à
travers la crise de Cuba
La constitution américaine est publiée en 1787, elle connaîtra par la suite de
nombreux amendements. La constitution de l'URSS est revue en 1936 par Staline.
Ces textes dont le rôle est de définir la répartition des pouvoirs, les
relations entre citoyens et institutions, précédent donc la période qui nous
intéresse. Cependant ces cadres prennent un sens nouveau dans le contexte de la
guerre froide qui naît au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, E-U
et URSS s'affirment désormais comme des modèles.
Existe-il des principes communs à ces modèles ? Partagent-ils les mêmes valeurs
? Quels sont les éléments qui les distinguent ? Quelles sont leurs limites
respectives ?
I Des principes communs affirmés et affichés…
a) Les deux régimes affirment être des démocraties.
Pour les Etats-Unis, le modèle est celui de la démocratie libérale. Le
système représentatif s'appuie sur le suffrage
universel pour désigner les représentants. Dans le cas de l’élection
présidentielle, ce suffrage est indirect.
Le
président des Etats-Unis est en effet élu par des grands électeurs (270 au
moins sur 538). Les pouvoirs sont
par ailleurs séparés. Le Président est chef de l'exécutif. Il est à la
fois chef de l'Etat, du gouvernement et de l'armée. Le gouvernement n'est nommé
par lui n’est d'ailleurs responsable que devant lui. Le Congrès comprenant la Chambre des Représentants (435
membres élus pour deux ans) et le Sénat (100 membres élus pour 6 ans,
renouvelable par tiers tous les deux ans) exerce le pouvoir législatif. La Cour
Suprême détient le pouvoir
judiciaire. Elle juge les différents entre les Etats et l'Etat fédéral,
entre les citoyens et l'Etat. Elle peut annuler les lois votées par le Congrès
et les décrets du Président.
Les américains sont également très attachés aux libertés fondamentales.
Pour
l’URSS, le modèle est celui de la démocratie populaire. En principe, le peuple a le pouvoir. Le
suffrage universel est affirmé dans la constitution de 1936 dont Staline dit
qu'elle est " la plus démocratique du monde ".
Le suffrage universel permet de désigner un pouvoir législatif :" le soviet suprême ". L'exécutif est confié à un pouvoir
collégial élu par l'ensemble des députés " le praesidium
".La constitution affirme en principe d'autres droits : égalité des sexes, liberté de conscience , de parole, de
presse, de réunion, d'association ou de pétition et des droits sociaux (
loisirs, instruction et travail). On a donc toutes les apparences d'une
démocratie.
Démocratie
libérale : régime où les libertés
fondamentales sont respectées et où existent plusieurs partis politiques.
Démocratie
populaire : régime où il n'existe qu'un
parti, le parti communiste qui représente la classe ouvrière.
b) Les deux Etats sont en principe des Etats fédéraux.
Les Etats-Unis forment un Etat
fédéral comptant 50 états. Chacun d’entre eux possède sa constitution, son gouverneur et
deux chambres (à l'exception du Nebraska). Leurs pouvoirs sont assez importants
dans le domaine de la justice ou de l'enseignement.
L'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) est aussi
en principe selon la constitution, un état fédéral comptant 15 Républiques. La
constitution de 1924 prévoyait que ces
dernières bénéficient d’une certaine
autonomie.
c) Le
patriotisme, une valeur commune aux deux Etats.
Le patriotisme serait la seule valeur
également partagée par les deux pays dans un contexte de guerre froide. Aux
Etats-Unis l’amour du drapeau est grand et on parle également de fierté
américaine (American pride)
En URSS, le nationalisme présenté
comme soviétique mais essentiellement russe est mis en avant par Staline et
Jdanov pour consolider le régime.
Conclusion : Sur le principe, les références affichées par les deux modèles
sont les mêmes. En est-il de même du point de vue de la réalité et du
fonctionnement des institutions ?
II
…Mais des modèles foncièrement différents.
a) L'un des régimes est démocratique, l'autre pas.
Le système politique américain est un régime présidentiel qui reste
strictement démocratique. Le
chef de l'Etat possède un droit de veto qui lui permet de contrôler en partie
le pouvoir législatif. La Cour est constituée par un
groupe de 9 juges nommés à vie par le Président. Mais il existe des limites aux
pouvoirs du président. Ainsi, la procédure d'impeachment permet au
Congrès de renverser le président en cas de trahison ou de forfaiture. Par
ailleurs, aux E-U, il y a pluripartisme. Deux partis dominent la scène
politique américaine. On parle de bipartisme.
Le parti démocrate fut fondé par Jefferson en 1792. C'est un
caricaturiste républicain, Thomas Nast, qui
représente pour la première fois le parti Démocrate sous la forme d'un âne en
1870.
