Titre : crimes de guerre, shoah,
génocides violences et crimes de masse. (1939-1945)
Pendant la Seconde Guerre mondiale on observe une réelle volonté de détruire l'adversaire. Cette volonté est le plus souvent idéologique. Elle fait disparaître la distinction entre combattants et non combattants et cherche à exterminer certaines catégories de la population. Pour ce faire, elle mobilise les moyens d'une guerre totale. Hitler engage l’Europe dans cette logique puisqu’il déclare le 30 janvier 1939, dans un discours au Reichstag : " Je veux être à nouveau prophète : si la juiverie financière internationale, en Europe et à l'extérieur, devait parvenir à plonger une fois de plus les nations dans la guerre mondiale, il en résulte non pas la bolchévisation de la terre et donc la victoire de la juiverie, mais l'anéantissement de la race juive en Europe ".
Pb : Pourquoi
peut-on dire que la Seconde Guerre mondiale fut -elle le théâtre de violences
extrêmes ? Comment expliquer la généralisation et l'ampleur de ces violences ? Quels termes faut-ils
utiliser pour les désigner ? Ces termes désignent-ils les mêmes réalités ?
I ... parce ce que le conflit s'inscrit
idéologiquement dans une logique de destruction de l'adversaire ou d'une partie
de la population.
a) Les origines de ces
violences extrêmes dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale.
Pour
des historiens comme George Mosse, la Première Guerre mondiale est déjà la
théâtre de violences de masses perpétrées
contre les combattants et les
populations civiles. Il s'agit notamment de crimes de guerre Les sociétés civiles se seraient en quelque sorte
"accoutumées" à ces phénomènes extrêmes. Cette brutalisations des consciences
serait à l'origine des totalitarisme et des crimes de masse commis en leur
nom. D'autres historiens comme Antoine
Prost contestent cette idée en considérant que les soldats de la Première
Guerre mondiale sont loin d'avoir tous commis des actes de cruauté pendant le
conflit et en relativisant l'influences de ces violences sur les sociétés
civiles de pays en guerre.
Plus
directement, les logiques d'anéantissement sont liées aux principes des
idéologies totalitaires qui éliminent des catégories de population uniquement pour ce qu'elles sont comme
les définit Hannah Arendt. Ainsi, le nazisme est
un fascisme viscéralement raciste.
Dans Mein Kampf (1925-1926), Hitler développe une
théorie basée sur la croyance en
l’inégalité des races, et en la nécessité de libérer pour la race aryenne un espace vital (lebensraum).
Pourtant en janvier 1933, Hitler devient
démocratiquement chancelier. En septembre 35, sont adoptées les lois antisémites de Nuremberg qui
excluent les juifs de certaines professions et limitent les relations
personnelles entre juifs et allemands. En novembre 1938, a lieu la " Nuit
de cristal ".91 Juifs sont tués, 7 500 boutiques sont détruites ainsi que plus d'une centaine de synagogues. Par
ailleurs, 35 000 juifs sont déportés vers les camps de concentration de Dachau, de Sachsenhausen
et de Buchenwald. En 1939 est mis en
place un programme eugéniste
d’extermination des handicapés physiques et mentaux (projet T4). Donc, avant même le début d'une guerre
qualifiée de guerre d'anéantissement,
une logique idéologique d'élimination
est en place.
Camps de concentration : camps où les nazis enferment les opposants et les
individus considérés comme asociaux. Progressivement, les conditions
d’internement et d’exploitation deviennent telles qu’il est de moins en moins
pertinent de distinguer ces camps des camps d’extermination qu'il vaudrait
mieux appeler centres d'assassinat.
Brutalisation : Approximativement "Ensauvagement en
Français" : Désigne la contagion des sociétés des pays belligérants en
temps de paix par des habitudes, des pratiques de violences contractées sur le
champ de bataille lors du premier conflit mondial.
Crime de guerre : ce sont les
violations des lois et des coutumes de la guerre (mauvais traitements infligés
aux prisonniers et aux civils ennemis, exécutions sommaires, travaux
forcés, pillages, destructions ou dévastations sans motifs militaires).
