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TL
Titre : Gouverner la France depuis 1946. Etat,
gouvernement et administration. Héritages et évolution
Le gouvernement désigne certes l'ensemble
des ministres qui assument, avec le président, le pouvoir exécutif mais aussi, plus généralement, l'administration politique de la
France. Ainsi, même si l'intitulé ne l'exprime pas ouvertement, la réflexion
porte également sur la gestion
territoriale. A l'heure où se tiennent des élections municipales associées
à un vote pour les représentants intercommunaux, se développe, en effet, tout
un débat sur la bonne échelle de gouvernance locale. Le débat sur la façon d'administrer la France n'est pas
nouveau. Il se pose dès la fin de la seconde guerre mondiale.
Pb :
La question se pose alors de savoir comment gouverner la France. Les réponses données
changent avec le temps. Il faut montrer cette évolution.
Etat : entité politique propre à une population qui administre et exerce sa souveraineté sur un territoire.
I La IVème République : un système parlementaire
centralisé
a) Après un débat sur
fond d'héritage douloureux,
« Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp !
» De Gaulle, 1946
A
partir de 1944, le Gouvernement
Provisoire de la République Française (GPRF) présidé par De Gaulle se
charge d'assurer la transition avant la mise en place de nouvelles
institutions. Dès lors, la question se pose de savoir quel type de système
politique mettre en place. Rendue
responsable par certains de la
défaite au début de la seconde guerre mondiale et marquée par son instabilité ministérielle, la troisième république apparaît alors
comme un repoussoir pour les uns tandis que les autres souhaitaient éviter à tout pris une dérive autoritaire
comparable à celle du régime de Vichy. Pour le dire autrement la question
se pose en ces termes : faut il mettre en place un système politique où un parlement puissant sert de
contre-pouvoir efficace face à l'exécutif ou, au contraire, faut-il renforcer l'exécutif pour le rendre
efficace ? En octobre 1945, un premier référendum
est proposé aux français permettant d'établir une assemblée constituante. Une
fois la nouvelle constitution
rédigée, elle est soumise à leur approbation
par un nouveau référendum en octobre 1946. De Gaulle est hostile à cette proposition. Son point
de vue favorable à un régime
présidentiel s'exprime clairement à l'occasion du discours de Bayeux. Les français se prononcent cependant à 53% en
faveur de ce qui devient la IVème
République. De Gaulle dit alors d'elle qu'elle adoptée du « bout des lèvres ».
Assemblée constituante : assemblée élue pour rédiger une constitution.
Référendum :
consultation directe des citoyens sur des questions d’intérêt national.
b)... les français
choisissent un régime parlementaire encore très centralisé.
La
IVème République est une démocratie.
La constitution en définit les règles de fonctionnement. Les pouvoirs sont séparés. Les libertés
fondamentales sont garanties. Le préambule de la constitution affirme
également des droits sociaux comme
par exemple le droit au travail, à la protection sociale et à l’éducation.
C'est là un héritage du Conseil National
de la Résistance (CNR). Il s'agit d'établir une forme de démocratie sociale.
La
IVème République est aussi un régime
parlementaire. La Chambre des
députés investit, en effet, le
Président du conseil et peut renverser le gouvernement par une motion de censure. Politiquement, cela
se traduit par l'organisation de coalitions
politiques comme le tripartisme ou
la troisième force sans lesquelles
il est impossible de gouverner. C'est ce que De Gaulle dénigre en parlant de "régime des partis". Il en résulte également une grande instabilité ministérielle. Entre
1946 et 1958, on compte 25 gouvernements successifs. Pour finir, l'administration de la France
sous la IVème République est encore largement centralisée. La tradition
jacobine héritée de la Révolution Française se maintient. En province, dans
les départements, les préfets sont les
représentants de l'Etat. Ils en relaient la politique et les directives.
Coalition :
alliance de plusieurs partis.
