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Le Proche et le Moyen-Orient : un foyer de conflits depuis la fin de la première guerre mondiale.

Le cas Iranien

 

De nombreux films tels que celui de Marjane Satrapi, Persepolis ou encore plus récemment celui de Jafar Panahi, Taxi Téhéran rappellent les conséquences sur la population iranienne de la révolution chiite en 1979. A y regarder de plus près sur le long terme, on observe que cet Etat de 1 648 195 km2 qui compte aujourd’hui plus de 77 millions habitants est représentatif des enjeux caractéristiques des conflits au Proche et du Moyen-Orient depuis la  fin de la première mondiale.

 

Pb : Quels sont ces enjeux ? Quel rôle joue l’Iran dans ce contexte international et cet environnement régional depuis la fin de la première guerre mondiale ?

 

I  Les éléments géographiques à prendre en compte pour comprendre les relations entre l’Iran et les autres Etats. (approche diatopique)

 

a)     Le territoire iranien …

 

L’Iran occupe un plateau situé sur la rive nord du Golfe Persique. C’est donc un Etat du Moyen-Orient qui entend ne pas laisser au sultanat d’Oman et aux Emirats Arabes Unis le monopole du contrôle du détroit d’Ormuz par lequel transite 30 à 40% du pétrole mondial. Les frontières avec l’Irak issues des accords de 1975, constituent un autre motif de conflit entre l’Iran et ses voisins.

 

Frontières : limite séparant la souveraineté respective de deux Etats.

Moyen-Orient : région d’Asie aux contours discutés mais globalement située entre l’est de la Méditerranée, le sud de la Mer Noire, l’Océan Indien et l’est de l’Iran.

 

b)     …est riche en ressources.

L’Iran détient  9% des réserves prouvées de pétrole. Il possède également du gaz. Les exportations de pétrole, vers l’Asie notamment, représentent 60% de ses recettes budgétaires mais celles-ci restent limitées du fait de l’embargo américain.

 

Ressources : éléments du milieu exploités par une société pour satisfaire ses besoins

 

c)     Sa population est majoritairement mais pas exclusivement chiite.

Les persans chiites représentent l’essentiel de la population. Mais il faut compter également avec d’autres populations. Il y a en Iran des arabes, des azeris, des baloutchs. Les kurdes présents dans le nord souhaitent s’unir pour créer un Etat souverain. L’Iran est donc un Etat multiethnique qui n’est pas à l’abri des revendications de nationalités.  

 

Chiites : 10 % des musulmans, estiment que le califat appartient de droit aux descendants du prophète et n'acceptent pas l'éviction d'Ali le gendre du prophète, assassiné en 661. Dans le chiisme, l'imam et les ayatollahs, sans constituer un clergé, conduisent la communauté des croyants. En Iran, les Chiites représentent plus de 80% de la population.

Sunnites : Le sunnisme reconnaît la succession califale après Ali. Le sunnisme est divisé en quatre écoles qui n'accordent pas la même importance au Coran, à la Sunna et aux Hadiths. Les sunnites représente la grande majorité des musulmans dans le monde.

 

d)     Les enjeux de la puissance  iranienne peuvent se lire à plusieurs échelles.

L’Iran se perçoit comme une puissance régionale capable d’influencer certains de ses Etats voisins. Ainsi, l’Iran est un soutien du Hezbollah chiite libanais. Par cet intermédiaire, il est capable de jouer un rôle dans la vie politique du Liban. L’Iran soutient également l’alaouite Bachar al-Assad en Syrie dans le conflit qui dure depuis 2011. Depuis la chute de Saddam Hussein, l’Iran s’est rapproché de l’Irak dirigé désormais par les chiites. L’Iran soutien également l’actuelle insurrection des chiites houthis au Yemen. Par ailleurs, l’Iran souhaite la disparition de son ennemi déclaré dans la région : l’Etat d’Isarël.

