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1945- 1990 : les indépendances

 

Y a-t-il une ou des décolonisations ? Le processus de décolonisation est-il le même dans toutes les parties du monde et dans tous les empires coloniaux ? Quelles sont les étapes de la décolonisation ? Peut-on établir une typologie de ces processus ?
Ces questions peuvent être posées pour analyser le document proposé en analyse.

I Les origines de l'éveil nationaliste et la mise en place d’un cotexte favorable au sortir de la seconde guerre mondiale.

a) Résistances puis revendications à l’issue de la première guerre mondiale. ( hors programme)

Rappel : des phénomènes de résistances à la domination des métropoles ont existé dès la mise en place des colonies.

Exemple : La guerre du Rif ( 1921-1926) menée par Abdelkrim.

La première mondiale change le contexte, car la participation de main d’œuvre et troupes coloniales rend  légitimes la revendication de droits. Se développe le thème de "l'impôt du sang."
La domination européenne est alors remise en cause. Dans ces 14 points, le président américain Wilson réaffirme le principe du droit des peuples à disposer d'eux mêmes. En 1919, conformément aux thèses de Lénine sur les rapports entre capitalisme et impérialisme, l'internationale communiste appelle les peuples des colonies à se soulever.

b) L’émergences de différents mouvements nationalistes.

Jusqu’en 1945 se développement des mouvements indépendantistes. On peut distinguer :

Mouvements traditionalistes : Les revendications s'appuient sur les valeurs locales traditionnelles. Exemples : le mouvements des frères musulmans -Les ulémas en Algérie.

Mouvements modernistes : Pour ces mouvements, la lutte pour l'indépendance doit passer par une modernisation de l'économie et de la société. Exemple 1 : le parti Néo-Destour (néo parti libéral constitutionnel) de Bourguiba en Tunisie.

Exemple 2 : l'Union Démocratique du Manifeste Algérien de Ferhat Abbas. Il rompt avec le mythe de l’empire assimilateur, pour une constitution propre comme dans un Commonwealth français.
Les mouvements marxistes : Selon ces mouvements, l'accès à l'indépendance doit s'accompagner de la mise en place d'une société de type socialiste. Le Viet- Minh (Ligue pour l'indépendance du Vietnam d'Ho Chi Minh de son vrai nom  Nguyên Al Quôk).

Dans le cas de l’empire britannique le cas du Parti du congrès fondé en 1885, est plus difficile à classer entre les trois types de mouvements. A l’image des ses leaders. Gandhi était plutôt traditionaliste, tandis que Nehru pensait que des réformes étaient nécessaires pour moderniser l’Inde. Il avait d’ailleurs une certaine admiration pour le plan quinquennal soviétique.

c) Jusqu’en 47 , des réformes limitées.

Certes entre 1922 et 1936, l'Égypte obtient des britanniques l'indépendance. Mais ailleurs les réformes sont limitées. En Inde, en 1929, le parti du congrès de Gandhi, réclame l'indépendance complète après avoir réclamé un temps le self-governement. Mais en 1935, l’India Act ne fait que donner plus d’autonomie à l’Inde et les mouvements indépendantistes sont réprimés.
Self-Governement : transfert aux populations colonisées de la responsabilité politique intérieure.
Autonomie : statut d'un pays qui reste sous souveraineté étrangère mais qui obtient la responsabilité des affaires intérieures.

Dans l’empire français des réformes sont tentées.

Pendant le Front Populaire le projet Blum-Violette prévoyait d’octroyer la citoyenneté à 25 000 algériens titulaires d'une citation militaire, ou d'un diplôme français ( sur une population de 6 millions de musulmans). Mais ce projet échoua.

En avril 46,le  travail forcé fut aboli et en mai 46, la citoyenneté fut reconnue à tous les ressortissants des territoires d’outre-mer. Cependant, il n’est pour l’instant pas question d’indépendance pour les colonies :

En mai 45, à l’occasion de la libération, à Sétif en Algérie, éclate une émeute. Le drapeau algérien est brandi, 88 européens sont tués. La répression fait entre 20000 et 100000 ( selon les sources) algériens tués dans le constantinois.

d) Pourtant au sortir de la seconde guerre mondiale, le contexte semblait favorable.

