Séries : TS, TL

 

Titre : Le continent américain entre tensions et intégrations régionales

 

“Un barrio que va desde Nueva York hasta la Patagonia” Ruben Blades , Un Gran Dia En El barrio-Ray De La Paz

 

Un continent est une vaste étendue de terre entourée d’océans pour être complet nous devons inclure dans notre étude l’espace caribéen qui géographiquement et historiquement appartient à « l’hémisphère américain ». Il est peut-être possible d’exclure de notre propos les territoires lointains du pacifique (Hawaii, île de Pâques). Ce continent rassemble sur plus de 42 millions de km2, 35 Etats. L’intégration peut-être comprise ici comme la capacité des Etats de cette région du monde à fonctionner ensemble et à échanger. Dans certains cas l’intégration peut aller jusqu’ à l’adoption de normes communes dans des instances de gouvernance supranationales. Mais cette région a connu et connait des conflits, des oppositions, des affrontements, pour le dire autrement des tensions

 

Problématique : Quels sont les éléments qui favorisent l’intégration régionale en Amérique ? Quelles sont les limites de cette intégration et les tensions qui parcourent le continent ?

 

I La réelle intégration du continent ...

a) ……sur la base de propositions étasuniennes…

En 1994, sont signés les accords de l'ALENA qui mettent en place une zone de libre échange où marchandises et capitaux circulent librement. Elle réunit les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Dans ces conditions, le développement économique du Mexique connaît une nouvelle impulsion. Désormais 80 % des exportations mexicaines sont destinées aux Etats-Unis. Dans ces conditions, le Mexique est dépendant de la santé de l’économie américaine et il est de plus en plus exposé à la concurrence asiatique. Dans les années 2000, les Etats-Unis ont envisagé la création d’une plus vaste zone de libre échange américaine (ZLEA). Mais celle-ci tarde à voir le jour.

 

Sur le plan géopolitique, pour relayer leur influence sur le continent, les Etats-Unis ont mis en place l’organisation des Etats Américains (OEA)

 

Zone de libre-échange : espace dans lequel les marchandises (parfois les capitaux et les services) circulent librement entre les états.

 OEA : l’organisation des Etats Américains est une organisation qui réunit 35 Etats américains

 

Schéma ALENA

 

b) ….et de propositions latino américaines

Face au projet d'intégration américain, le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay ont mis en place en 1980 une Union douanière, le Mercado Comun del Sur (MERCOSUR). Il a été complété depuis par la Bolivie, le  Chili, le  Pérou, la Colombie et l’Equateur. Il existe d'autres organisations. Comme la Communauté Andine des Nations (CAN) créee en 1969 ou  la Communauté caribéenne (CARICOM).

 

CARICOM : 14 Etats membres, 6 membres associés.  Aspire à la création d’une zone de libre échange régionale.

Union douanière : les pays membres appliquent tous un tarif extérieur commun aux importations en provenance d’un pays tiers.

 

c) Les flux traduisent l’existence d’intégrations régionales

De nombreux flux animent "l‘hémisphère américain". On peut évoquer les flux de marchandises. Les pays latino-américains et caribéens commercent encore beaucoup avec le nord du continent. Plusieurs pays comme le  Chili, le Brésil exportent des produits primaires ou faiblement transformés. On parle parfois de primarisation des économies. Par exemple, le produit de la mine représente 64% des exportations du Pérou. Le Chili possède par ailleurs les premières réserves mondiales de lithium et de cuivre. On assiste également à une extension des grandes cultures dans la pampa argentine ou dans les savanes orientales de la Colombie.. La valorisation des ressources primaires concerne aussi les EU et le Canada qui sont des puissances agricoles mais aussi des Etats pionniers en matière de mise en exploitation des gaz de schiste. Le continent américain compte également des puissances industrielles comme les EU et le Canada et des Nouveaux Pays industrialisés comme le Brésil et le Mexique. Leurs productions industrielles complètent la gamme des produits échangés.

 Dans ces conditions, les économies sont parfois plus concurrentielles que complémentaires.

 

L'intégration régionale passe aussi par les flux de capitaux. Il s'agit d'investissements directs à l'étranger (IDE), comme pour créer des maquilas (maquiladoras) à capitaux américains au Mexique.  Il s'agit aussi de transferts financiers effectués par les migrants. En  2011 Amérique latine a bénéficié de 60 milliards de dollars de "remesas.". Les paradis fiscaux des Caraïbes (îles Caïmans, Saint Martin) et d'Amérique centrale (Bélize, Panama, Costa Rica) reçoivent les fortunes en provenace du monde entier cherchant à échapper au fisc ou l'argent des trafics divers destinés à être blanchi.

