Mondialisation et interdépendance.

L’espace mondial se présente aujourd’hui comme un système marqué par la multiplication de flux de toutes natures (hommes, marchandises, capitaux, informations) qui ont des effets sur les sociétés. Pour Laurent Carroué, la troisième phase de la mondialisation que nous connaissons actuellement aboutit à la constitution d'une économie-monde qui se développe sur l'ensemble de la planète. Dans ce réseau mondial d'échanges, l'intégration est telle que que désormais les économies sont interdépendantes.

Pb : Quelles sont les caractéristiques de la mondialisation ? Les différentes parties du monde participent-elles avec le même niveau d'intégration à la mondialisation ? Comment se manifeste les relations d'interdépendances désormais créées ?

Interdépendance : ce dit des économies liées les unes aux autres par des flux de natures variées destinés à satisfaire leurs besoins réciproques de biens, de services, de main d'œuvre et de capitaux.

Mondialisation : mise en relation des différentes parties du monde par la multiplication de flux de natures diverses.

I Première manifestation : l’essor des échanges internationaux.

a) L’importance des échanges mondiaux de marchandises.

On observe dans le monde une ’augmentation du volume des échanges. Elle est plus rapide que celle des marchandises. En 2006, le volume des importations de marchandises a augmenté de près de 10 % tandis que le PIB mondial lui n'a augmenté que de 3 %. Les causes de cette augmentation sont multiples. Elle est liée à l augmentation de la population (6,5 milliards d'habitants), l'amélioration du niveau de vie d'une façon générale dans le monde, aux progrès techniques dans les domaines du transport (conteneurisation, intermodalité) et de la communication en particulier  (internet), à la division internationale du travail et à la libéralisation des échanges ( OMC et organisations régionales comme le MERCOSUR, l'ALENA ou L'UE) . La part des produits manufacturés dans les exportations augmente. Elle aurait triplé entre 1970 et 1990 passant de 20% à 60%. La valeur ajoutée des produits tend à augmenter. Cependant, l'importation de produits primaires comme les sources d'énergies demeure stratégique pour les pays industrialisés ou en développement. Par exemple, environ un quart du gaz et du pétrole consommés par les Européens vient de Russie. C'est une illustration des relations d'interdépendance entre les Etats.

Flux : circulation massive de personnes, de biens, de capitaux, d’informations.

Conteneurisation : mode de transport par caisses de dimensions normalisées. Le conteneur de base est la boîte de 20 pieds ( 6.058 pm) de long et d’une capacité de 20.32 tonnes.

Intermodalité : Système de transbordement permettant d’utiliser des moyens de transport complémentaires, en supprimant les ruptures de charge d’un mode de transport à l’autre.

OMC : organisation mondiale du commerce (siège à Genève). Elle cherche promouvoir le libre échange et elle arbitre les conflits commerciaux.

Division internationale du travail : Elle désigne la spécialisation de pays ou de régions du globe dans des productions particulières en fonction d'avantages comparatifs espérés.

Produits manufacturés : produits transformés par l’industrie.

Valeur ajoutée : La valeur ajoutée est la valeur créée par l’entreprise en transformant les matières premières ou produits semi–finis. Elle se calcule en faisant la différence entre la valeur du produit réalisé et la valeur des consommations intermédiaires (matières premières, produits semi-finis, services)

Produits primaires: Produits bruts ou faiblement transformés (matières premières, sources d’énergie)

b) La répartition des échanges de marchandises.

La géographie des flux de marchandises.

L’essentiel du commerce international est réalisé entre les pays du nord. 70 voir 80 % du commerce international réalisé par les trois grands pôles développés : Etats-Unis, Europe, Japon. Les pays en développement ne réalisent que 16 % du commerce mondial. On observe également un processus de continentatlisation : plus de la moitie du commerce international se fait à l'intérieur de chaque continent. Dans l'UE, les échanges intra-communautaires représentent 63% des échanges des pays de l'UE.

Continentalisation : tendance au développement des échanges sur un continent où entre les pays d'une des aires de puissances.

Structure et répartition des échanges.