Tripartisme :
coalition des trois partis qui dominent la vie politique française au sortir de
la seconde guerre mondiale : le PCF, la SFIO, le MRP
Troisième Force : coalition des forces politiques entre 1947 et
1951 à l'exception des partis communistes et des gaullistes.
c) ....dont le bilan est
mitigé.
Le
bilan de la IVème République en matière d’administration de la France n’est pas entièrement positif. Il
convient cependant de ne pas le
sous-estimer.
Sur le plan intérieur, comme d'autres pays dans le monde à la même époque, la
IVème RÉPUBLIQUE met en place un Etat-providence.
La sécurité sociale organisée en
1945 assure un haut niveau de protection sociale. Dans le contexte
des trente glorieuses, l'Etat est largement présent dans
l'économie au travers des nationalisations (EDF, GDF, CDF et Renault).
C'est également sous la IVème République que s'engage, sous l'autorité du
Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (1944) et de la DATAR (1963), une politique d'aménagement du territoire destinée à corriger les
déséquilibres de l'espace français (macrocéphalie parisienne, ligne Le
Havre/Marseille, diagonale du vide). Les primes
à l'aménagement du territoire (PAT) encouragent le redéploiement industriel. A
cette occasion également sont créées en 1956, 21 régions de programme pour faciliter la gestion des territoires.
Ce sont ensuite des circonscriptions d'action régionale qui sont définies en 1960.
Elles annoncent les futures régions. A l’époque, ce découpage ne provoque pas, alors, un fort sentiment
d'appartenance sauf dans les
territoires où l'identification est
de tradition ancienne (Corse, Lorraine , Alsace, Franche-Comté, Bretagne). Dans un autre
domaine, c'est aussi sous la IVème République que s'engage la modernisation de l'industrie (programme
nucléaire civil, la Caravelle de Sud-Aviation) et de l'agriculture (mécanisation, chimisation et remembrement) pour
satisfaire les besoins des populations française et européenne.
Sur
le plan extérieur, c'est sous la IVème République que' amorce la construction européenne. Le ministre
des affaires étrangères Robert Schuman et son conseiller Jean Monnet,
commissaire au plan, sont à
l'origine de la déclaration du 9 mai 1950 qui annonce la mise en commun des productions de charbon et d'acier de six Etats
Européens (développement dans le chapitre suivant)
C'est
la gestion de la question coloniale qui finit par fragiliser la IVème
République. A Genève en juillet 1954, le
gouvernement de Pierre Mendes-France
(Radical) concède l'indépendance de l'Indochine à l'issue d'un conflit qui
dure depuis 1946. Sous la présidence de René Coty, les gouvernements
successifs peinent à gérer les "évènements
algériens". La IVème République ne survit pas à ce conflit.
Etat-providence : état qui tout en maintenant le principe d’une économie de marché,
garantit un haut niveau de protection sociale et s’autorise des interventions
dans le domaine économique.
Nationalisation : décision de faire d’une entreprise privée une
entreprise de la nation.
Commissariat au plan : institution chargée de définir pour cinq ans des objectifs
indicatifs pour l’économie française (1946-2006)
II La Veme République : un système semi-présidentiel en
cours de décentralisation.
a) Dans le contexte de
la guerre d'Algérie est mise en place ....
Le 13 Mai 1958, à l'annonce de la nomination à la
présidence du conseil du MRP Pierre Pflimlin, réputé favorable à des
négociations, des européens et des militaires favorables à l'Algérie française
provoquent des émeutes à Alger. Est alors constitué un Comité de Salut Public présidé par le général Massu. Le
général De Gaulle se présente comme un recours possible. Le 1 juin 1958,
il est investi Président du Conseil. Les hommes politiques français craignent
alors une guerre civile. Le 2 juin 1958, l'Assemblée l'autorise à préparer une
nouvelle constitution. Le 28 septembre 1958, 80% des français acceptent par référendum la nouvelle
constitution. S’il est encore possible de discuter pour savoir s'il s'agit d'un
coup d'Etat, le fait que des
militaires influencent le cours politique des choses permet d'assimiler ces
évènements à un pronunciamiento.
