Le processus de décolonisation et l’émergence du tiers
monde
La décolonisation
désigne le processus par lequel un Etat colonisé se libère de la domination
d’une métropole coloniale. Après la Seconde Guerre mondiale elle s’accélère et
un certain nombre d’Etats accèdent à l’indépendance.
Comment expliquer cette accélération du
processus de décolonisation à partir de 1945 ? Les indépendances ont-elles
toutes été obtenues de la même façon ? Sur le plan politique et
économique, que sont devenus les nouveaux Etats nés de la décolonisation sur le
plan politique et économique ?
I Les
origines de la décolonisation
a)
Un contexte favorable.
A la fin de la Seconde guerre mondiale, les métropoles européennes sortent épuisées
du conflit. Les populations des
territoires colonisés ont d’ailleurs largement participé à la victoire.
Plus de deux millions de soldats indiens ont combattu au côté des Britanniques.
Des nord-africains, des Africains et des Antillais ont débarqué aux côtés des
alliés. De plus à la fin de la Seconde Guerre mondiale est décidée la création de l’ONU dont l’un des
principes est le droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes. Les nations unies deviennent très vite la tribune des
peuples désireux d’accéder à l’indépendance. Dans ce contexte débute la guerre
froide, or soucieux d’étendre leurs zones d’influences, les Etats-Unis comme
l’URSS condamnent officiellement la
colonisation.
Droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes : droit à l’unité, à l’indépendance et à
la souveraineté des nations.
b)
L’émergence de mouvements nationalistes.
Dans les territoires colonisés différents mouvements politiques nationalistes
émergent et réclament l’indépendance de leur pays. Certains sont d’inspiration communiste comme le Vietminh d’Ho Chi Minh au
Vietnam. D’autres sont modernistes et
libéraux comme le néo-Destour d’Habib
Bourguiba en Tunisie. Certains sont traditionnalistes
comme le mouvement des oulémas en
Algérie. En Inde, le Parti du Congrès
de Gandhi et Nehru, mêle inspirations libérales, socialistes et
nationalistes.
II Les
étapes et les modalités de la décolonisation
a)
Une première phase essentiellement asiatique.
La
première étape de la décolonisation est essentiellement asiatique. En 1947, l’Inde obtient son indépendance des
Britanniques. En 1948, c’est aussi le cas d’Israël. En 1949, les Néerlandais
concèdent l’indépendance à l’Indonésie.
Enfin, en 1954 par les accords de Genève la France cède son indépendance à l’Indochine.
b)
Une deuxième phase
africaine.
En 1956, le Maroc et la Tunisie obtiennent leur indépendance de la France. En
1957, c’est au tour du Ghana de l’obtenir des Britanniques. 1960 est l’année
des indépendances des colonies
françaises d’Afrique sub-saharienne et du Congo belge. L’Algérie accède
elle à l’indépendance en juillet 1962. Les
indépendances les plus tardives concernent pour beaucoup des colonies portugaises et espagnoles (1968:
Guinée équatoriale (Esp.); 1974:
Guinée-Bissau (Port.); 1975:
Mozambique- Angola- Cap-Vert -Sao Tomé et Principe (Port.);
1976: Sahara occidental (Esp.). En 1990, la Namibie, sous
domination Sud africaine, accède à son tour à l’indépendance.
c)
Des décolonisations plus ou moins violentes.
Certaines indépendances sont acceptées ou
négociées. En Inde, par exemple, Gandhi use
de la non-violence pour obtenir le départ des anglais (jeûnes,
boycott et différentes formes de désobéissance civile). Mais certaines manifestations indiennes sont
réprimées extrêmement brutalement. La France accorde également l’indépendance au Maroc et à la Tunisie en 1956
selon un processus comparable où de graves crises politiques avec
violences aboutissent à la concession de l'indépendance. De plus, en 1958, elle
propose à ses colonies d'Afrique
subsaharienne trois possibilités : conserver le même statut, (Côte française des Somalis, Comores), devenir des États autonomes au sein de la communauté
française (la plupart des colonies africaines) ou
faire sécession (Guinée de Sékou
Touré dès 1958). En 1960, les colonies africaines françaises qui
avaient opté pour la deuxième solution deviennent indépendantes mais
avec des liens diplomatiques et économiques très étroits avec la France.
Certaines décolonisations sont refusées de
prime abord. C'est le cas à Madagascar
ou en mars 1947, la France réprime l'insurrection en faisant
plusieurs milliers de morts. Cela peut donner lieu à des guerres. C'est le cas en Indochine
(1946-1954), en Algérie (1954-1962).
