L’Europe de l’Est de 1945 à 1989 : le temps des démocraties populaires et l’influence du grand frère soviétique

 

Le programme des terminales ES et L invite à étudier le temps des démocraties populaires de 1948 à 1989. Il est cependant

Intéressant de ne pas arrêter l’histoire de ces régimes au « Coup de Prague » qui eu lieu en Février 1948. L’expression  démocratie populaire est utilisée à partir de 1947 pour désigner ces Etats qui pour les premiers sont apparus à la fin de la seconde guerre mondiale.

 

Comment ces régimes furent-ils mis en place ? Comment l’influence soviétique s’est elle exercée sur les pays communistes de l’Europe de l’est ? Cette influence a-t-elle évolué dans le temps ? Comment expliquer la fin des démocraties populaires ? Quel fut le rôle des sociétés civiles dans la remise en cause de la tutelle soviétique et dans la contestation du rôle directeur des partis communistes ?

 

 

I 1945-1949 : la mise en place de l’ordre stalinien à l’est.

a)     La prise du pouvoir.

En Europe de l’est, la mise en place d’un régime communiste se fait selon trois processus différents :

 

A -Dans certains cas, les partisans communistes qui ont résisté à la domination nazie prennent le pouvoir dès la libération : Yougoslavie, Albanie.

 

B- Dans d’autres cas, plus nombreux, la prise de pouvoir est plus progressive et suit un mode opératoire assez semblable :

1 Libération par l’armée soviétique.

2 Participation des communistes à des gouvernements de « front national ». Ils sont minoritaires.

3 Noyautage de l’administration et conquête des ministères clefs (défense, intérieur, justice)

4 Organisation d’élections truquées : Pologne (janvier 47), Roumanie (novembre 46), Bulgarie (novembre 45). 

5 Elimination des adversaires et  des autres structures. Calomnies, accusation d’espionnage.

On a donc la mise en application de la tactique du salami (expression  inventée par le communiste hongrois Rákosi).

A ce moment là, les sociétés civiles sont réduites au silence dans les démocraties populaires.

Exemple : la Roumanie, à la libération est constitué un gouvernement d’union nationale, le FND (Front national démocratique). Celui-ci réunit le PC, un parti national paysan, un parti national libéral et un parti social démocrate. Quand ils apprennent le projet des communistes de réforme agraire et de nationalisation, le parti paysan et le parti libéral quittent le FND. Dès le 6 mars 1945, Petru Gorza, président du front des Laboureurs, forme un gouvernement prosoviétique. Les communistes ont alors le ministère de l’intérieur, de la justice, de l’économie, des transports et de l’Armée.

 

C-Dans le cas de la Tchécoslovaquie, il y a résistance des autres forces politiques. Les communistes réalisent donc le coup de Prague en  février 48 pour s’emparer du pouvoir. Jusqu’en 1948, la Tchécoslovaquie qui avait été libérée par l’armée rouge,  avait conservé un fonctionnement démocratique et un gouvernement d’Union nationale. Cependant, le ministre de l’intérieur communiste avait placé des militants communistes à un certain nombre de postes clés. Les membres du gouvernement non communistes menacèrent donc de démissionner pour protester contre ces nominations. Les communistes demandèrent donc à leurs militants de marcher sur Prague en février 48. Ils obtinrent ainsi  la démission du président Edouard Benès au profit du communiste Klement Gottwald.

 

D- En Allemagne, les occidentaux qui occupent le territoire décident de reconstituer un État allemand en réunifiant les zones et en créant une nouvelle monnaie: le Deutsche Mark. En réaction, en juin 48, Staline décide le blocus de Berlin ouest. Les routes et les voies ferrées qui relient la ville à l'Allemagne de l'ouest sont coupées. Les américains organisent un pont aérien gigantesque : pour ravitailler les Berlinois (transport de 2,5 millions de tonnes de matériel en un an). Les soviétiques lèvent le blocus en mai 1949. Le 8 mai 1949, est adoptée une nouvelle constitution qui donne naissance à la RFA. Le 7 août 1949, l'URSS, transforme sa zone d'occupation en démocratie populaire : la RDA.