 

La région est également animée par d'importants flux migratoires. Les flux dominants sont des flux sud-nord vers les EU et le Canada. Mais les flux sud-sud se développent également depuis le Venezuela, ou vers Saint-Domingue, le Brésil ou encore l’Argentine. Les flux de touristes qui représentent 60 millions d’arrivées en Al continuent à augmenter avec notamment des pôles caribéens (Bahamas, Punta Cana) et Mexico (Acapulco, Cancun).

 

Primarisation des économies : poids croissant dans le PIB, des activités liées à l’extraction ressources naturelles ou à l’exploitation agricole.

Maquiladoras : au Mexique, entreprise de production industrielle de franchise américaine ou asiatique bénéficiant de détaxations qui lui permettent de produire souvent à partir de pièces détachées importées et d'exporter, vers les États-Unis principalement. Il convient de noter que les maquiladoras se développent également à l’intérieur du Mexique.

 

Schéma :

 

II... connaît cependant des limites 

a) Des obstacles et des freins à l’intégration demeurent.

Contrairement aux accords de Schengen, l'ALENA ne prévoit pas la libre circulation des ressortissants des Etats membres. Donald Trump entend bien limiter les flux migratoires. Le Canada se fixe chaque année un quota d’immigration.

D’autres Etats cherchent également à limiter ces mobilités. Cuba, sous embargo américain depuis 1962 empêche l’émigration de ses ressortissants tandis que sur  l’île voisine, l’ancienne Hispaniola, les autorités de Saint-Domingue cherchent à limiter l’entrée de ressortissants Haïtiens. Les limites sont aussi celles imposées aux trafic illicites.  . Ainsi les Etats où on produit de la drogue cherchent à lutter avec l’aide des Etats-Unis et son DEA (Drug Enforcement Administration) contre les cartels de la drogue. Des Etats font aussi le choix d’un développement plus autarcique ce qui limite, sans l’exclure cependant, le recours aux importations comme c’est le cas en Bolivie.

 

Autarcie : politique qui consiste à vivre de ses propres ressources en réduisant le plus possible les échanges avec l’extérieur.

 

b) L'intégration des territoires et les niveaux de développement sont inégaux ….

 

A l’échelle du continent on peut distinguer le pôle de la triade nord américain, auquel on peut associer le Canada, le Mexique. On peut leur associer  aussi le Brésil. Il apparait désormais comme une puissance émergente. Avant la crise, le Venezuela d’Hugo Chavez souhaitait également assurer une forme de leadership régional voire international. L’Argentine et le Chili souhaitent également maintenir une certaine influence en dépit de leurs difficultés économiques. Le continent américain compte ensuite un grand nombre de pays intermédiaires, Haïti étant le seul PMA de la région. Certains de ces pays sont partiellement marginalisés. C’est le cas de Cuba sous embargo américain.

 

Mais cette typologie ne doit pas cacher de profondes disparités intra-étatiques. Les grandes métropoles se distinguent des territoires faiblement occupés ou mis en valeur du fait de l’altitude, de la forêt, du froid (Alaska, grand nord canadien) ou de l’aridité (désert d’Atacama au Chili). Certaines périphéries rurales sont marginalisées. A titre d’exemple, on peut citer les provinces reculées du Chiapas mexicain ou s'est développé un mouvement révolutionnaire zapatiste.  

 

A une autre échelle encore, les métropoles sont traversées par de profondes disparités socio-spatiales. A Caracas au Venezuela, les quartiers d’habitat précaire sont appelés des ranches. Au Brésil on les appelle favelas.Comme dans  beaucoup de villes du sous-continent, leur population croit du fait de l’exode rural. La criminalité et l’économie informelle se développent dans ce contexte de grande misère. Ces quartiers pauvres jouxtent des quartiers aisés qui se protègent de la criminalité potentielle par l’isolement et la sécurisation. Ce sont les condominiums au Brésil ou les Gated Communities aux Etats-Unis et ailleurs sur le continent. 

 

Economie informelle : ensemble des activités qui ne fonctionnent pas selon les normes de l’économie développée mais en parallèle, au moindre coût et en dehors de la comptabilité nationale.

Gated communities   : quartiers fermés et sécurisés 

 

c) … contestable et contestée.

 

Faire dépendre sa croissance et son développement de l’exportation  de produits primaires ou faiblement transformés peut s’avérer risqué. Comme on le voit aujourd'hui dans le Brésil en crise. Les revenus sont définis par des cours fluctuants établis dans les pays du nord. Dans ce contexte la faible diversification des activités peut être dangereuse.  Car il fait dépendre le pays de cours sur le marché international qui peuvent baisser. Le cas du Venezuela est intéressant de ce point de vue là. 

La reprimarisation des économies n’est pas sans conséquences sur les sociétés et sur l’environnement. L’exploitation de ressources en zone dangereuse exposée à des aléas naturels augmente le risque technologique. La mise en exploitation des ressources amazoniennes affecte également le mode et le cadre de vie des populations locales souvent indiennes. La situation risque de s'aggraver avec l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro au Brésil.