Le parti républicain fut crée en 1854. Il est représenté depuis 1874 par
un éléphant à la suite d'une caricature faite du général Ulysses
Grant.
Il existe également aux Etats-Unis des candidatures indépendantes, même si elles n'ont aucun poids réel dans les élections.
|
Economie |
Politiques sociales |
Valeurs |
Républicains |
Libéraux |
En
principe, les républicains sont favorables à des réductions des dépenses de
l’Etat dans ce domaine afin d’alléger les impôts. |
Conservateurs.
Les
républicains sont en principe opposés à l’avortement, au mariage homosexuel,
à l’interdiction du port d’armes à feu et à l’abolition de la peine de mort. |
Démocrates |
Libéraux.
En
principe, les démocrates acceptent plus facilement l’idée d’une intervention
de l’Etat dans ce domaine. |
En
principe les démocrates sont favorables au maintien de dépenses de l’Etat
dans la Santé et l’Education. |
Libéraux
-progressistes Les
démocrates sont plus nombreux à être favorables à l’avortement, au mariage homosexuel,
à l’interdiction du port d’armes à feu et à l’abolition de la peine de mort. |
En
URSS, Staline met en place un système totalitaire à parti unique.
C'est le parti qui détient le pouvoir au nom de l'idée selon laquelle le PCUS
est l'avant garde du prolétariat qu'il représente. Le système de listes de
candidats uniques définies par le parti limite l'expression de la souveraineté
populaire.
En
réalité, au sommet du parti, Staline dirige seul. Il est secrétaire
général du PC, président du conseil de ministres et maréchal de l'armée rouge.
Il contrôle toutes les nominations des cadres du parti. Les organisations
politiques sont peu ou rarement réunies : le congrès n'est jamais réuni
entre 1939 et 1952, le comité central est réuni deux fois seulement en
1945 et en 1962. Par ailleurs, sont mis en place des moyens de terreur. Le parti communiste a été
épuré à l'occasion de la grande purge de
1937-1939.Beria dirige le NKGB, qui succède au NKVD. Les opposants politiques sont envoyés dans des goulags.
En outre, se développe un véritable culte
du chef qui déifie véritablement Staline. Par exemple, en 1948 paraît une
biographie abrégée (en plusieurs volumes) de Staline où on peut lire que
Staline est " le plus grand des chefs " et " le plus grand
stratège de tous les temps ".
Enfin, dans la réalité, l’URSS est un Etat
centralisé. Les républiques ont peu de pouvoirs.
Forfaiture
: Crime commis par un fonctionnaire dans
l'exercice de sa fonction.
Conclusion : On peut donc affirmer que le système Stalinien est un
système totalitaire où le fédéralisme et la démocratie ne sont que de façade.
b) Des
logiques économiques opposées.
Le libéralisme, principe selon lequel l'économie se régule seule sans
intervention de l'Etat, est la base du système économique américain. Tandis que
le système économique soviétique repose sur l’étatisation, la planification
et la collectivisation des moyens de production. L'état contrôle également
le commerce extérieur.
Planification : Le système économique est dirigé sur la base de plans
établis par un organisme : le gosplan. Celui-ci définit les besoins de la
population et les productions nécessaires pour les satisfaire. En principe les
plans sont établis pour 5 ans.
Des secteurs importants de l'économie sont nationalisés.
Nationalisation : l'état devient propriétaire des moyens de production.
L'agriculture est collectivisée.
Kolkhoze : coopérative d'exploitation qui reçoit les terres de l'Etat
propriétaire du sol. Le salaire du Kolkhozien dépend du temps de travail et des
revenus du kolkhoze.
Sovkhoze : ferme d'état placée sous l'autorité d'un directeur. Chaque
travailleur reçoit un salaire fixe comme un ouvrier d'usine.
b) Des valeurs spécifiques à chacun des deux modèles.
Les valeurs spécifiques de la société américaine.
La religion
a une place importante dans la société américaine.
Aujourd’hui 80% des américains se disent croyants. Cependant, contrairement à une idée reçue la Constitution
américaine et la Cour Suprême sont les garants d'une véritable séparation de l'Eglise et de l'Etat. Le
mythe américain s'est construit sur la confiance en l'initiative
individuelle et l'esprit de conquête.
«Go west young boy”,
conquête de l'espace," self-made man", image du pionnier.
La
société américaine est en principe multiculturelle, basée sur le mythe du melting pot.
Melting pot : Idée selon laquelle les
immigrants se fondraient dans un creuset assimilateur aux Etats-Unis. Certains
considèrent aujourd’hui que le principe du creuset assimilateur a disparu au
profit d’une simple coexistence des communautés. On parle alors de Salad Bowl.
Les valeurs spécifiques de la société soviétique.