Les colonies ont en effet participé à la seconde guerre mondiale. Dans l’empire britannique, 2 millions d'indiens ont combattu pour la couronne britannique. Les forces françaises de la France libre furent en partie constituées de soldats d'Afrique noire et du nord. Des africains et des antillais participent ainsi au débarquement de Provence en août 44 comme le rappelle le film indigène. La revendication de droits apparaît d’autant plus légitime.
Les puissances coloniales européennes sont affaiblies par la guerre. Par exemple le 10 mars 1945, les japonais proclament une première fois l’Indépendance du Vietnam qu’ils occupaient au dépend de la France. Les deux grandes puissances à ce jours , les Etats-Unis et l’URSS se disent anti-colonialistes. A Yalta, en février 45, Staline réclame l'indépendance des peuples colonisés.
Enfin, des promesses sont faites par les  puissances coloniales.
En 1944, dans son discours de Brazzaville (Congo) , De Gaulle promet une plus grande participation des peuples à la gestion de leurs territoire sans proposer l'indépendance. Les britanniques promettent également une nouvelle constitution à l'Inde.

Conclusion : au sortir de la seconde guerre mondiale, dans un contexte favorable, des réformes ont lieu. Cependant, l’Indépendance reste hors de question.

II Une décolonisation en plusieurs étapes.
On distingue essentiellement 4 étapes.

a) Une première phase avant la fin de la 2ème GM ( hors programme) marquée par des indépendances peu nombreuses.

La première étape se déroule avant la fin seconde guerre mondiale avec l'indépendance de l'Irak (G-B : mandant SDN et occupation 2nd GM) en 1932, de l'Égypte( protectorat britannique depuis 1922) en 1936, de l'Éthiopie (Italienne depuis 1936) en 1942 et de la Syrie et du Liban (placés sous mandat français par la SDN en 1920) en 1944.

b) Une deuxième étape essentiellement  asiatique de  46 à 54.

En effet, à quelques exceptions près la deuxième étape est essentiellement asiatique : 1946: Philippines (E-U); 1947: Inde- Pakistan(GB); 1948: Birmanie (G-B); 1949: Indonésie (Pays-Bas); 1951: Libye (Italie); 1953 : Laos (Fr) Cambodge (Fr); 1954 : Indochine.( accords de Genève)).

c) Une troisième étape africaine de 54 à 64.

La troisième étape est essentiellement africaine. (1956: Maroc- Tunisie- Soudan (condominium anglo-égyptien) ; 1957 : Ghana ;1958: Guinée; 1960: Colonies françaises d'Afrique noire- Madagascar- Congo belge (Zaïre)-Nigeria- Somalie (Italie); 1961: Tanzanie (G-B); 1962: Algérie (accords d'Evian); 1963: Kenya (G-B); 1964: Rhodésie (Zimbabwe)

d) Les décolonisations tardives à partir de 65.

De 1965 à 1990, la fin de la décolonisation est surtout marquée par l'indépendance des colonies portugaises et espagnoles ( 1968: Guinée équatoriale (Esp.); 1974: Guinée-Bissau (Port.); 1975: Mozambique- Angola- Cap-Vert -Sao Tomé et Principe (Port.); 1976: Sahara occidental (Esp.); 1990: Namibie ( sous domination Sud africaine).
Conclusion : La décolonisation se réalise donc en plusieurs étapes. On observe une certaine précocité de ce processus en Asie et notamment dans l'empire britannique. Le Royaume-Uni semble en effet adopter une attitude plus souple dans ce domaine. Cependant les dernières colonies britanniques d'Afrique sont indépendantes après les dernières colonies françaises du même continent.

III Des décolonisations plus ou moins brutales. Typologie des décolonisations.

a) Les indépendances acceptées ou négociées.

En Inde, par exemple, Gandhi puis Nehru usent de la non-violence pour obtenir le départ des anglais. La Grande-Bretagne accepte, donc, en 1947 l'indépendance de l'Inde et son partage en deux nations (l'Union indienne et le Pakistan). Mais attention, certaines manifestations indiennes furent réprimées extrêmement brutalement.
C'est le cas aussi dans le Ghana de Kwame N'kruma et au Nigeria qui obtient l’indépendance en 1957, après avoir obtenu un gouvernement représentatif en 1951 et une constitution fédérale en 1954.
La France accorde, elle aussi, des indépendances négociées au Maroc et à la Tunisie en 56. En 1958, elle propose à ses colonies d'Afrique subsaharienne trois possibilités : conserver le même statut, (Côte française des Somalis, Comores), devenir des États autonomes au sein de la communauté française (la plupart des colonies africaines)  ou faire sécession (Guinée de Sékou Touré dès 1958).

