Les
formes de la domination coloniale.
Pb : Quels sont les aspects de la domination coloniale européenne ? Peut-on
comparer les modes de domination dans les différents empires coloniaux ?
I L'administration des colonies.
Débat : Comment administrer efficacement et " à bon compte " les
colonies ?
En théorie, deux politiques sont promues.
Assimilation : dans le domaine politique, c'est la volonté de donner à
terme aux peuples colonisés le même statut que les citoyens français. En
réalité, cela ne concerne qu'une minorité et ce système accorde tous les
pouvoirs à la métropole. En principe, c'est la théorie privilégiée par la
France.
Association : dans le domaine politique, elle consiste à maintenir les
institutions locales et traditionnelles et à s'appuyer sur elles pour
administrer les territoires colonisés. En principe, cette politique est promue
par les britanniques en particulier par Sir Frederick Lugard
(1858-1945), gouverneur du Nigeria dans le " Dual Mandate ". (Indirect
Rule).
En réalité : dans les empires, on observe une grande variété des statuts.
Empire Français :
Assimilation : Algérie, divisée en trois départements, Antilles (destinée du
Guyanais Félix Eboué ), Réunion, Cochinchine, quatre
communes au Sénégal ( Saint-Louis, Dakar, Rufisque, Gorée) .
Limite en Algérie : les musulmans n'ont pas le droit de vote (1919 octroi du
droit de vote aux musulmans anciens combattants, propriétaires et
fonctionnaires, abolition des impôts arabes)
Association : Protectorats ( Maroc, Tunisie, Indochine) : l'état protégé perd
sa souveraineté dans le domaine de la politique étrangère et de la justice. Au
Maroc, le sultan maintient son autorité
dans le domaine religieux. En réalité, l’essentiel du pouvoir est détenu par le
résident français.
Administration directe par un gouverneur, ( AEF)
Comptoirs : Agence de commerce fondée par une nation en pays étranger (
Pondichéry, Chandernagor, Karikal, Mahé et Yanaon)
Empire Anglais :
Assimilation : Les britanniques pratiquent l'assimilation sur les 2/3 du
territoire de l'Inde, en Sierra Leone, sur la Gold Coast
, et à Lagos au Nigeria.
Association : les britanniques pratiquent l'association sur 1/3 du territoire
de l'Inde en confiant l'administration à des princes vassaux de la couronne
britannique.
Dominions : ce sont de grandes colonies de peuplement européen destinées
à fournir des terres à des habitants de la métropole qui la quittent
définitivement ( Canada depuis 1867, Australie depuis
1901). Ces territoires ont une indépendance de fait, ils possèdent un
parlement, un gouvernement, une armée. Mais ils partagent avec le Royaume-Uni
le même souverain, la même langue.
Le système de l'assimilation avec en réalité administration directe est
également pratiqué par le Portugal, l'Italie et la Belgique.
Conclusion : Il existe en théorie au moins deux modèles d'administration et
finalement dans les différents empires, on observe une très grande diversité de
statuts.
II Exploitation et mise en valeur des colonies.
Les colonies offrent des débouchés pour les produits manufacturés des
métropoles.
Dans les colonies, on assiste également à une exploitation des produits
primaires :
Économie de plantation : Cochinchine ( riz, poivre, hévéas), Algérie
(viticulture), AEF, AOF (café, arachide ou cacao (cultures de rapport)) , Inde
(Coton).
Économie de prédation : bois tropicaux, mines.
Ceci crée des situations de mono- production :
Les puissances coloniales ne cherchent pas à développer l'industrie (ex : en
Inde et en Egypte (la France et le Royaume-Uni limitent les innovations de
Muhammad Ali, rapport de Paul Doumer au sujet de l’Indochine)
L'équipement des colonies :. Les métropoles réalisent d'importants
investissements pour réaliser des infrastructures. Mais l'effort consenti est
différent d'une puissance coloniale à l'autre. En 1913, la France consacre 9 %
de ses capitaux à son empire, contre 47 % pour la Grande-Bretagne.
Pour beaucoup, elles concernent les transports. En AEF, c'est la réalisation du
Congo-Ocean de Brazzaville à l'Océan. (795 km). Le
réseau routier d'Oubangui (AEF) représente, en 1926, 4200 km. En AOF, il
représente 27 000 km.
Des instituts Pasteur sont installés dans la plupart des colonies. 1891,
Calmette crée à Saïgon, le premier institut pasteur
d'outre-mer. Il s'agit de lutter contre les maladies tropicales (trypanosomiase).
Mais ces progrès n'empêchent pas la propagation de maladies telles que la
variole ou la grippe espagnole après la guerre 1/10ème de la population en AEF
en est victime.
Dès 1892, les Anglais ont construit 28 000 km de voies ferrées en Inde.