 

Coup de Prague : Les communistes utilisent la pression de la rue pour pousser à la démission les ministres modérés. (Manifestation à l’appel du PC et du Conseil central du Parti communiste).

Front national : gouvernement d’union nationale issu de la résistance, regroupant des communistes, des socialistes, des partis paysans, des libéraux et des nationalistes.

Tactique du salami : expression décrivant l’élimination progressive des pouvoirs extérieurs aux communistes (Eglise et autres partis) « tranche après tranche, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien »

Société civile : toutes les structures non-étatiques qui de la famille jusqu’aux associations et aux églises rassemblent les individus autour d’opinions et d’activités communes. C’est l’ensemble des structures sociales indépendantes de l’Etat.

 

b)     La soviétisation.

Dans les démocraties populaires de l’Europe de l’est s’impose le modèle soviétique caractérisé par :

Une dictature politique : En principe le pouvoir appartient au peuple par l’intermédiaire  du parti communiste. Mais en réalité, un dictateur monopolise le pouvoir (Walter Ulbricht en RFA, Enver Hoxha en Albanie) et développe un culte de la personnalité.  Toute forme d’opposition est muselée comme en témoignent les Procès de Prague en 1952. (voir l’Aveu, film de Costa-Gavras réalisé en 1970 à partir du témoignage d’Arthur London, ancien ministre des affaires étrangères de Tchécoslovaquie).

Dans les démocraties populaires est mis en place un dirigisme économique :

On assiste effectivement à des nationalisations dans les secteurs de l’industrie, des banques et du commerce.

L’économie est planifiée. On développe l’industrie lourde. Création de grands complexes étatisés comme Nowa Huta en Pologne. L’agriculture est collectivisée. La bureaucratie est surdéveloppée.

A partir de 1947, le qualificatif, démocratie populaire est utilisé pour désigner ce nouveau type de régime.

 

 

c)     La satellisation de l’Europe de l’est par l’URSS.

L’URSS soumet l’Europe de l’est à son influence avec différents moyens :

Le Kominform (bureau d’information des partis communistes et ouvriers) est entre octobre 1947 et 1956, l’organe de liaison, sous le contrôle de Moscou, des partis et des pays communistes.

Le COMECON (CAEM-conseil d’assistance économique mutuelle) crée en 1949 assure la coopération économique au sein du bloc de l’est. Il a pour but d’harmoniser les plans quinquennaux des démocraties populaires avec celui de l’URSS. En réalité, se met en place une division socialiste du travail (Par exemple, la RDA en principe vitrine du socialisme connaît un développement industriel avancé) au profit des intérêts de l’URSS.

Exemples : des usines allemandes sont démontées et expédiées en URSS, le blé de Hongrie est envoyé en URSS, le pétrole roumain est destiné au grand frère.

La Finlandisation désigne le fait que par un traité négocié en avril 1948,  l’URSS impose à la Finlande qu’elle n’a pas libérée une neutralité en cas de conflit entre les deux grandes puissances. C’est une atteinte à la souveraineté de ce pays mais la Finlande reste une démocratie libérale ouverte sur l’occident et son économie.

 

Enfin, plus tardivement, le pacte de Varsovie (1955) crée un système d’alliance militaire réunissant les démocraties populaires d’Europe centrale et orientale autour de l’URSS.

 

Conclusion : on peut donc affirmer que de 45 à 1949, se met en place un système dans lequel les pays d’Europe de l’est dépendent étroitement de l’URSS et adoptent son modèle.

 

II 1950- 1969 : vers la différenciation des pays du bloc de l’Est.

 

a)     Le précédent « Yougoslave ».

En Yougoslavie Tito met en place un autre modèle dès 1948. On parle de titisme. Le titisme désigne en Yougoslavie l’attitude du gouvernement de Tito qui se caractérise à l’extérieur par une certaine indépendance vis à vis de l’URSS, une promotion du non-alignement et à l’intérieur par une voie originale du socialisme qui privilégie l’autogestion des usines par les ouvriers.

Après la mort de Staline en 1953, Tito rencontre son successeur Khrouchtchev qui déclare alors que « plusieurs voies sont possibles vers le socialisme ». 

 

b)     Le développement et la répression de la contestation dans les  sociétés civiles.

