Les
grandes aires de civilisation divisent-elles le monde ?
I Les aires de civilisation découpent
toujours le monde.
a) Définition .
Une civilisation est l’ensemble des
réalités culturelles , matérielles, économiques, sociales,
et historiques communes à un groupe de sociétés. Le mot culture au sens
large est synonyme de civilisation. Une aire de civilisation est donc
l’espace sur lequel, on retrouve ces caractères communs.
Définition des IO
: Une aire de civilisation est une entité géographique pouvant être considérée
comme un espace culturel fondé sur un ensemble de caractères matériels, moraux,
religieux et linguistiques, artistiques et sociaux commun à une société ou à un
groupe de sociétés. Une aire de civilisation ne peut donc s’identifier à une seul trait culturel. Les critères de définition sont
multiples mais on considère que les langues et les religions sont des facteurs
déterminant dans l’identification des aires de civilisation.
b) Les langues et les religions : deux
facteurs de détermination des civilisations
Les langues :
Selon les définitions, on compte entre 3000 et 7000 langues dans le monde. On distingue cependant 11 grands ensembles linguistiques: Chinois , langues Indiennes, Anglais , Russe , Espagnol , Portugais, Allemand ,Japonais , Arabe ,Français , ensemble Malais -indonésien. La diffusion de ces grands groupes linguistiques s’explique de plusieurs façons :
L’importance des populations. La
colonisation. La puissance économique.
L’ anglais tend à devenir la langue internationale par excellence. Dans de nombreuses régions du globe , les langues précitées sont des langues véhiculaires . Par ailleurs des langues disparaissent régulièrement; En 2008, disparaisssait en Alaska, la dernière locutrice de l'éyak. D'ici 2100, devraient, selon certains linguistes disparaître 50% des langues.
Langue véhiculaire :
Langue permettant à des peuples ayant des langues différentes de communiquer.
Pour information :
Les langues officielles ou coofficielles les plus parlées sont l’Anglais : 29 Etats ;
le français : 29
Etats, l’Espagnol : 20Etats. Il ya aurait selon un rapport de 2007, 200
millions de francophones dont 72 milllions de
locuteurs partiels.
Les religions :
Le nombre de croyants augmente dans le monde,
ce phénomène est plus lié à la démographie qu’au prosélytisme.
Le christianisme : Il connaît la plus grande
diffusion. Il représente 40 % des
croyants dans le monde. Sa large diffusion est liée à la colonisation
européenne Le christianisme est présent dans les deux Amériques, en Afrique
subsaharienne, en Australie-Nouvelle Zélande, et dans des foyers dispersés en
Asie.
L' Islam
rassemble 20% des croyants dans le monde. Il s’étend sur 2 aires de diffusions
: Pôle arabo-méditerranéen , Pôle indonésien . Il poursuit sa progression en
Afrique tropicale et se développe en Europe.
L’Hindouisme : 793 millions. Il est présent
surtout en Inde où il représente 85 % de la population.
Le Bouddhisme 325 millions : Il est né en
Inde au VI ° avant J-C , mais il a presque disparu du
pays. Il s’est diffusé en Asie de l' Est et du Sud-Est où il a influencé des religions et des philosophies
locales : confucianisme , taoïsme : 226 millions.
Juifs : 14 millions
c) Une cartographie des aires de
civilisation.
Considérant les religions comme
fondamentales, Samuel P. Huntington compte 9 aires de civilisations dans
le monde. Pour lui depuis la fin de la guerre froide, les différences entre les
hommes sont avant tout culturelles et les civilisations sont amenées désormais
à s’affronter. C’est la théorie du choc des civilisations reprise par les
cadres de l’administration Bush.
Samuel P. Huntington
: professeur à l’université de Harvard (Etats-Unis) où il dirige le John Olin
Institute for Stratégic studies.
Il a été expert auprès du conseil national américain de sécurité sous
l’administration carter. Il est le fondateur et l’un
des directeurs de la revue Foreign Policy. Son
ouvrage intitulé le choc des civilisations publié en France en 1997, l’a rendu
célèbre.
Conclusion : le monde serait donc toujours
divisé par des aires de civilisation. Ce découpage du monde resterait donc
pertinent.