Dans la société soviétique,
l'individu s'efface devant l'intérêt collectif. Par exemple, la jeunesse
est encadrée et endoctrinée dans des structures comme les Komsomols. La liberté de conscience est niée. La religion est considérée comme aliénante. Elle est qualifiée d'opium du peuple. Enfin les
nationalités ne sont pas reconnues et
sont soumises à un processus de
russification. Il y a des déportations dans les républiques où on observe
des résistances. Entre 1940 et 1953,
200 000 baltes sont déportés
III
L’évolution des modèles dans les années 50 et 60, reflet des limites de chacun
d’entre eux.
a) La remise
en cause du Stalinisme et ses limites
Sous Khrouchtchev, la volonté affichée d'en
finir avec le Stalinisme. Le régime devient moins personnel
Les fidèles de Staline (Beria, Malenkov, Molotov) sont d’abord écartés du pouvoir. Des millions de détenus politiques sont libérés. Les institutions politiques
importantes sont réunies plus régulièrement (comité central du PC est réuni 6
fois entre 1953 et 1953).Enfin en 1956, à l'occasion du 20ème congrès du PC, K. lit un rapport où il dénonce les
crimes staliniens et le culte du chef.
Sur le plan socio-économiques, K. souhaite développer l'industrie de consommation et d'équipement.
Il veut augmenter les capacités de logement en URSS. Le temps de travail est
diminué. L'âge de la retraite est abaissé. (55 ans pour les femmes 60 ans pour
les hommes). Il réforme l'éducation en la rendant plus égalitaire.
(Enseignement secondaire gratuit, bourses attribuées selon le niveau de
ressource).En politique étrangère, K renoue avec Tito. Apparaît l'idée selon
laquelle il peut exister plusieurs voies
vers le socialisme.
Mais la rupture avec le modèle soviétique
n’est pas totale. Le parti conserve le
monopole du pouvoir. Il n'y a pas d'extension de la démocratie. La population reste
surveillée. En 1954, le NKGB devient KGB. Les démocraties populaires restent
contrôlées. En 56, des soulèvements éclatent en Pologne et en Hongrie. Gomulka
maintient le principe de démocratie populaire alors qu’Imre Nagy en Hongrie
souhaite abandonner ce modèle. L'insurrection hongroise est donc réprimée par
les chars russes. Imre Nagy se réfugie dans l'ambassade de Yougoslavie, Il n'en
sort que contre la promesse de la liberté. Il est enlevé emprisonné en Roumanie
et condamné à mort en 58 par un tribunal soviétique. La construction du
mur de Berlin
est une autre manifestation de l’effritement de la coexistence pacifique.
Khrouchtchev souhaite que la ville de Berlin soit rattachée à la RDA ou placée
sous le contrôle de l'ONU. Il veut également limiter l’émigration de
nombreux allemands de l’est. Les autorités est allemandes construisent donc un
mur de 113 km de long autour de Berlin Ouest en 1961
K.
rencontre par ailleurs des difficultés. Il échoue sur le plan économique. Il est
confronté à l'opposition de la nomenklatura. Enfin, il recule en 62 à
l'occasion de la crise de Cuba. K. est donc finalement à son tour écarté du
pouvoir en 1964.
Sous son
successeur, Brejnev, on assiste à un renforcement de l'autorité
et l’URSS sombre à nouveau dans l’immobilisme. Les adversaires du régime sont arrêtés. Au sujet des démocraties
populaires, est établie une doctrine Brejnev selon laquelle les démocraties
populaires ont une souveraineté limitée.
La priorité est accordée à l'internationalisme. Au Vietnam et au Cambodge, les
communistes cherchent à étendre le modèle.
Nomenklatura
: Liste des fonctions administratives les plus
importantes dans le système soviétique. Par extension, désigne la classe de
privilégiés.
b)
L’apogée et les doutes du modèle américain.
Dans
les années 50, les Etats-Unis affirment leur modèle sur le plan international.
Les
Etats-Unis prennent la tête des démocraties libérales. (voir « la constitution des
blocs »)
Durant
cette période, la puissance économique
américaine s'affirme également. En 1955, les Etats-Unis réalisent 50% de la
production de biens mondiaux. A cette époque, les E-U connaissent la
prospérité. Le niveau de vie moyen des
américains augmente. En 1960, par exemple, 80 % des familles possèdent déjà
des téléviseurs. C'est à ce moment que se développe l' " American way of life ".
On
assiste au développement de la classe
moyenne, celle des cols blancs
(employés aisés).