Crime de guerre : mauvais traitements (assassinat, viol, déportation,
pillage, destruction) infligés aux civils "ennemis" et aux
prisonniers de guerre ennemis, alors
que les exigences militaires ne le justifient pas (définition des conventions
de Genève de 1864, 1906, et 1929)
Violences de masse : violences extrêmes exercées à grande échelle contre un grand nombre
de personnes qu’il s’agisse de soldats ou de civils.
b) Elle s’applique en
Pologne envahie en 1939-1940
“La mort d'un homme est une tragédie. La mort d'un
million d'hommes est une statistique.” Attribué à Staline
En
septembre 1939, la conquête de la
Pologne par l'Allemagne devient l’occasion d’une mise en application des
théories nazies concernant l’espace
vital. Les Waffen SS et la Wehrmacht commettent
de nombreuses exactions (humiliations, violences diverses). Les juifs sont
désignés comme untermenshen
(sous-hommes). Ils doivent libérer la terre pour y permettre l'implantation de
colons. Les juifs polonais sont évacués des campagnes et rassemblés dans les ghettos crées dans les villes où les
conditions de vie sont effroyables (surpeuplement, famines, épidémies…). On
retrouve une dimension idéologique
dans les massacres perpétrés lorsque
dans la partie polonaise contrôlée par les soviétiques, le NKVD déporte 1000000 de Polonais et lorsque 28 000
hommes de l'élite polonaise sont
exterminés dans la forêt de Katyn en avril-mai 1940. On peut parler alors de crimes de masse.
Crimes de masse : mises à mort d’une ampleur massive, ordonnées et
organisées par des gouvernements ou des organisations semi-gouvernementales
c) ... avec la'extension du conflit,
les logiques destructrices se généralisent
Le
conflit débute en Asie dès 1937, avec la guerre sino-japonaise. En décembre 1937, est perpétré le massacre de
Nankin. Plusieurs centaines de milliers de Chinois sont massacrés par les
soldats Japonais. Des dizaines de milliers de femmes et enfants sont violés.
L’année 1941 est une date importante dans la
mondialisation du conflit. En juin 1941, l’opération Barbarossa est lancée par Hitler contre l’URSS. Dans
son esprit, il s’agit du véritable début de la
guerre d'anéantissement
contre le judéo-bolchévisme. Au
cours de la tentative d’invasion, 600000 soldats soviétiques sont fusillés au moment même de leur capture. On
estime à 3,3 millions le nombre de prisonniers soviétiques (57% du total des
captifs) morts dans les camps allemands, dont la plus grande partie dès l'hiver
1941-1942. En décembre 1941, l’attaque par les Japonais sans déclaration de
guerre de la base navale de Pearl Harbor provoque
l’entrée en guerre des Etats-Unis. Cette démocratie n’échappe pas à son tour à
la tentation de déshumaniser l’adversaire.
Dès lors, la propagande américaine
assimile les japonais à des singes. L’aviateur Lindberg, coupable
par ailleurs de sympathies pro-nazies note dans un témoignage de juin 44 que les américains ne faisaient pas
toujours de prisonniers japonais en Nouvelle-Guinée. Sur plusieurs milliers de
japonais capturés, 200 seulement survécurent. A Singapour et en Malaisie, les
prisonniers britanniques faits par les japonais sont traités en esclaves.
II …..parce que les moyens employés entraînent des
destructions massives.
a)
A partir de
1941, les nazis engagent une politique d’extermination qui devient
industrielle.
Les
einsatzgruppen (groupes d'intervention , en réalité des
groupes mobiles de tuerie) créés dès 1938, voient leurs actions contre les juifs et les tsiganes
engagées en Pologne prendre une autre dimension avec l’opération Barbarossa à
partir de juin-juillet 1941.La solution finale se met en place. Les einsatzgruppen sont composés de membres des différentes
polices nazies, de Waffen SS, de policiers
auxiliaires baltes et ukrainiens. D’éliminer les juifs et tous ceux
susceptibles de menacer les intérêts nazis, notamment les cadres communistes et
les résistants. Le front de l'est devinet le théâtre
d'une véritable guerre d'anéantissement.