II Une géographie des aires de civilisation
remise en cause.
a) Plusieurs cartes possibles :
Déjà en 1983, Gérard Chaliand
et Jean-Pierre Rageau, auteurs de l’Atlas
Stratégique distinguaient 7 aires de civilisation : l’aire européenne, l’aire
sinisée, l’aire russo-soviétique, l’aire islamisée, l’aire négro-américaine,
l’aire hindouisée, l’aire latino américaine et une zone mixte en Afrique du
Sud. En 1997, le géographe Yves Lacoste répond à Samuel P. Huntington et
propose un agencement du monde en 5 ensembles : L’occident étendu aux
Amériques, à l’Australie et la Nouvelle –Zélande) , le
monde musulman , l’inde, la Chine et les archipels et péninsules du pacifique
occidental.
Il n’existe donc pas une carte des aires des
civilisations.
b) Des limites floues et mouvantes :
Il est à noter, par exemple, que notamment en
Afrique on observe une extension de l’aire musulmane. On peut aussi se poser la
question des limites de l’aire occidentale. L’Argentine peut-elle être
considérée comme occidentale, par exemple ? Il est également difficile de
limiter le Bangladesh à l’aire indienne alors qu’une majorité de la population
est musulmane. La géographie des
religions est également rendue difficile par leur déterritorialisation. Les églises pentecôtistes progressent en Asie
et en Afrique , le salafisme
en Europe.
c) L’interpénétration géographique des aires
de civilisation :
Les diasporas chinoise et indienne se
dispersent dans le monde entier contribuant ainsi à la diffusion de leur monde
de vie.
Il convient de rappeler également que depuis
des foyers de production culturelle à prétention mondiale comme la mégalopole
américaine ou Los Angeles, la civilisation occidentale et plus particulièrement
l’American way of life se diffusent dans le monde
entier.
Il est vrai que cette expansion du modèle
occidental rencontre des résistances.
d) Des aires de civilisation marquées en
réalité par une grande diversité :
Si on considère les religions comme facteurs
déterminant des civilisations, il convient de constater que les grandes
religions sont divisées. (le christianisme est partagé entre catholiques : 980
millions ; protestants : 473 ; orthodoxes : 218 et autres confessions : 284 . L’Islam est divisé entre sunnites : 945 millions , chiites : 180 , souffistes
, etc..). Ces mêmes courants sont caractérisés pas plusieurs écoles. L’Islam
Africain est souvent maraboutique, l’Islam indonésien est syncrétique. Il est
donc difficile de dire que le monde musulman est homogène.
Ces divisions peuvent aller jusqu’à
l’affrontement fratricide. Comme en ex-Yougoslavie, au Moyen-Orient. Certes, on
constate là que les religions peuvent devenir l’enjeu de conflits ethniques
mais cela remet en cause l’idée d’un affrontement entre grandes civilisations
unies.
Sunnisme : courant
majoritaire de l’Islam qui en s’appuyant sur l’ensemble des paroles, des
actions de Mahomet entend représenter l’orthodoxie musulmane.
Chiisme : mouvement
qui estime que le califat appartient de droit aux descendants du prophète et de
son gendre Ali. Il prône un retour à l’Islam originel. 10% des musulmans du
monde.
Conclusion : La géographie des aires de
civilisation est donc remise en cause par plusieurs phénomènes : la diffusion
des modèles culturels, l’interpénétration géographique des civilisations,
l’hétérogénéité des aires culturelles.
Conclusion générale
: La géographie des civilisations montre donc l’existence de vastes aires
culturelles différentes. Mais à l’heure où certains évoquent un choc de
civilisations, il convient de constater que ces dernières sont malgré tout bien
difficiles à définir. Leurs contours sont flous et mouvants. Elles restent
marquées par une certaine diversité et elles s’interpénètrent. Certes les
religions peuvent être à l’origine de conflits ethniques. Elles peuvent aussi
motiver l’action de terroristes radicaux. Mais il serait dangereux de leur
accorder trop d’importance dans l’analyse des aires de civilisation et de la
situation géopolitique. Il semble en effet que d’autres traits culturels
déterminent les aires de civilisation et que d’autres motifs peuvent entraîner
des guerres ( voir leçon sur l’après guerre froide) .
Bibliographie :
A
noter une critique très intéressante de la carte des aires de civilisation de samuel Huntington dans
La
carte, enjeu contemporain, DP , n° 8036 , Jacques Levy ,
Patrick Poncet , Emmanuelle Tricoire.
Victor
J-C, Raison V., Tétart F. , Le
Dessous des cartes, Atlas géopolitique, Arte Editions-Taillandier,Paris,
2005
Dernière
mise à jour 11-10