Dans les années 50 et 60 apparaît une contestation de la tutelle soviétique menée par des dirigeants réformateurs des démocraties populaires appuyés par une société civile en développement.                             

RDA : en 1953, des émeutes éclatent en Allemagne à l’annonce d’un relèvement des normes de production. Il s’agit d’un mouvement ouvrier et étudiant. Walter Ulbricht appelle les soviétiques pour réprimer le mouvement et se maintenir au pouvoir. L a répression fait des centaines de morts.

Pologne : En 56, Gomulka un ancien dirigeant écarté du pouvoir durant la période stalinienne est rappelé au pouvoir sous la pression de la rue. Il commence la décollectivisation des terres et renoue des relations avec les soviétiques.

Hongrie : En 56, en Hongrie, c’est dans les mêmes conditions qu’Imre Nagy arrive au pouvoir en 56 dans un contexte d’insurrection généralisée. Il proclame le retour au pluripartisme et dénonce le pacte de Varsovie. Les chars russes écrasent l’insurrection de Budapest le 4 novembre 1956. Des milliers de morts et de blessés, 15000 déportés, 100000 à 200000 exilés. Imre Nagy est exécuté en 1958.

La construction du mur de Berlin est une autre manifestation du maintien de l’emprise sur les démocraties populaires. Khrouchtchev souhaite que la ville de Berlin soit rattachée à la RDA ou placée sous le contrôle de l'ONU. Il veut également  limiter l’émigration de nombreux allemands de l’est. Les autorités est allemandes construisent donc un mur de 113 km de long  autour de Berlin Ouest en 1961

Tchécoslovaquie. En janvier 68, Alexandre Dubcek qui semble incarner un « socialisme à visage humain » devient secrétaire général du PC tchécoslovaque. Il est soutenu par un mouvement populaire. Il mène une politique de réforme tout en affirmant sa loyauté à l’égard des soviétiques. Le retour au pluralisme, aux libertés de la presse, et de réunion sont envisagés. C’est le « Printemps de Prague ». Mais le 20 août, les troupes du pacte de Varsovie occupent la Tchécoslovaquie. Dubcek est arrêté. Le parti est épuré.

La situation est donc normalisée dans les démocraties populaires. Les autorités soviétiques (Khrouchtchev puis Brejnev) font très vite comprendre que l’émancipation des démocraties populaires a des limites. Dans les années 60, Brejnev développe également la notion de souveraineté limitée.

 

Normalisation : expression utilisée pour désigner le retour « aux formes normales de la démocratie socialiste », c’est à dire la mise au pas du pays.

 

Souveraineté limitée : principe Brejnévien selon lequel la souveraineté de chaque Etat passe après les intérêts de la communauté socialiste (bloc de l’Est).

 

III  1969-1989 : vers le rapprochement des deux  europes

 

a)     Une première volonté de rapprochement entre les deux Allemagne.

 

Jusqu’en 67, les relations entre la RFA et la RDA sont très mauvaises. Les deux Etats ne se reconnaissent pas mutuellement. Mais à partir de 1969,  Willy Brandt, chancelier de RFA de 1969 à 1973, prône  l’Ostpolitik qui aboutit à la reconnaissance mutuelle des deux Allemagne en 1970.En 1972, les deux Allemagnes signent un traité par lequel elles reconnaissent leurs frontières respectives. Elles se garantissent également une non ingérence dans leurs affaires intérieures. Les deux Allemagne sont admises à l’ONU en 1973.

 

b)     La remise en cause de l’autorité et du modèle soviétique.

Le rideau de fer semble en effet de plus en plus perméable et fragilisé. Le contexte  a en effet changé :

En 1972 s’ouvre en effet, à Helsinki, la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe  à laquelle participe l’URSS.

Dans l’acte final de la conférence signé en août 1975, 32 pays européens, les E-U, le Canada et l’URSS s’engagent à respecter les principes comme la souveraineté des Etats et les droits de l’Homme.  De plus, le système économique des pays d’Europe de l’est montre ses limites. Il y a pénurie, inflation (60% /an en Yougoslavie) et dans certains cas apparition du chômage.

