Etats-Unis-Brésil : rôle mondial et dynamiques
territoriales
Par leur influence et leur puissance, deux pays dominent l'"hémisphère
américain". Aujourd'hui, l'expansion Brésilienne est telle que
certains commencent à dénoncer un
impérialisme brésilien au même titre que l'impérialisme américain. Comparables par leur taille, les deux
Etats n'ont pourtant pas connu les mêmes dynamiques.
On désigne ainsi les évolutions qu'elles soient positives ou négatives.
Aujourd'hui, les deux pays n'ont pas le même niveau de développement et d'insertion dans la mondialisation.
Pb : les Etats-Unis et le
Brésil jouent-ils le même rôle dans le monde ? Les deux pays connaissent-ils
les mêmes transformations spatiales ? Leurs territoires contribuent-ils à leurs
puissances ? Si oui le font-ils selon les mêmes modalités ?
I Les Etats-Unis et le
Brésil sont deux puissances ...
a) ….qui pour l'une,
combine tous les critères de la
superpuissance ...
Les Etats-Unis restent de loin la première puissance mondiale. Sur le
plan économique, ils produisent encore 16% des richesses mondiales. Membres permanents du conseil de
sécurité, leur poids sur la scène internationale est sans égal. Leurs capacités militaires prolongent cette
puissance. Elles reposent sur l'arme
nucléaire et les capacités de projection des forces armées. Le rayonnement
du mode de vie américain complète l'influence multiforme des Etats-Unis
qui combinent soft et hard power.
Pour
compléter la leçon sur les chemins de la puissance aux Etats-Unis.
Soft power : puissance qui
repose sur des capacités de persuasion, d’influence soft power [Joseph Nye]
Hard Power : puissance qui
repose sur des capacités de coercition.
b) ...tout en devant
composer avec les autres.
Les Etats-Unis ne sont pas cependant en situation hégémonique. Leur économie connaît des difficultés. Ils sont concurrencés par la Chine, désormais seconde puissance
économique mondiale. Faut-il pour autant parler de déclin ? Observant la montée des émergents, Fareed
Zakharia considère qu'"à ce jour l'Amérique
reste encore la seule et unique
superpuissance planétaire, mais une puissance
affaiblie". Pour Joseph Joffe,
rédacteur en chef du journal allemand Die Zeit, les
Etats-Unis sont encore une "superpuissance
par défaut"
c) tandis que l'autre
émerge ...
puissance
est d'abord productive. Dans le
domaine, agricole, il est devenu le troisième
exportateur mondial de soja. Le Brésil cherche, en effet, à valoriser ses ressources primaires mais son économie est plus diversifiée que celle
de certains de ses voisins latino-américains. La structure de ses
exportations s’organise ainsi : les produits agricoles représentent 33,8% de
ses exportations, les produits manufacturés 32,8%, les produits miniers et le
pétrole 30,4%. Il a donc de réelles
capacités industrielles. Son secteur aéronautique
dispute régulièrement le troisième rang mondial. Dans le domaine de l'automobile, le million de véhicules
produit chaque année par des marques européennes et japonaises est destiné à l'ensemble du marché sud
américain. Le Brésil est donc une
puissance émergente qui en 2015 se
hisse au sixième rang mondial pour le
PIB. Cependant, il connait depuis au moins deux ans un ralentissement de sa
croissance. Il est désormais au 9ème
rang mondial 2016.
d) …avec des prétentions
internationales.
Son influence
géopolitique est-elle à la hauteur
de son poids économique ? Le Brésil y aspire. Il cherche, sans succès, depuis des années à
obtenir un siège de membre permanent au
Conseil de sécurité de l'ONU. L'ONU lui a cependant confié en 2004 la
charge d'organiser une mission de
maintien de la paix en Haïti : la MINUSTAH. Dans les grands sommets
internationaux comme les G20 ou les Conférences mondiales sur l'environnement,
il s'associe à d'autres Etats (BRICS)
pour faire entendre sa voix. Mais les intérêts de ces Etats sont parfois
divergents et l'influence du Brésil sur
son continent est parfois contestée (Bolivie, Argentine). Sur le plan militaire, le pays se dote de nouveaux moyens. Des navires sont en chantier et en 2000, le Brésil
a acheté le porte-avion français Foch et l’a renommé Sao Paulo. Cependant, dans
le contexte de crise actuel, la marine brésilienne a annoncé sa volonté de
démanteler le Sao Paulo, trop coûteux en entretien. Le Brésil reste donc une puissance régionale à prétention
internationale mais ses moyens restent limités en dépit de l'arc
e) Dans ces conditions,
les deux « géants » qui se sont parfois opposés se rapprochent
désormais.