Pronunciamiento :
terme d’origine espagnole désignant l’intervention de l’armée dans la vie
politique afin dans changer l’orientation.
Coup d’Etat :
prise de pouvoir non conforme aux règles constitutionnelles. Elle n’implique
pas forcément un recours à la force, à la violence.
b) ...une Vème
République Gaullienne, qui le reste malgré tout.
La Vème République est une démocratie. La répartition
des pouvoirs est définie par la constitution rédigée en partie par le
gaulliste Michel Debré. Là encore
les pouvoirs sont séparés et les libertés fondamentales sont garanties. Le pluripartisme
est ancré dans le fonctionnement des institutions.
Il
s'agit d'un régime semi-présidentiel.
Les prérogatives du président sont considérables. Elu pour sept ans, il
est chef des armées et de l'exécutif
en général. Il peut dissoudre
l'Assemblée nationale. En cas de crise majeure, l'article 16 lui confère les pleins pouvoirs. Au dessus des partis,
il peut consulter directement le peuple
par référendum. C'est d'ailleurs à l'issue d'un référendum dont on peut
douter de la constitutionnalité, que De Gaulle met en place le vote du président de la République au suffrage universel direct en
1962. Le pouvoir exécutif est donc fort mais
il connaît des limites. En refusant
d'accorder sa confiance au gouvernement ou en adoptant une motion de censure, l'Assemblée nationale peut renverser le gouvernement.
Le général De Gaulle utilise donc ensuite toutes
les prérogatives présidentielles :
le référendum (en 1961,1962 [2X] et
1969), la dissolution de l'Assemblée
(en 1962 et en 1968) et l'article 16
en 1961 pour empêcher le putsch de généraux. A l'exception, de l'article 16, les successeurs du
général De Gaulle à la présidence
ont fait de même. Par exemple, François Mitterrand dissout
l'Assemblé nationale à deux reprises pour consolider sa majorité
parlementaire juste après les élections présidentielles de 1981 et 1988. En
1992, les Français sont consultés par
référendum sur l'adoption du traité de Maastricht. Ils disent oui mais en 2005, ils disent
majoritairement non à la proposition
de traité constitutionnel européen
(TCE).
Cependant,
l'histoire de la Vème République présente malgré tout des nouveautés et des imprévus. D'abord, les Français pratiquent l'alternance. Ainsi en 1981 est élu un
président socialiste, François Mitterrand. Ensuite, bien que ne figurant
pas dans le texte de la constitution, la cohabitation
s'impose à trois reprises
(1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-2002). A l'occasion des deux premières,
s'amorce un processus de désengagement de l'Etat de l'économie
française avec plusieurs vagues de privatisations
(TF1, BNP, Paribas). En 2000, les
français se prononcent par référendum en faveur du quinquennat. Enfin, en 2008, Nicolas Sarkozy obtient du
parlement réuni en congrès quelques modifications de la constitution.
Désormais, le président qui ne peut
cumuler plus de deux mandats est autorisé à s'exprimer devant le parlement.
Le recours à l'article 16 semble
mieux encadré.
Question de confiance : question à
l’Assemblée nationale par laquelle le gouvernement engage sa
responsabilité. Si la majorité des
députés n’accorde pas sa confiance, le
gouvernement démissionne.
Motion de censure : proposition déposée par au moins 10% des députés, provoquant la
démission du gouvernement si elle est acceptée à la majorité absolue des
députés.
Quinquennat :
mandat présidentiel de 5 ans
c) Le cadre
d'administration politique évolue ....
En 1969, le général De Gaulle quitte le pouvoir
car les français répondent négativement au référendum qui porte sur la réforme du sénat et sur la régionalisation.
Il faut donc attendre, l'alternance
socialiste pour que soit votée en 1982, la loi Deferre qui lance la décentralisation. Avec cette loi, l'Etat se décharge de certaines compétences
et les transfère avec des moyens aux
collectivités territoriales. Le préfet
perd de son autorité au bénéfice des conseils
municipaux, généraux et régionaux.