Pour finir, l’Iran est en mesure d’étendre son influence au-delà de la région. C’est ce qu’à révélé l’ampleur prise par la condamnation par fatwa en 1989 de l’écrivain, Salman Rushdie, auteur des Versets Sataniques. On assiste également à un réchauffement récent des relations entre les Etats-Unis et l’Iran. Barack Obama se montre actuellement plus conciliant avec le président de la République d’Iran Hassan Rohani ce qui suscite la colère du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. L’approche de la puissance iranienne doit donc être multiscalaire.

 

Fatwa : décision à vocation juridique prise par une autorité religieuse islamique.

 

II L’évolution des relations de l’Iran avec les autres nations (approche diachronique).

 

a)     L’Iran échappe à la tutelle coloniale ….

 

Pendant, la première guerre mondiale, l’Iran qu’on appelle alors la Perse, reste neutre. Mais son territoire est convoité par les Russes et les Britanniques pour son pétrole. En 1919, les Anglais tentent sans succès d’imposer un protectorat sur l’Iran. Un conflit concernant les revenus de l’exploitation du pétrole oppose la compagnie britannique anglo-persian puis anglo-iranian au dirigeant iranien Reza Chah Pahlévi. Le pays est déstabilisé à l’occasion de la seconde guerre mondiale. Reza Chah Pahlévi doit alors abdiquer au profit de son fils Mohammed Réza Pahlévi, qui devient à son tour Chah d’Iran (ou Shah)  

 

Protectorat : territoire demeurant souverain, en principe, sur le plan intérieur avec le maintien de ses autorités traditionnelles mais qui délègue un certain nombre de pouvoirs à une puissance étrangère dans le domaine de la défense, de la diplomatie et du commerce.

 

b)     ….mais pas à l’influence des deux superpuissances.

 

Au sortir de la seconde guerre mondiale, les soviétiques tentent de déstabiliser le pays en soutenant en 1946 la sécession de l’Azerbaïdjan. Ils cherchent à obtenir une concession pétrolière mais ils échouent. En 1951, le premier ministre nationaliste du Chah d’Iran, Mossadegh, décide de nationaliser l’industrie pétrolière alors que la production de pétrole iranien est passée de 83000 tonnes en 1913 à 7,2 millions de tonnes en 1949. Cela entraîne une crise grave avec le Royaume-Uni. Mossadegh est finalement renversé par un coup d’Etat militaire en août 1953 avec l’aide de la CIA. L’Iran se rapproche alors très clairement des Etats-Unis en signant le pacte de Bagdad qui complète l’ensemble des systèmes d’alliance militaire (SAM) autour de la superpuissance occidentale. Le Chah d’Iran engage donc, à marche forcée, son pays dans une politique de modernisation sur un modèle occidental dont reste exclue une bonne partie de la population.

 

Pacte de Bagdad : il associe aux Etats-Unis en 1955,  le Royaume-Uni, laTurquie, l’Iran, le Pakistan et l’Irak.

 

c)     En réaction, la révolution islamiste de 1979 ….

 

…établit une République islamique. Le chah d'Iran, est renversé par plusieurs mouvements d’opposition. Progressivement, les islamistes guidés par  l'ayatollah Khomeyni s’imposent au pouvoir.  L’Iran devient une république islamique. La charia est appliquée. Les « gardiens de la Révolution » prennent en otage les employés de l’ambassade américaine à Téhéran. Le président, américain Jimmy Carter échoue à les faire libérer. C’est le début d’une animosité durable entre les Etats-Unis et l’Iran. 

 

En 1980, l’irakien Saddam Hussein soutenu alors par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni attaque l’Iran. Il redoute la contagion islamiste chiite et lorgne sur des territoires riches en ressources du pays voisin. Saddam Hussein  apparaît alors comme un rempart arabe, nationaliste, sunnite et potentiellement laïc face aux chiites islamistes. Ce conflit se solde en 1988 par un retour à la situation d’avant guerre et fait entre 500 000 et 1 000 000 de victimes. Pour certains, cette guerre Iran-Irak est la première guerre du golfe.

 

Charia : loi islamique qui s'applique au droit des personnes (mariage, héritage, statut de la femme) comme au droit pénal et public, qui prévoit des peines contre les crimes religieux.