Historiquement,
le Brésil a fait le choix d'une intégration régionale non soumise à
l'influence américaine. Il est donc l'un des Etats fondateurs du MERCOSUR
en 1991. Cette volonté d'indépendance en
matière de politique étrangère s'est confirmée jusqu' à l'élection de Jaïr Bolsonaro. En 2011, la
présidente Dilma Roussef
a contesté l'intervention en Libye,
soutenue logistiquement par les EU. Dans le même ordre d'idées, en 2004, le
Brésil a pris la tête, des pays du sud
producteurs de coton. Il s'agissait de lancer une procédure contre les
Etats-Unis pour concurrence déloyale
de ses exportations subventionnées. Actuellement,
on assiste plutôt à un rapprochement
entre Jaïr Bolsonaro et
Donald Trump. Les Etats-Unis présentent désormais
le Brésil comme un allié militaire "majeur"
. Cela s'accompagne d'achat d'armes.
II …. qui s'appuient
sur leurs dynamiques territoriales.
Le
Brésil est le 5èmeEtat mondial pour
la superficie (8,5 millions de Km2).
Les Etats-Unis se situent eux au 4ème
rang (9,4). Dans les deux cas se pose la question de la maîtrise d’un territoire immense et de ses ressources.
a) La répartition des
hommes,....
On observe au Brésil comme aux Etats-Unis un peuplement très inégal. Aux Etats-Unis,
les plus fortes densités se trouvent au nord-est et aux abords du pacifique.
Aux Brésil, les concentrations sont
également littorales (Sud et Sudeste). Là les fortes
densités contrastent avec les vides amazoniens ou du Nordeste. Ceci s’explique
dans les deux pays par l’histoire
coloniale du peuplement. En Amazonie et dans le centre-ouest les densités
sont comprises entre 0,13 et 11 habitants au kilomètre carré.
Peuplement : répartition de
la population sur un territoire.
b) ...des infrastructures,
Le maillage
des réseaux de transports terrestres présente également des irrégularités. Aux
Etats-Unis, il est particulièrement dense
au nord-est tandis qu'il se desserre vers l'ouest. Des axes est-ouest structurant
relient depuis longtemps les métropoles des deux côtes et font des Etats-Unis
un pont continental. Au Brésil, si
le réseau des routes et des voies de chemin de fer devient également plus lâche
d'Est en Ouest, les transversales sont
encore insuffisantes en dépit des efforts faits dans ce domaine. La transamazonienne n'est que la plus
connue des réalisations en cours destinées à doter le Brésil de grands axes transversaux. La Chine va
contribuer à la réalisation d'une immense voie ferrée traversant le Brésil
d'Est en Ouest depuis Rio, pour rejoindre le Pacifique via le Pérou.
Maillage : organisation
en réseau des voies de communication.
c) ..et des activités est
inégale.
Dans
le domaine de l'agriculture, le Brésil et les Etats-Unis fonctionnent en
secteurs de production spécialisés. On parle aux Etats-Unis de ceintures (belts- dairy belt,
corn belt (maïs), wheat belt (grains), etc)
Carte agriculture Amérique latine
Dans les deux pays, on observe des dynamiques
de déplacement des cultures. Aux EU,
l'extension de la production de coton est liée à l'irrigation. Au Brésil,
le déplacement de certaines cultures est permis par de nouvelles techniques agronomiques et s’explique par le contexte de
la mondialisation. Ainsi le soja
s'est déplacé vers le nord-ouest, des zones de cerrados (savanes arborées) vers la forêt
tropicale parce que l'acidité des sols a pu être modifiée artificiellement.
Depuis 1990 au Brésil, selon le FAO, les surfaces agricoles sont passées de 11
millions d'hectares à 23 millions. Le Brésil est également devenu un grand
exportateur de viande. Dans le domaine, de la volaille, sa production concurrence désormais frontalement les productions
françaises.