La loi de 1983 définit les compétences des
collectivités territoriales.
La
construction européenne progresse
également (chapitre suivant). Cela a des répercussions sur le gouvernement de
la France. En effet, le traité de
Maastricht ratifié par les français par référendum en 1992 complète le traité de Rome en établissant que dans
un certain nombre de domaines (commerce international, agriculture, pêche,
transport) les décisions prises au
niveau européen s'imposent aux Etats membres. Désormais, une partie de la législation française est
déterminée par les directives de la
Commission européenne. Dans ces conditions une partie de la gouvernance qui concerne la France est
désormais supranationale. Par
ailleurs, avec Maastricht, la France fait également le choix de la monnaie unique : l’euro. Elle est
donc amenée à harmoniser sa politique avec celle des autres Etats. Des limites
lui sont fixées en matière de déficit budgétaire. La France s’intègre donc dans
une Fédération d’Etats-nations.
Supranationalité : principe
qui caractérise une organisation placée au dessus des institutions
nationales et dont les décisions s’imposent aux Etats membres.
d) ...non sans susciter
quelques débats.
L'importance
prise par l'Union européenne dans la gestion des affaires communes pose la
question de la légitimité du pouvoir. Les institutions européennes sont les
premières à le reconnaître : l'organisation de l'UE souffre d'un déficit démocratique (chapitre
suivant).
La
même critique pouvait également être faite à l'intercommunalité. En effet, jusqu'aux élections municipales de
cette année, les citoyens n'étaient pas
associés directement à la désignation des conseillers intercommunaux. Le
maire de la plus grande commune devenait le plus souvent le président de l’Etablissement Public de Coopération
Intercommunale (EPCI). Les compétences de ces dernières ne sont pas
négligeables. Elles gèrent le territoire (Schéma de Cohérence
Territoriale-SCOT), prélèvent certains
impôts (Fiscalité Professionnelle Unique-FPU). La constitution de métropoles autour des grandes
agglomérations est également encouragée comme à Lille ou à Toulouse. L'intercommunalité est donc désormais un
échelon de gouvernance territorial majeur. La réforme du code électoral
semble lui donner un peu plus de
légitimité politique.
Un
dernier débat porte sur l'enchevêtrement
des compétences et sur le
mille-feuilles administratif français. La France compte désormais plus de 36500
communes, 101 départements et 27
régions. Dans un certain nombre de
domaines, comme les affaires sociales, elles sont plusieurs à intervenir.
Certains envisagent donc de supprimer
certaines divisions administratives. Le département et la commune,
héritages de la Révolution française, sont les plus menacés compte tenu de
l'importance ce prise par l'intercommunalité
et la région.
Conclusion :
Aujourd'hui
encore dans le contexte de l'intégration européenne et de la mondialisation, malgré la redéfinition progressive du rôle de
l’Etat,en dépit de la remise en cause de sa souveraineté, il reste, en France, la référence en matière d'administration politique. Cependant avec
le passage de la IVème à la Vème république,
l'organisation du système de
gouvernement a changé. On est passé d'un système parlementaire à un système
semi-présidentiel. La longévité de la Vème République est remarquable. Elle
connaît cependant quelques modifications et des situations qui n'étaient pas
prévues initialement. Mais l'essentiel
de l'esprit de la constitution gaullienne est conservé.
Par
ailleurs, le cadre de gouvernement évolue
par le bas et par le haut en quelque sorte avec l'affirmation d'un pouvoir supranational, l'Union
européenne et le développement des pouvoirs des collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation.
Si
ces tendances sont confirmées, la question se posera peut-être un jour de
l'adoption d'un modèle fédéral en France
comme en Europe.
Auteur :
Nérée Manuel
Bibliographie :
ALVERGNE C., TAULELLE F.,
Du Local à l’Europe, Les nouvelles politiques d’Aménagement du Territoire,
Coll. Major, PUF, 2002.
Dernière mise à jour : 03/14