiques, matériels) destinés à réduire le
potentiel économique de l'adversaire (blocus,
bombardement d'objectifs industriels, contrôle des exportations des pays
neutres, conquête des voies d'accès aux matières premières, etc).
Conclusion :
finalement, entre la reconstruction et la crise des subprimes actuelle, en
passant par les trente glorieuses et la stagflation, la place de l’Etat dans
l’économie a changé. Largement interventionniste dans la cadre de
l’Etat-providence, il semble s’effacer compte tenu de l’inefficacité relative
des remèdes habituels contre la crise. Il faut dire que le contexte n’est plus
le même avec la mondialisation et l’intégration croissante de l’économie
française. A l’heure où les inégalités se creusent en France, on peut donc se
demander par quel moyen il serait possible de rétablir la fonction première de
l’économie : satisfaire les besoins réels des hommes et des femmes de ce
pays.
Bibliographie :
PROST A.,
Guerres, paix et sociétés : 1911-1946, Paris, Les Éditions de
l'Atelier, 2003
ROUSSEAU
F. (dir.) Guerre, paix et sociétés,
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VERLEY Patrick, Nouvelle
Histoire économique de la France contemporaine, La découverte, 1989
CARON François, Histoire
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BRIONNES H., TELLENNE C., Mondialisation, environnement et développement, zoom Géo, ellipses,
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BRUNEL S., A qui
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LESOURD J.A, GERARD C., Histoire
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MAILLE-VIROLE
C., Un ambassadeur sur les mers :
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Dernière mise à jour : 01/17