Toujours
dans le domaine du primaire, dans les deux pays les activités d'extraction
suivent les découvertes de gisements et
l'évolution des rentabilités. Au Etats-Unis, dans le domaine du pétrole,
les gisements de l'Alaska, du Texas, de Californie et les plateformes off shore
ont relayé ceux des Appalaches. Le gaz
de schiste (shale gaz) et les sables
bitumeux ou bitumineux sont mis en
exploitation. Au Brésil, la production
de pétrole amazonienne est complétée par l'exploitation des gisements du large
de Rio.
Dans les deux pays d'autres sources d'énergie sont également exploitées. Au Brésil,
les barrages hydroélectriques
représentent 80% de l'électricité. Le dernier projet sur le Rio Xingu à Belo Monte doit produire 11000 Mégawatts. Les Etats-Unis
sont au 4ème rang mondial pour la production d’hydroélectricité.
Dans le domaine
de l’industrie aussi on observe une
inégale distribution et de nouvelles dynamiques. Aux EU, au Nord Est la manufacturing belt reste
le cœur économique du pays. Mais on
observe depuis maintenant de nombreuses années des transferts de capitaux et
d'actifs vers les Etats du croissant
périphérique. Désormais, ce sont les Etats de la diagonale intérieure qui deviennent attractifs. Ils bénéficient
du desserrement de certaines activités. Il y a également aux Etats-Unis une
tendance à la littoralisation et à
une externalisation des activités
industrielles (délocalisations, maquiladoras). Au Brésil, l'industrie de l'automobile
reste très concentrée dans les Etats du Sud et du Minas Gerais,
mais on observe de nouvelles
implantations vers le Paranà et le Rio Grande do
Sul pour exporter vers les pays du MERCOSUL.
d) Elle est le reflet de
l'histoire de la mise en valeur des deux territoires.
Aux
Etats-Unis, au 19ème siècle, la "frontiere"
désignait le front pionnier marquant
la progression de l'occupation blanche de cette partie de l'Amérique. Aux
Etats-Unis en dépit des disparités persistantes, le processus est achevé et le territoire est globalement maitrisé. A
l'image de l'installation de la capitale
Brasilia en 1960 au centre du pays, le Brésil est engagé dans une politique volontariste de conquête des
régions intérieures. Ainsi le dictateur Medici disait "que les hommes
sans terre aillent sur la terre sans hommes". Aujourd'hui encore, le front pionnier se déplace vers le nord
et l'ouest sous l'effet de la mise en valeur des ressources primaires et du peuplement.
Au Brésil, la maîtrise du territoire est
donc encore partielle.
On observe également le maintien de profondes disparités. Elles s'observent à différentes échelles dans
les deux pays. C’est le cas à New York (voir leçon) et dans les autres métropoles
Etats-uniennes. C’est le cas aussi au Brésil où la très grande misère des favelas jouxte parfois l'opulence des condominios et
des quartiers aisés. Des politiques d’urbanisation
visant à rebâtir en dur et à équiper les logements de tout à l’égout sont mises
en œuvre mais beaucoup reste à faire. Mais on peut parler désormais de bidonvilles consolidés. La population
des quartiers précaires vient souvent des régions rurales périphériques. Ces
flux traduisent également l'inégal développement régional du Brésil. En dépit
de quelques timides réformes agraires,
la propriété foncière reste inégale. Les petits paysans (caboclos) survivent avec difficulté. Certains sont devenus des
petits exploitants (posseiros)
sans titre officiel ou définitif de propriété. Ces derniers sont souvent
expulsés par des spéculateurs fonciers
ou des éleveurs au prix d'une violence
dramatique. A l’échelle régionale, on observe de grands contrastes. Ainsi
se distinguent par leur pauvreté et leur retard de développement le Nord-Ouest et le Nordeste. La
misère du Sertào
rappelle certains traits du Sahel.
Ces disparités expliquent qu’en dépit de sa
croissance rapide, le Brésil se situe encore au 85ème rang mondial pour l’IDH
(0,73). En dépit des programmes "Bolsa Familia" et "Faim zéro" du président Lula qui ont permis de
réduire les inégalités et de faire reculer la malnutrition de 70%, il reste des carences de développement au
Brésil.
Peuplement : processus par
lequel un territoire se peuple (migrations, croît naturel)
Favela : bidonvilles
brésiliens constitués par un habitat précaire à l’oigine.