Ils sont responsables de crimes de masse
et de crime contre l'humanité comme
à Babi Yar en Ukraine durant l’automne 41. La plupart des victimes sont fusillées au
bord de fosses qu'elles ont dû creuser (génocide
par balles), d'autres sont brûlées vives comme à Minsk, d'autres encore
sont noyées sur les bords de la mer Noire. A partir de l'automne 1941, les einsatzgruppen
procèdent à des asphyxies par les gaz d'échappement de camions diesels. A
partir de juin juillet 1941, l’anéantissement
systématique se déroule également dans les
camps d'extermination ou plus exactement des centres d’assassinat ou centres de
mise à mort selon l'expression de
l'historien Raoul Hilberg. Il en existe 6, situés en
Pologne (Chelmo, Treblinka, Sobibor, Belzec,
Majdanek, Auschwitz-Birkenau). Dans le cas d’Auschwitz qui est particulier, le
camp se divise en deux parties : un camp
de concentration et un centre
d'extermination (Chambre à gaz (Zyklon B), fours crématoires). Les nazis
cherchent là à accélérer l'extermination. Ainsi à Auschwitz-Birkenau 800 000 à
1000000 personnes ont été gazées. Si on n’est pas tué dés l’arrivée, on
travaille. Primo Levi est exploité par un grand groupe chimique. Les nazis
cherchent à rentabiliser la déportation,
mais la folie meurtrière prime. Tout
est fait pour exploiter, humilier (cheveux rasés, vexations
diverses), affaiblir (peu de
nourriture, absence d’hygiène) puis éliminer
les survivants. Belzec, Chelmno, Sobibor et Treblinka sont uniquement des centres de mise à mort. A partir de 1942, l’anéantissement prend une
dimension européenne. En janvier 42,
lors de la conférence de Wannsee en Allemagne est
décidée la déportation systématique des
juifs d’Europe vers les camps.
Crime contre l'humanité : Assassinat, extermination, réduction en esclavage, déportation,
et tout autre acte inhumain commis
contre toutes populations civiles,
ou bien des persécutions pour des motifs
politiques, raciaux, ou religieux, ayant un caractère systématique et planifié.
b) Les moyens militaires
deviennent colossaux.
La
guerre de masse observée pendant la
première guerre mondiale se confirme de façon amplifiée dans la seconde. Au total 87 millions d'hommes sont
engagés (34,5 millions en URSS, 16,3 aux
États-Unis, 17,9 en Allemagne). L’industrie
et ses modes de productions sont mis à contribution pour renouveler sans cesse
les capacités militaires En mars 41, la loi prêt-bail permet au gouvernement américain de
prêter du matériel de guerre à un Etat dont la défense est nécessaire. Le 6
janvier 42, le Victory Program est mis en
place. En 3 ans, grâce notamment à la standardisation de la
production, les E-U produisent 275 000 avions, 634000 véhicules légers (jeep),
90000 chars et des navires à hauteur de 65 millions de tonneaux. Un quart de
cette production est envoyé aux alliés. On a donc la un aspect de ce qu’on
appelle l’économie de guerre.
Economie de guerre : C'est la mobilisation de tous les moyens d'un
pays (matières premières, capitaux, industrie, agriculture, main
d'œuvre) pour soutenir l'effort de guerre.
La stratégie employée s’inscrit également
dans cette logique d’anéantissement. Ainsi, les bombardements stratégiques apparus pendant la première guerre
mondiale, théorisés dans l’entre-deux guerres se généralisent pendant la
seconde guerre mondiale. Le bombardement de Dresde en février 1945 fait
70 000 victimes. Les 6 et 9 août 1945, les bombardements nucléaires
d’Hiroshima et de Nagasaki font plus de 200000 morts. Dans une logique de guerre totale, ces bombardements visent
à détruire les capacités économiques et les infrastructures de transport de
l’ennemi. Sur le plan psychologique, ils cherchent également à terroriser les
populations. Enfin, en particulier dans
le cas des bombardements nucléaires, ils sont censés hâter la fin du conflit en
limitant les pertes de combattants dans ses rangs. Le Japon capitule le 2
septembre 1945. Pour terminer, il apparaît que les armées peuvent être gagnées
par les logiques destructrices des
idéologies. Ainsi, Omer Bartov dans un ouvrage
très discuté, a démontré combien la Wehrmacht était contaminée par l’idéologie
nazie.