Mais le
modèle américain connaît des limites dans les années 50 et 60
Même
si, la Cour Suprême affirme le principe d'égalité de tous les citoyens
américains y compris des minorités et
rend la ségrégation à l'école anticonstitutionnelle en 1954, les pratiques ségrégationnistes ont la vie
dure. En 1955, Martin Luther King est encore obligé d'appeler au boycott
des compagnies de transport qui pratiquent la ségrégation. De même, en 1957, il
faut l'intervention des troupes fédérales pour faire admettre des enfants noirs
dans une école à Little Rock. Les inégalités sociales restent fortes. En
1947, 4 familles sur 5 ont des revenus inférieurs à 5000$ /an.
De
plus, dans le contexte de la guerre froide, les E-U craignent l’ennemi de
l’intérieur. C’est le Maccarthysme. Entre 1950 et 1954, Joseph McCarthy,
sénateur républicain du Wisconsin, organise une véritable "chasse aux
sorcières" prétendument destinée à éliminer le danger communiste de
l'intérieur. Des fonctionnaires, des artistes, des intellectuels font l'objet
d'enquêtes. Les époux Rosenberg sont même exécutés à la suite d'un procès bâclé
pour trahison. La liberté d’opinion principe fondamental de la démocratie
américaine est donc remise en cause.
John
Fitzgerald Kennedy représente alors un espoir.
Il
lance une politique de la " nouvelle frontière ". Il
s’agit d’engager les EU sur la voie de la conquête de l’espace, de la lutte
pour l'égalité des Noirs et des Blancs, de la relance de l'économie, de l'arrêt de l'expansion communiste dans le
monde
Dans le
cadre de cette politique, est proposé un
programme d'assurance médicale pour les personnes âgées ( Medicare), un projet
d'aide à l'instruction et la suppression de la discrimination raciale dans les
lieux publics. En 1961, les agents fédéraux interviennent dans l’Etat du
Mississippi pour permettre l’inscription d’un étudiant noir à l’Université.
Kennedy soutient Martin Luther King, et le rencontre lors de sa marche sur
Washington en 1963.
Mais l’assassinat de Kennedy
en 1963, suivi de ceux en 1968,
du pasteur Martin Luther King et Robert Kennedy, frère et
conseiller du président sèment le doute dans la démocratie américaine. La contestation se
radicalise. L'action des minorités
pour la revendication de leurs droits se radicalise. Ainsi en 1964 des
émeutes éclatent dans 100 villes. Apparaissent alors les Blacks Muslims qui refusent tout contact avec les blancs, le Black
Power de Malcolm X et le Black Panther
Party, créé en 1966 par Bobby Seale et Huey Newton à San Francisco. Les autres minorités se
manifestent également. En 1969, les indiens occupent la prison d'Alcatraz
soutenus par les noirs et les chicanos.
La guerre du Vietnam et le rejet de la société de consommation
sont à l'origine d'une profonde contestation
estudiantine. Dès 1964, éclate la première révolte universitaire à
Berkeley. Des artistes aussi dénoncent la société de consommation. C’est un
aspect du pop art américain dont Andy
Warhol est l’un des chefs de file.
Enfin le leadership
mondial est difficile à maintenir. Johnson
engage officiellement, les Etats-Unis dans le
conflit du Vietnam en 1964. Mais le succès attendu ne vient pas. Les Etats-Unis
s'enlisent. En 1967, on dénombre déjà 15 000 morts américains. L'image des E-U
champion de la liberté et de la paix est ternie. (Ils y ont perdu plus de 50
000 hommes. Le conflit a fait plus de 300 000 blessés et à coûté 150 milliards
de $). Les Etats-Unis redorent leur blason en plaçant le premier homme sur la
lune en juillet 1969.
Conclusion :
Dans
les années 50, pendant l'un des sommets de la guerre froide s'affrontent deux
modèles qui mettent en avant quelques principes communs : la démocratie, le
fédéralisme. Cependant en réalité c'est un véritable système totalitaire qui
est en place sous l'autorité de Staline. Le système politique américain peut
être qualifié de démocratique mais il n'est pas sans connaître quelques lacunes
graves notamment dans le domaine de l'égalité et de certaines libertés
fondamentales pourtant chères aux américains. A l'exception du patriotisme, les
valeurs américaines et soviétiques sont profondément différentes. L'individu et
la religion sont loin d'avoir la même place dans les deux sociétés.
Par la
suite, si Khrouchtchev rompt avec le stalinisme, il n’abandonne pas
les principes de la démocratie populaire et du marxisme-léninisme. La
contestation reste impossible. Ce n’est pas le cas par contre aux EU. Dans les
années 60, les présidents démocrates développent l'intervention de l'Etat pour
compenser avec difficulté certaines limites du modèle. Cela n’empêche pas une
certaine radicalisation de la contestation. Dans ce contexte, troublé par les
assassinats de JFK, MLK et RK, certains américains doutent de leur modèle.