Condominium : copropriété
résidentielle le plus souvent sécurisée aux Etats-Unis et au Brésil (condominio)
Réforme agraire : politique de
redistribution des terres.
IDH (indice de
développement humain)
: Il est calculé par le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) qui retient le niveau de santé (espérance de vie
à la naissance), le niveau d’instruction (taux d'alphabétisation et nombre
moyen d’années d’études), le revenu, représenté par le PIB par
habitant. L’indice obtenu est compris entre 0 et 1
e) Tandis que se pose la
question de la durabilité des modèles de développement choisis.
La question se pose également de la durabilité des modèles de
développement choisis dans les deux pays. Ainsi dans les deux cas, la recherche
de la sécurité énergétique est à
l’origine de l’exploitation de nouveaux sites et de nouvelles ressources.
Au Brésil, bien qu’utilisant une ressource renouvelable, le projet de Belo Monte ne va pas non plus sans poser quelques
problèmes (schéma). Les biocarburants destinés à valoriser certaines productions agricoles
et leurs résidus, sont peut-être également une fausse bonne idée. Certes les véhicules flexfuel produits au Brésil les
consomment, mais ils mobilisent des surfaces
agricoles par ailleurs nécessaires pour nourrir l’humanité. L'actuel
président du Brésil Jaïr Bolsonaro
favorise l'extension des surfaces agricoles au détriment de la forêt
amazonienne. C'est ainsi que la
déforestation amazonienne semble s'accélérer dangereusement au Brésil : en
juillet, elle aurait progressé de 278 % par rapport au même mois de 2018,
Il y a aux Etats-Unis 493 000 puits de
forage de gaz de schiste actifs. Ils fournissent au pays des ressources énergétiques supplémentaires. Désormais les gaz de
schiste représentent 35% de la production de gaz aux Etats-Unis (2013). Ces
derniers sont en passe de dépasser la Russie dans cette production.
L’exploitation de cette ressource ne va pas cependant sans certains aléas (schéma).
La
question de la durabilité du développement ne se pose donc pas uniquement pour
le Brésil.
Développement
durable :
développement permettant de satisfaire
les besoins du moment sans compromettre les capacités des générations futures à
faire de même. Il doit concilier protection de l’environnement, viabilité
économique et la solidarité sociale.
Ressource : éléments présent dans le milieu exploité par
une société pour satisfaire ses besoins.
Biocarburants : carburants
d’origines agricole (cultures dédiées, déchets). L’expression agrocarburants est préférable pour éviter la confusion avec
les produits «bio»
Conclusion : Nombreux sont donc
les points communs entre les Etats-Unis et le Brésil, anciennes colonies
devenues puissances. On retrouve le même volontarisme dans la mise en valeur
d’un territoire immense. Les ressources sont d’ailleurs nombreuses dans les
deux pays. Dans les deux cas, le front pionnier et le peuplement progressent ou
ont progressé d’ouest en est. Mais alors
que le processus est globalement achevé dans le cas des Etats-Unis, il est
encore en cours au Brésil. Si le modèle de développement à suivre est celui des
pays industrialisés, le développement du Brésil peut sembler donc en décalage
voir en retard. Les initiatives de Lula et de Dilma
Roussef dans le domaine social ont permis
d'élever le niveau de développement. Mais les scandales politico-financiers et
la crise ont mis fin à leurs mandats. Cette situation de crise aboutit à
l'élection à la présidence du candidat d'extrême droite, Jaïr Bolsonaro. Celui-ci entend bien relancer la mise en valeur
de l'Amazonie quitte à nuire aux populations amérindiennes et à
l'environnement.
Bibliographie :
Note
sur l'économie et le commerce, Mission économie du ministère des affaires
étrangères canadien, 15 mars 2013.
PREVOT-SCHAPIRA MF, VELUT S., Amérique Latine, les défis de l'émergence,
La documentation photographique, La documentation française, n°8089, La
documentation française 2012.[CDI]
THERY
H., Le Brésil : changement de
cap ?, La documentation photographique, n° 8042, La Documentation
française, 2004 [CDI]
ZAKARIA
F., Le monde post-américain, Tempus,
PERRIN, 2009. [CDI]
Auteur : Nérée Manuel
Dernière mise à jour : 03/20.