Les Britanniques répriment très brutalement la révolte des Mau-Mau au Kenya en 1952. Les
Pays-Bas quittent l’Indonésie après un long conflit (1947-1949). Les
indépendances de l’Angola (1961-1975), de la Guinée-Bissau (1963-1974) et au
Mozambique (1964-1975) sont également obtenues à l’issue de guerres meurtrières.
III
L’émergence du tiers-monde
a)
Vers le non-alignement politique
Devenus indépendants les nouveaux Etats
souhaitent faire entendre leur voix sur
la scène internationale. Les représentants des gouvernements asiatiques
se réunissent à deux reprises à New Delhi en 1947 et en 1949. A l'ONU est
formé un groupe Afro-asiatique qui
tente de promouvoir une politique indépendante des deux blocs. Du 18 au 25
avril 1955, a lieu la Conférence de
Bandung en Indonésie. 29 pays sont représentés, soit la moitié de
l'humanité mais seulement
8 % des richesses. Elle adopte les résolutions suivantes : droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
souveraineté et égalité des nations, refus de toute pression des grandes
puissances, règlement pacifique des conflits, désarmement, interdiction de
l'arme atomique, condamnation du colonialisme et proposition de la création
d'un fonds des nations unies pour le développement. Dans ce contexte, la
nationalisation du canal de suez par Gamal Abdel Nasser en 1956,
apparaît comme une affirmation politique face aux deux puissances coloniales la
France et le Royaume-Uni qui avaient là des intérêts économiques. A l'occasion
de cette conférence émerge l'idée du non-alignement.
Cette notion fut ensuite définie à l’occasion de la conférence de Belgrade par Tito, Nehru et Nasser en 1961.
Non-alignement: Mouvement réunissant de
nombreux pays du tiers-monde et la Yougoslavie refusant la domination des deux
grandes puissances. En 1966 à la Havane, les pays non alignés appellent à la
lutte anti-impérialiste. On sent déjà à cette occasion qu'il est difficile pour
les pays du tiers-monde de ne pas tomber dans l'un ou l'autre des deux camps.
b)
Un ensemble de plus en plus diversifié de pays en
retard de développement.
La plupart de ces pays connaissent un retard de
développement mais ils choisissent
des modèles de développement variés. Dans les années 60, la Corée du Sud,
Taiwan, Singapour et Hong Kong furent les premiers pays d'Asie orientale à
choisir sur le modèle japonais, un développement par étapes successives allant
dans le sens d'une ouverture croissante
de leurs économies. On les a longtemps appelés les quatre dragons. Dans les années 70, d'autres pays asiatiques ont le
même choix de développement : la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande,
l'Indonésie. On les appelait alors les bébés
tigres. Certains Etats, comme l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud ont des
croissances rapides. Ce sont des Etats
émergents que l’on inclut désormais volontiers dans les BRICS. Des pays du Moyen-Orient comme
l’Arabie Saoudite, le Qatar ou les Emirats arabes unis se sont longtemps
reposés sur leurs richesses en
hydrocarbure. Aujourd’hui, ils cherchent à diversifier leurs économies. Seulement, un certain nombre de
pays, pour beaucoup en Afrique, sont restés à l'écart de ce développement. Ce
sont les pays les moins avancés
(PMA).
Développement : amélioration du niveau
de vie au bénéfice du plus grand nombre.
Tiers-monde : ensemble
des pays issus le plus souvent de la décolonisation n'appartenant
ni au bloc de l'est, ni au bloc de l'ouest. En référence au Tiers-état d'ancien
régime, Alfred Sauvy désigne aussi ainsi les pays à la recherche du
développement
Conclusion
générale
: La décolonisation s’amorce à partir de 1945 dans un contexte d’après Seconde
Guerre mondiale qui lui est favorable. Elle se fait selon différentes étapes et
différentes modalités. L’Asie est libérée avant l’Afrique. Certaines
décolonisations sont plus violentes que d’autres et la France n’a pas le
monopole des guerres de décolonisation. A l’issue de ce processus, les nouveaux
Etats cherchent difficilement à s’affirmer politiquement sans se soumettre à
l’influence de l’une ou l’autre des superpuissances. Le retard de développement
est inégalement surmonté par ces pays. Certains concurrencent désormais les
puissances anciennement installées tandis que d’autres restent dans de grandes
difficultés.