Les pays développés s’échangent Pour l’essentiel mais pas exclusivement des produits manufacturés. Les NPI( Brésil, Mexique, Taiwan, Singapour ) et les pays émergents (Chine et Inde) exportent des produits manufacturés dont la valeur ajoutée augmente. Depuis les années 90, les pays en développement exportent aussi en majorité des produits manufacturés. Mais les produits primaires (matières premières, sources d’énergie, produits agricoles) représentent encore une part importante des exportations. En outre, les produits manufacturés réalisés sont souvent de faible valeur ajoutée. L’échange est inégal et il fait apparaître une division internationale du travail.

II deuxième manifestation : la mobilité croissante des hommes.

Les hommes circulent beaucoup dans le monde mais, il convient de distinguer la nature et les motifs de ces déplacements. Les migrations sont des déplacements de personnes ayant pour effet de transférer la résidence d’un lieu d’origine à un lieu d ‘arrivée. Le tourisme est l’action de voyager pour son agrément. Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, un touriste est un visiteur temporaire qui séjourne au moins 24 heures dans le lieu qu’il visite pour des motifs de loisir.

a) Les migrations internationales.

Le nombre de migrants dans le monde est passé de 82 millions migrants internationaux en 1970 à 180 millions aujourd’hui selonl'ONU. Cela représente environ 3 % de la population mondiale.

Flux migratoires, foyers d’immigration et champs migratoires.

Les flux dominants sont dirigés des pays du « Sud » ou en développement vers les pays développés dits du « nord ». 75 % des migrants sont originaires du Sud. On observe cependant des exceptions. Certains flux se dirigent vers des pays exportateurs de pétrole. Des migrants sont également nombreux à quitter l’Europe en particulier, l’Europe de l’Est. Il existe aussi des flux secondaires entre pays du Nord et entre pays du Sud. Ainsi, les flux migratoires sont très importants sur le continent africain, à destination du Gabon ou de la Côte-d’Ivoire, par exemple. On constate également que les principaux foyers d’immigration ont des champs migratoires particuliers. Par exemple, l’Amérique du Nord accueille des migrants en provenance d’Amérique latine, d’Europe, d’Asie de l’Est et du Sud-Est. On distingue les migrations politiques (9,2 millions de réfugiés et 25 millions de déplacés selon le Haut Commissariat aux Réfugiés-HCR- en 2006), des migrations économiques. On compterait aujourd’hui 20 millions de travailleurs étrangers dans les pays d’accueil. Les migrants n’ont pas tous les mêmes niveaux de qualification, on observe, par exemple, que les Etats –Unis et l’Europe attirent beaucoup de migrants qualifiés. On parle alors de Brain-Drain ou drainage des cerveaux.

Champ migratoire : zone d’origine de la plupart des migrants que les différents pays d’accueil attirent de façon privilégiée (héritage de la colonisation, facteur linguistique)

Les effets des migrations sur les pays d'accueil ou de départ reflètent les relations d'interdépendance à l'oeuvre aujourd'hui dans le monde. Dans les pays de départ, les effets positifs sont nombreux. Les travailleurs émigrés envoient dans les pays d’origines des fonds. Ces sommes représenteraient des dizaines de milliards de dollars. Les immigrés acquièrent des savoir-faire, cela réduit le poids du chômage, du sous-emploi et de la pression démographique. Mais cela ne va pas sans un certain nombre d’inconvénients. Dans certains cas, on assiste à une véritable fuite des travailleurs qualifiés indispensables aux développements des PVD. De plus, ces migrants ramènent parfois de leurs séjours des modes de vie qui suscitent de nouveaux besoins, de nouvelles consommations au dépend des productions locales. La pression des pays du Sud demeurera tant que ces pays seront sous développés

Dans les pays d’accueil, l’immigration a été suscitée pour plusieurs raisons. Les migrants constituent une main d’œuvre bon marché et malléable. En France, c’est le patronat qui dans les années 60 a créé des filières d’immigration pour pouvoir soutenir la croissance. Cette immigration a aussi contribué à la croissance et au dynamisme démographique des pays d’accueil. Les pays d’accueil ont donc besoin de cette main d’œuvre immigrée. Cependant avec la crise, cette main d’œuvre a été plus difficile à intégrer. On constate que dans la plupart des pays d’accueil, la tendance est au contrôle de l’immigration. En Europe, les frontières se sont fermées dans les années 70. Ce fut le cas en France où l’immigration de travailleurs fut gelée en 1974. Les accords de Schengen signés en 1985, transformés en convention en 1990, renforcent les contrôles aux frontières externes de la zone Schengen.