Islamisme : c’est un projet qui vise à ré-islamiser la société et  à créer un système politique totalisant qui gérerait tous les aspects de la société, de l'économie en s'appuyant sur les seuls fondements de l'Islam (Olivier Roy).

Ayatollah : autorité religieuse de haut rang du clergé chiite.

 

d)     A la fin de la guerre froide l’Iran reste une puissance qui préoccupe

 

Car l’Iran soutient le Hezbollah chiite qui attaque régulièrement Israël au lance-roquette depuis le Liban. C’est ce type d’attaque qui a provoqué l’intervention israélienne au sud Liban en 2006.

De plus, de nombreux éléments confirment que l’Iran cherche à se doter de l’arme nucléaire. En effet, ses moyens actuels dépassent les capacités nécessaires pour un simple programme énergétique civil. L’Iran participe donc ainsi au processus de prolifération horizontale d’armes nucléaires. Les négociations actuelles visent à placer son potentiel sous le contrôle international afin de l’empêcher de s’ériger en peu de temps en puissance nucléaire. Sur ce sujet, l’Etat d’Israël, lui-même détenteur de l’arme nucléaire, estime que les Etats-Unis sont actuellement trop conciliants avec l’Iran. Inquiet des capacités de l’Iran à se doter dans un très proche avenir de l’arme nucléaire, il réclame une guerre préventive contre Téhéran.

 

Pour finir, l’Arabie Saoudite, le Qatar et les autres pétro-monarchies sunnites du golfe s’inquiètent de l’influence et de l’interventionnisme croissant de l’Iran chiite perçu comme rival majeur dans le monde musulman. L’Arabie Saoudite reproche également à Barack Obama ses discussions avec l’Iran. Plusieurs de ces Etats arabes sunnites interviennent désormais au Yemen pour contrer l’expansion de l’insurrection houthis.

 

e)     Mais le régime peut être déstabilisé de l’intérieur 

 

Dès 2009,  la République Iranienne a été déstabilisé par un mouvement de protestation largement relayé par les réseaux sociaux. Mais ce mouvement a rapidement été réprimé par les pasdarans du régime islamiste. Le conservateur, Ali Khamenei chef religieux suprême,  reste le chef de l’Etat placé au dessus du président de la République iranienne. 

 

Pasdaran : organisation paramilitaire placée sous l’autorité directe du chef de l’Etat iranien

 

Conclusion :

Longtemps convoité par les puissances coloniales et par les superpuissances de la guerre froide, l’Iran s’est maintenu en tant qu’Etat souverain mais il n’a pas su établir durablement une démocratie telle qu’on l’entend dans le monde occidental. En effet, à l’occasion de la révolution chiite de 1979, une république islamiste succède à une monarchie autoritaire. L’Iran est représentatif de la diversité des enjeux à l’origine de conflits dans la région. Ses ressources pétrolières aiguisent les appétits. Le régime s’ancre dans une identité religieuse. Certaines de ses frontières sont litigieuses. Enfin, l’Iran se perçoit comme une puissance régionale, voire une puissance internationale capable de faire sentir son influence bien au-delà de ses frontières quitte à participer aux conflits qui déstabilisent la région.

 

Auteur : Nérée Manuel

 

Bibliographie :

Ouvrages généraux :

GERE F., Pourquoi les guerres ? Un siècle de géopolitique, 20.21 d’un siècle à l’autre, Larousse, 2002 

LACOSTE Y, Géopolitique, la longue histoire d’aujourd’hui, Larousse, 2008

 VICTOR J-C, RAISSON V, TETART F. Le Dessous des cartes. Atlas géopolitique. Editions Arte-Tallandier, 2005. [CDI]

GIBLIN, B. (sd) Géographie des conflits, documentation photographique, n°8086, mars-avril 2012. [CDI]

Sur la région :

MUTIN G.,  Du Maghreb au Moyen-Orient : un arc de crises, la Documentation photographique n° 8027. [CDI]

Sur l’islamisme :

KEPPEL G., Jihad, Actuel, folio, 2003

ROY O., Généalogie de l'islamisme, Hachette, 1995

 

Dernière mise à jour : 05-15