Enfin, au sujet de la Pologne, en 1978, le polonais Karol Wojtyla devient pape (Jean-Paul II). Il soutient l’opposition au régime communiste. Il fait un voyage en Pologne en 79.

Dans ce contexte, la contestation se développe dans la société civile. En 1977, 257 citoyens tchécoslovaques signent une Charte qui, sur les bases de l’acte final de la conférence d’Helsinki, réclame le respect des libertés fondamentales. C’est la Charte 77. Le leader de ce mouvement est l’auteur dramatique Vaclav Havel. En Pologne, en 1980, les ouvriers de Gdansk se mettent en grève et créent le premier syndicat indépendant Solidarnosc (leader Lech Walesa). Le mouvement est brisé en 1981 par le général Jaruzelski qui décrète « l’état de guerre ». 10000 personnes sont arrêtées. 

Cependant, l’URSS reste menaçante et l’Europe est toujours un enjeu de la guerre froide. En particulier lorsqu’on assiste à un refroidissement. La crise des Euromissiles en témoigne. L’URSS déploie des SS20 en Europe de l’est. L’OTAN réplique en installant des fusées Pershing. En dépit des manifestations pacifistes, la course à l’armement est relancée. Elle finit par épuiser l’URSS. A son arrivée au pouvoir Michael Gorbatchev considère qu’il est nécessaire de signer un traité de non prolifération Washington 1987. Il engage des réformes (Perestroïka-Glasnost) et annonce aux dirigeants des démocraties populaires qu’ils ne pourront plus compter sur l‘intervention de l’Armée rouge en cas de crise grave. Il déclare également aux dirigeants hongrois qu’une sortie du pacte de Varsovie est envisageable.

Conclusion : Même si cette partie du monde  reste pendant cette période un enjeu de la guerre froide, un rapprochement est perceptible entre les différentes europe

c)     1989 : l’implosion de la zone d’influence socialiste, la fin d’une division européenne.

En 1989, suite à de nouvelles grèves le gouvernement polonais, reconnaît le syndicat Solidarnosc et permet des élections pluralistes. La victoire de Solidarnosc entraîne la nomination d’un premier ministre non communiste, Mazowiecki.

En Hongrie, le Parti Communiste abandonne son rôle dirigeant. L’opposition gagne les premières élections pluralistes en juillet. Le 2 mai 1989 le e « rideau de fer » est ouvert.

En RDA, de nombreux allemands de l’est profitent de l’ouverture du rideau de fer en Hongrie pour émigrer en RFA. D’importantes manifestations ont lieu à Dresde et à Leipzig. Finalement, Honecker accepte l’ouverture des frontières en novembre 89, c’est la chute du mur de Berlin. ( 9 novembre 1989).

En Tchécoslovaquie, la «  Révolution de velours » entraîne la démission des dirigeants communistes et l’élection à la présidence de la République de Vaclav Havel, le 29 décembre 1989.

En Roumanie, Ceausescu, refuse de céder le pouvoir. Il est lâché par l’armée et Moscou. Son départ se fait sous la pression populaire. Il est fusillé le 25 décembre après un jugement sommaire.

 

 

Conclusion : L’Europe de l’est est donc bien dominée par l’URSS entre 1948 et 1989. De 1945 à 1949 sont mises en place plus ou moins brutalement des démocraties populaires créées sur le modèle soviétique. Le Kominform, le COMECON et le Pacte de Varsovie sont les instruments de la satellisation de ces pays autour de l’URSS. Seulement dès la fin des années 40, on assiste à une diversification des modèles. Des formes de contestation se développent notamment dans la société civile. Elles sont régulièrement réprimées parfois avec le secours des forces du pacte de Varsovie. L’opposition est cependant bien présente dans certaines de ces démocraties populaires dans le courant des années 70-80. L’action des mouvements de protestation, associée à une prise de distance de l’Union soviétique désormais dirigée par Gorbatchev aboutit dans un contexte de crise du modèle à la chute des démocraties populaires en 1989. Dès la chute du mur de Berlin s’est posée la question du devenir de ces territoires longtemps soumis à d’autres logiques alors que dans le même temps se poursuivait à l’ouest la construction européenne.

 

 Dernière mise à jour : 06/10