Convention de Schengen : cette convention internationale signée en 1990, est entrée en vigueur en 1995. L'espace Schengen comprend aujourd'hui 24 États.

b)Les flux touristiques.

Les arrivées de touristes dans le monde s’élèvent à 800 millions de personnes 2005. Le tourisme génère 500 milliards de dollars de recette par an. Le tourisme se développe pour plusieurs raisons. Les niveaux de vie augmentent. Le temps de travail dans les pays développés diminue. Les transports progressent en termes de capacité de confort et de coût. Enfin, il s’agit d’une activité dont la commercialisation se modernise et se généralise. Les flux touristiques sont surtout des flux nord-nord. 80 % des départs et des arrivés concernent les pays développés. L’Union européenne est le premier pôle touristique mondial avec à sa tête la France première destination touristique au monde. On voit cependant se développer les flux Nord-Sud même s’ils restent faibles. Plusieurs facteurs déterminent ces flux. L’héliotropisme, la recherche de l’exotisme et la proximité. On observe en effet que les flux secondaires les plus importants se dirigent en priorité des foyers émetteurs vers les pays du Sud attractifs les plus proches. Le tourisme international reste avant tout un tourisme de proximité.

Les effets du tourisme dans les pays récepteurs.

Le tourisme crée des revenus. Dans les pays en développement, elle peut constituer une bonne part du PNB. Le tourisme crée également des emplois. Dans le monde, l’industrie du tourisme et du voyage compte 255 millions de salariés dont plus de la moitié dans la zone Asie Pacifique. Il s’agit d’emplois directs (hébergement, restauration) ou indirects (artisans, commerçants). Mais l’impact du tourisme dans les pays en développement peut aussi être nul ou négatif. Lorsque les complexes hôteliers sont contrôlés par de grands groupes internationaux, les retombées économiques sont relativement faibles . De plus, cette activité est aléatoire. Des destinations peuvent être abandonnées par les voyageurs pour des raisons diverses du jour au lendemain. Dans les pays où se pratique le tourisme sexuel cela pose des problèmes de société et de santé publique. Parfois, comme en Tunisie, les activités touristiques et agricoles sont en concurrence pour la consommation d’eau. Certains pays en développement ont besoin du tourisme international pour percevoir des revenus mais cette activité n’est pas toujours synonyme de développement.

III troisième manifestation le développement des flux de capitaux et d’information

a) une circulation accrue et constante.

Les flux de capitaux ont dépassé les 6000 milliards de $ en 2005. La circulation des capitaux concerne plus particulièrement les Etats riches et développés. Ces flux sont essentiellement des flux nord-nord. 83% des investissements dans le monde s’effectuent depuis la Triade. Moins de 25 % des IDE (Investissements directs à l’étranger se dirigent vers les pays pauvres. Les investisseurs jugent risqué de placer l’argent dans les zones politiquement instables ou trop pauvres.

b) La circulation en permanence de l’information .

Ce sont les membres de la triade qui maîtrisent l’information (CNN-Fox news), même si la guerre en Irak a permis de prendre conscience de l’existence d’un géant de la communication dans le monde arabo-musulman : -al Jazirah.Grâce aux satellites, la couverture est planétaire mais des espaces restent enclavés (Afrique, Asie Centrale, Sub-continent indien). internet a connu un essor spectaculaire depuis 15 ans : 25 millions d’internautes en 1990, 938,710 millions en 2005 (Sources : Nielsen//NetRatings, ITU, InternetWorldStats, journal du net,) Pour 2006, ce chiffre fut estimé à 1.1 milliard de personnes. De ce point de vue, également l’inégalité nord sud est apparente et une hiérarchie entre des pôles, des lieux centraux et des espaces marginalisés apparaît.

voir une animation amusante

Sur ce sujet, il est à noter que les Etats-Unis ont de fait le monopole du contrôle des noms de domaines et des serveurs racines. L'ICANN ( Internet Corporation for Assigned Names and Numbers ) est une organisation internationale basée aux Etats Unis et de droit californien, dont le rôle premier est d'allouer l’espace des adresses de protocole Internet (IP), de gérer le système de nom de domaine ( .com). L'ensemble du monde dépend donc de cette organisation pour la gestion des noms de domaine.