Le travail :
L' exploitation économique des colonies est basée sur le travail des
populations colonisées (achat des productions, salariat) mais il faut noter
également l'existence du travail forcé dans tous les empires coloniaux. Dans
l'empire français, il s'agit de prestations gratuites pour des travaux
d'intérêt local ou colonial (12 jours en AOF- 15 jours en AEF), forme d'impôt
en travail. Il s'agit souvent de grands chantiers ou de portage même si les
progrès des réseaux routiers permettent de limiter cette pratique. Les
conditions de travail sont difficiles. La construction du chemin de fer
Congo-Océan s'avéra un enfer: sur les 127 000 hommes recrutés de force
(1921-1932), 25 000 moururent d'épuisement, de maladie ou victimes de mauvais
traitements. A Madagascar, Gallieni instaure une prestation en travail de 50
jours pour tout malgache de 16 à 60 ans (fanompoana).
Pour les conscrits non retenus par l’armée, un service de 3 ans de travail est établi (SMOTIG). Dans ce
même territoire les paysans sont spoliés de leurs terres au bénéfice de colons.
En 1926, l’Etat se considère comme propriétaire de toutes les terres
considérées comme vacantes.
L'impôt :
Il finance 25 % du budget colonial en moyenne ( France, Portugal , Belgique).
Impôt de capitation : Le montant par habitant et par an s'élève à 2 francs en
AOF, 1.55 F en AEF et 1.35 Francs belges au Congo Belge (salaire moyen mensuel
au Congo belge : 19.35 francs belges) .
La capitation représente d'importants revenus :
AOF : 156 millions de francs en 1929, 181 millions en 1935.
Conclusion : Les métropoles investissent pour mettre en valeur les colonies.
Ces investissements permettent des progrès dans le domaine de l'équipement. Il
s'agit pour l'essentiel de satisfaire les besoins de la métropole et cela a un
coût pour les populations colonisées.
III La domination culturelle.
Dans le domaine culturel, il est possible de préciser la définition de
l'assimilation et de l'association.
En principe, la politique d'association reconnaît les particularismes culturels
des peuples soumis.
Selon la politique d'assimilation, les populations colonisées doivent pour
devenir éventuellement citoyens de la métropole acquérir la langue de la
métropole et adopter le mode de vie européen. Cela passe souvent par l'école. Mais
cette assimilation ne concerne le plus souvent qu'une élite minoritaire. En
Algérie, en 1929, seulement 6 % des enfants musulmans fréquentent l'école. En
réalité l’effort de scolarisation est inégal. On estime qu’à Madagascar en
1880, les taux de scolarisation sont comparables aux taux européens.
En réalité, le résultat est souvent le même : on assiste à des processus
d'acculturation.
Acculturation : processus par lequel un individu adopte une culture
étrangère (langue, mode de vie, religion), ce qui peut l'amener à abandonner sa
propre culture.
Deux exemples : Léopold Sédar Senghor, sénégalais,
(1906-2001), normalien, agrégé de Grammaire.
Gandhi ( Mohandas Karamchand)
(1869-1949) :
Mais ces deux destinées illustrent bien également le fait qu'on a des
résistances au processus d'acculturation.
Senghor va avec le martiniquais Césaire affirmer le principe de négritude.
Négritude : affirmation de la valeur
de la civilisation nègre en Afrique comme aux Antilles.
Gandhi va baser une partie de sa lutte contre la domination coloniale sur le
rejet de la civilisation industrielle occidentale.
En outre il y a eu dans les métropoles des voix qui se sont élevées contre la
colonisation.
1927 : André Gide dans Voyage au Congo dénonce les méfaits des européens en
Afrique noire.
En 1927 est fondée à Bruxelles la ligue contre l'oppression coloniale présidée
par Albert Einstein.
Conclusion
: Dans le domaine culturel, il y a effectivement influence des civilisations
les unes sur les autres. Mais la notion de réciprocité est discutable. Dans un
cas l'acculturation est imposée dans l'autre les références aux civilisations
des peuples colonisés sont voulues.
Conclusion générale : les formes de domination coloniale
sont variées . Elles concernent l'économie, la culture
et l 'administration. Dans ce domaine les modèles
adoptés par les métropoles sont différents . Dans la
réalité, dans les différents empires, on observe une grande variété de statuts.
On observe cependant un certain nombre de constantes : La mise en valeur des
espaces colonisés est destinée à satisfaire les besoins des métropoles. La
colonisation prétend permettre le progrès des peuples colonisés et quelque soit
la politique adoptée on constate souvent un processus d'acculturation.
Bibliographie :
Comité
scientifique international pour la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique
(Unesco), Histoire générale de l’Afrique,
VII L’Afrique sous la domination coloniale, 1989