Autre forme de contestation, Donald Trump, le président américain conteste la validité des accords de l'ALENA et souhaite étendre et renforcer le mur censé permettre le contrôle de la frontière entre les EU et le Mexique.  

 

Schéma système :

 

III Une intégration réorientée ...

a)     avec la mise en place de nouvelles instances de gouvernance motivées par le refus des conditions de l'intégration dans la mondialisation.

 Portée par le Venezuela, l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) tient depuis 2004 un discours anti-impérialiste  et anticapitaliste et affiche son opposition à la domination des EU. Elle cherche à faire  contrepoids à l’influence américaine à traverss l'organisation des Etats Américains (OEA). Elle comprend 11 pays  :Cuba, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique, Antigua-et-Barbuda, l'Équateur, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Saint-Christophe-et-Niévès et la Grenade.

 

b)     avec la proposition de modèles  de développement et de gouvernance différents

En 2001, le modèle libéral d’austérité prôné par le consensus de Washington et le FMI trouve ses limites lorsqu’éclate la crise qui précipite l’Argentine au bord de la faillite.. Aujourd’hui encore les logiques visant à réduire les dépenses publiques sont contestées comme en témoignent les manifestations les manifestations de 2013 au Brésil.

 

Au Venezuela, le président Hugo Chavez aujourd’hui décédé a proposé un modèle social qualifié de populiste mais favorable aux catégories les plus humbles. Par contre, son exercice du pouvoir en dépit de la tenue d’élections à pu paraître autoritaire. Aujourd'hui, le Venezuela de son successeur, Nicolas Maduro, connaît une grave crise économique et politique. De 2014 à Juillet 2017, les manifestations ont fait 115 morts. Depuis le président de l'Assemblée nationale, Juan Guaido s'est autoproclamé en janvier 2019; président par intérim à la place de Nicolas Maduro dont il conteste la validité de la ré-élection en mai 2019. Juan Guaido est notamment reconnu par les EU et plusieurs pays dont l'Union européenne.

 

Même à Cuba où Raul Castro a succédé à son frère, Fidel désormais décédé.des changements sont perceptibles. Depuis  2011, les entreprises individuelles sont autorisées. En février 2019, une nouvelle constitution a été adoptée. Après s'être réchauffées sous la présidence de Barack Obama, les relations avec les EU se tendent à nouveau avec Donald Trump

 

Schéma

 

FMI : Fonds monétaire international

Consensus de Washington : il impose que l’aide des instances internationales soit soumise à condition. Des plans d’ajustement structurel (PAS) imposent aux pays en développement bénéficiaires d’importantes réductions des dépenses publiques. 

 

c)     avec l'élargissement des horizons.

 

Le projet de zone de libre échange américaine (ZLEA) peinant à voir le jour, les Etats-Unis ont, un temps tourné leurs regards vers  l’Europe. Le projet de grand marché transatlantique (GMT) ou TAFTA  vise à mettre en place une zone de libre échange transatlantique. Mais avec l'arrivée de Trump, les négociations sont arrêtées. Le Canada se raproche de l'Europe avec l'accord économique et commercial global, ou Comprehensive Economic and Trade Agreemen (CETA) un accord de libre échange. Depuis une dizaine d’années en Amérique latine, les liens se renforcent avec l’Asie et notamment la Chine.. 

 

Conclusion :

Le continent américain participe donc à  la mondialisation. Ses productions s’inscrivent dans les flux globaux et l’espace est attractif à des titres divers. Dans le cas de l’Amérique latine, on observe une tendance à la reprimarisation de l’économie.

Mais cette intégration est inégale. Le continent compte à différente échelles des centres d’impulsion de l’économie mondiale qui vont du pôle de la triade à la ville à prétention mondiale. Mais on y trouve également à différentes échelles des espaces en marge ou dominés dans la mondialisation, que ce soit la favela brésilienne ou le PMA haïtien. Au-delà de ces inégalités, le continent n’est pas non plus à l’abri des conflits. L’influence américaine dans la région est contestée par certains Etats ou par certains mouvements politiques. Il existe également des litiges interétatiques liés à différents motifs.  Si les guérillas semblent moins virulentes désormais dans la région certains mouvements les entretiennent sur fond de contrôle de revenu de la drogue.  Ce trafic  alimente d’ailleurs également la violence dans les métropoles américaines. Dans ce contexte, les Etats américains se tournent parfois vers d’autres horizons plus lointains.

 

 

 

Auteur : Nérée Manuel

Bibliographie :

PREVOT-SCHAPIRA MF, VELUT S., Amérique Latine, les défis de l'émergence, La documentation photographique, La documentation française, n°8089, La documentation française 2012.[CDI]

 

Dernière mise à jour : 05/19

 

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