IV Synthèse : un espace économique mondialisé mais une mondialisation déséquilibrée.

a) Les grands centres de l’économie mondiale.

Trois pôles constituent, en quelque sorte, des centres du monde : Les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon. Ils forment la Triade.Ils forment à eux trois un oligopole qui domine ainsi le monde. Les Etats-Unis constituent le pôle le plus puissant et le plus complet. La particularité de l'Union européenne tient au fait que c’est une union politique et économique de 27 Etats indépendants. Malgré de nombreuses contraintes, le Japon est parvenu à devenir le deuxième pôle économique du monde, mais son poids politique sur la scène internationale est limité depuis la seconde guerre mondiale. Chacun de ces pôle étend son influence sur des zones privilégiées. La zone d’influence des Etats-Unis s’étend aux pays de l’Amérique du Nord qui constituent l’ALENA et l’Amérique Latine. Celle de l’U-E est constituée par l’Europe centrale et orientale, l’Afrique et les pays des Antilles auxquels elle est liée par des accords comme ceux de Lomé. Le Japon étend sa zone d’influence à l’Océanie, l’Asie du sud, du sud-est. Ces pays sont en même temps concurrents et complémentaires.

Dans le domaine des flux financiers, New York, Londres et Tokyo constituent un réseau qui fonctionne 24h/24h. Ce sont aussi les grands centres de décision politique. On y trouve de grandes organisations internationales. On constate donc que la mondialisation renforce la métropolisation : tendance structurelle à la concentration des fonctions économiques les plus stratégiques dans les villes au sommet de la hiérarchie urbaine. Se forme ainsi un Archipel Métropolitain Mondial (selon l'expression d'Olivier Dollfus) constitué de villes globales (Saskia Sassen) ou mondiales. On trouve également dans ces pôles de la triade des mégalopoles. (La mégalopolis, la dorsale européenne et a mégapole japonaise). Les pôles de la triade, les villes globales et les mégalopoles sont des centres d'impulsion de l'économie mondiale.

Triade : ensemble des trois pôles dominant l’espace économique mondial. Expression utilisée dès 1985 par l’économiste Kénéchi Ohmae.

Mégalopole : Une mégalopole est caractérisée par une urbanisation en continu sur plusieurs centaines de km. Elle est structurée autour d’un système efficient de transports et joue un rôle d’ interface. C’est un espace qui n’est pas toujours homogène mais qui possède des centres d’accumulation et de reproduction du capital et des centres de commandement.

b) les périphéries.

Elles sont plus ou moins intégrées et sont plus ou moins liées aux pôles de la Triade. On peut donc distinguer deux catégories de périphéries :

Les NPI, les pays émergents, leurs régions littorales ou frontalières en particulier régions littorales (Chine côtière. Nord du Mexique), les pays en transition (PET), les pays pétroliers, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Israël font partie des périphéries intégrées.

Les PMA ou les pays enclavés géographiquement en Afrique, en Asie centrale et en Amérique Latine forment l'ensemble des périphéries enclavées ou marginalisées. Mais leurs relations avec les pôles de la triade ne sont pas nulles. Ils exportent des produits primaires. Ils importent des produits manufacturés des pays développés. Ce sont souvent des foyers d’émigration. Ils reçoivent enfin l’aide au développement des pays développés.

Conclusion : On assiste donc bien à un processus de développement des échanges et des flux de marchandise, capitaux, de services et d’information. Les hommes sont également plus mobiles. On peut donc parler de mondialisation et d’interdépendance croissante puisque les pays du monde ont donc de plus en plus besoin les uns des autres pour satisfaire leurs besoins ou écouler leurs productions. On constate cependant que les flux sont inégaux. La mondialisation dessine donc des interdépendances sous la forme de réseaux à géométrie variable. Toutes les régions du globe s n’ont pas le même niveau d’intégration. Trois pôles dominent le monde. Ils entretiennent des relations privilégiées avec leurs périphéries les plus proches. A l’écart, des périphéries faiblement intégrées souffrent du terme des échanges.

Bibliographie :

La mondialisation en débat : Laurent Carroué , DP n° 8037.

Géographie de la mondialisation, Laurent Carroué, 2002 .

La carte, enjeu contemporain, DP, n° 8036 , Jacques Levy , Patrick Poncet , Emmanuelle Tricoire.

Dernière mise à jour 12/09 .