En 1960, les colonies africaines françaises qui avaient opté pour la deuxième solution deviennent indépendants mais avec des liens diplomatiques et économiques très étroits avec la France

b) Les décolonisations refusées.

Dans certains cas, les métropoles refusent de l'indépendance de leurs colonies. Elles utilisent la force pour les maintenir dans leur empire.
C'est le cas de la France lorsqu'en mars 1947, elle réprime l'insurrection de Madagascar faisant plusieurs milliers de morts. C'est le cas aussi en Indochine (1946-1954), en Algérie (1954-1962).

 

La guerre d’Indochine. :

2 septembre 1945, le Viet Minh  (Front de l'indépendance du Vietnam) d’Ho Chi Minh  proclame l’indépendance du Vietnam.

Mais jusqu’à l’été 46, des négociations se poursuivent. (Général Leclerc), mais des militaires attachés à l’empire colonial s’efforcent de les faire échouer (Amiral Thibault d’Argenteuil)

1946 : le début du conflit.

En novembre 46, les troupes françaises bombardent donc le port d'Haiphong faisant 6000 morts. Les troupes d'Ho Chi Minh tentent de s'emparer de Hanoi en décembre 1946. La guerre d’Indochine est entamée.

Le Viet Minh très mobile, fondu dans la population, pratique la guérilla se réservant le droit d’accepter ou de refuser le combat selon son avantage.

L’année 49 : un tournant dans le conflit.

En effet, en 49 la Chine devient communiste, et le conflit s’inscrit désormais un peu plus dans la guerre froide puisque le Viet Minh bénéficie de cette aide. La France, elle, bénéficie de l’aide matérielle américaine. C’est dans ce contexte qu’en 1954, Dwight Eisenhower président des Etats-Unis, développe « la théorie des dominos »

Théorie des dominos : théorie géopolitique américaine selon laquelle le basculement d’un pays dans le communisme peut par contagion entraîner le même changement dans les pays voisins.
1954 : la fin du conflit.

En mars 1954 a lieu la Bataille de Diên Biên Phu à l'ouest d'Hanoï. Elle est souhaitée par les militaires français qui veulent attirer les troupes Viet Minh dans une bataille de type classique, dans cette cuvette en forme de " casque colonial retourné". Ils négligent cependant, les capacités du Viet Minh a installer une artillerie efficace autour du camp retranché. La bataille dure finalement deux mois et le piège se referme sur la garnison française qui capitule le 7 mai (1500 morts, 3500 blessés graves et 10 000 prisonniers).

Le 21 juillet 1954, par les accords de Genève, la France se désengage de l'Indochine et lui cède son indépendance. Le Vietnam est divisé en deux. Au nord se met en place une république démocratique communiste. Au sud, est établie une République du Vietnam soutenue par les Etats-Unis.

Cl : Des militaires qui ont le sentiment d’avoir été abandonnés par la France.  Ils le vivent comme un épisode de la guerre froide. Certains ont le sentiment d’être investis du devoir de maintenir l’empire.

 

Théorie des dominos : théorie développée par le commandement militaire américain dans les années 60 selon laquelle la perte par le camp occidental d’un pays allié pouvait entraîner de proche en proche la chute dans la zone d’influence communiste des pays voisins.

 

La guerre d’Algérie :

1945 : les premiers évènements.

8 mai 45 : Sétif ( Voir plus haut).

1954 : le début de la guerre d’Algérie.  
Il existait déjà un mouvement nationaliste algérien (Union Démocratique du Manifeste Algérien de Ferhat Abbas)  mais des algériens nationalistes radicaux fondent autour de Ben Bella le FLN (Front de libération nationale). Le 1 novembre 1954 (toussaint sanglante)  éclatent des attentats dirigés contre les français, c'est le début de la guerre d'Algérie, car désormais le FLN s'engage dans la lutte armée. La France reste alors attachée à son empire, a ce moment là, François Mitterrand ministre de l'intérieur déclare : " l'Algérie c'est la France ".

1956 : un tournant dans le conflit.
En 1956, l'effort de guerre s'intensifie. L'objectif de la métropole est de maîtriser la guérilla avant négociations. Le contingent est envoyé, le service militaire passe à 27 mois, les réservistes sont appelés, des supplétifs ( les futurs Harkis) sont recrutés. En octobre 1956, Ben Bella est arrêté à l'occasion d'un détournement d'avion illégal.
Contingent : ensemble des jeunes gens qui au cours d'une même année sont appelés sous les drapeaux pour accomplir leur service militaire.
Le FLN répond par des attentats sanglants. L'armée se lance alors dans une opération forte de maintien de l'ordre, c'est la bataille d'Alger en 1957. Au terrorisme, elle oppose la torture et la justice expéditive. Les cas de tortures se multiplient.
1958 : vers l'indépendance.
La nomination à la présidence du conseil du MRP Pierre Pfimlin réputé favorable à des négociations provoque des émeutes à Alger. Des militaires forment un comité de salut public présidé par le général Massu. Ils appellent De Gaulle au pouvoir car il incarne alors l’attachement à l’empire colonial. (sens débattu de l’expression « je vous ai compris »).  De Gaulle obtient le pouvoir d’établir la 5ème République.

Cependant, De Gaulle oriente la politique métropolitaine vers l’indépendance de l’Algérie. Le 16 septembre1959, il reconnaît le droit des algériens à l'autodétermination
Une partie des Européens s'oppose à ce processus et certains organisent un mouvement séditieux. La semaine des barricades en janvier 1960 en est un exemple. Le Putsch des généraux en 1961 (Jouhaud, Zeller, Salan, Challe) en est un autre exemple. A cette occasion De Gaulle utilise l’article 16.

Le 11 février 61 est créée l’OAS (Organisation Armée Secrète) par des partisans de l’Algérie Française. Elle est responsable de l’attentat du Petit-Clamart contre Charles De Gaulle le 22 août 1962.
Finalement, le 18 mars 1962 sont signés les accords d'Evian qui définissent les termes de l'indépendance Algérienne.

Le 1 juillet 1962, les Algériens choisissent l'indépendance.
Bilan : mort de 35000 soldats français et de 300 000 algériens. Il faut aussi noter le départ de 1 millions de "pieds noirs".


Les autres puissances coloniales ont aussi recours à la force pour réprimer certains mouvements indépendantistes : des conflits impliquent les Britanniques au Kenya (révolte des Mau-Mau en 1952), les Pays-Bas en Indonésie (1947-1949), le Portugal en Angola (1961-1975), en Guinée-Bissau (1963-1974) et au Mozambique (1964-1975).

 

Remarque :
Dans ces conflits, en général, le rapport de force est inégal ( ex: en Algérie la France envoie 2 000 000 de soldats). Mais, en général, les mouvements armés indépendantistes refusent le combat frontal et pratiquent la guérilla sauf à Diên Bien Phû. Le conflit se prolonge alors. Les opinions métropolitaines basculent ( 1947 : 52% des français sont pour poursuivre la guerre en Indochine, ils ne sont plus que 7 % en 1954). L'issue politique de la guerre s'impose en général au profit des indépendantistes. 1954: signature des accords de Genève, 1962 : signature des accords d'Evian.

Remarque 2 :

Plusieurs éléments peuvent expliquer les difficultés que la France rencontre dans sa décolonisation.

La théorie politique de l’assimilation que la France prônait sans l’appliquer systématiquement dans ses colonies est trop centralisatrice pour permettre une évolution facile vers le self-government.

En France se maintient tardivement le mythe impérial.

Dans le cas de l’Algérie, il convient de rappeler qu’il s’agit d’une colonie de peuplement.
c) Les conflits issus de la décolonisation.
En Inde, les musulmans n'acceptent pas la domination politique des hindous. L'Inde est partagée entre l'Union indienne et le Pakistan. Cette partition s'accompagne de massacres et du déplacement de 10 à 15 millions de personnes. En 1947-1948 et 1965, deux guerres opposent l'Inde au Pakistan pour le contrôle du Cachemire. En 1971 a lieu un nouveau conflit au sujet de la sécession du Bangladesh.
Au Congo belge, l'indépendance est proclamée dès le 1er juillet 1960. Mais le Katanga riche région minière fait sécession pour des raisons ethniques et économiques. Ils sont soutenus par les Belges. Le chef du gouvernement congolais, Lumumba, est finalement fait prisonnier par Mobutu livré aux Katangais et assassiné. Il faut l'intervention de l'ONU et des américains pour mettre fin à cette tentative de sécession.

Conclusion : Il y a donc plusieurs processus de décolonisation plus ou moins pacifiques et plus ou moins brutaux. Mais tel ou tel processus n'est pas caractéristique de tel ou tel empire. L'empire britannique connaît des décolonisations violentes et la France accorde l'indépendance à la plupart de ses possessions d'Afrique subsaharienne selon un processus pacifique.