III parce que le bilan humain du conflit est sans
précédent.
a) compte tenu des génocides.
Selon
R. Hilberg, le nombre total de victimes de la shoah
est supérieur à 5.1 millions. Les einsatzgruppen sont
responsables de 1.3 million de
victimes. 3 millions de juifs sont
morts dans les camps d’extermination
et 800 000 juifs n’ont pas
survécu aux conditions de vie effroyable dans le ghetto. Les Tziganes sont également victimes d’un génocide. Selon, les sources ils sont
entre 250000 et 400000 à avoir disparu dans les camps de la mort. En France, au
total, sur 350 000 juifs en France en 1939, 76 000 ont été déportés, 2500 ont
survécu. Les victimes ont surtout été des juifs étrangers (24 000 juifs
français déportés).
Génocide : Terme
créé en 1944 par le juriste Raphaël Lemkin. violence grave commise dans
l'intention de détruire, tout ou partie d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux.
Le
terme Shoah qui signifie catastrophe
en Hébreux est réservé au génocide juif.
b) et du bilan total.
Les génocides contribuent à aggraver un bilan humain extrêmement lourd.
La seconde guerre mondiale fait entre 55 et 60 millions de morts au total. Les
pertes humaines sont plus importantes chez les civils (60 % des pertes) que
parmi les combattants. En France, par contre, le second conflit mondial a fait
6 fois moins de victimes que le premier (600 000 morts).
Conclusion :
La
Seconde Guerre mondiale est l'acmé d'une
logique d'anéantissement qui apparait dès les années 30. Elle s'inscrit
également dans un processus de massification
des violences qui débute au tournant des 19ème - 20ème siècles. Elle se
caractérise par des actes inhumains
dont sont aussi bien victimes des combattants,
des soldats mis hors d'état de se battre
et des civils. Dans ce contexte, des
groupes sont persécutés uniquement pour ce qu'ils sont. La volonté de juger les
coupables a rendu nécessaire la définition de ces crimes. Il convient donc de
distinguer tous ces termes mêmes si les réalités qu'ils désignent se recoupent
parfois partiellement.
Ne pas confondre
|
Victimes |
Nature |
Motif |
Crime de
guerre |
Civils ennemis Prisonniers ennemis
Blessés ennemis |
Mauvais
traitements (assassinat, viol, déportation, pillage,
destruction, travaux forcés) |
Non
justifiés par les exigences militaires |
Crime de
masse |
Un grand
nombre de victimes civiles et/ou militaires Inclut les crimes commis contre des
populations de l'Etat concerné |
Mises à
mort d’une ampleur massive |
Ordonnées et organisées par des gouvernements ou des organisations
semi-gouvernementales |
Violence
de masse |
Un grand
nombre de victimes civiles et/ou militaires Inclut les crimes commis contre des
populations de l'Etat concerné |
Mises à mort
et autres mauvais traitements
(violences, pillage, travail forcé, mauvais traitements) d'une ampleur
massive |
Ordonnées et organisées par des gouvernements ou des organisations
semi-gouvernementales |
Crime
contre l'humanité |
Uniquement des populations civiles (Inclut les actes inhumains commis contre
les populations de l'Etat concerné) |
Tout acte
inhumain (assassinat, extermination, réduction en
esclavage, déportation, persécutions) |
Pour des motifs politiques, raciaux, ou religieux
avec un caractère systématique et planifié. |
Génocide (définition
de Raphaël Lemkin précisée 1948 par l'ONU) |
Groupe
racial, national, ethnique, religieux |
Violences
graves (meurtre, assassinat, extermination, massacre, atteinte grave à
l'intégrité physique ou mentale, soumission
intentionnelle, entrave au naissances, transfert d'enfants) depuis 1994 précision de l'ONU cela
concerne le viol et la torture |
Dans l'intention
de détruire cette catégorie de population |
Shoah (la
catastrophe en hébreu) |
Génocide
des juifs |
Violences
graves (meurtre, assassinat, extermination, massacre, atteinte grave à
l'intégrité physique ou mentale, soumission
intentionnelle, entrave au naissances, transfert d'enfants) |
Dans l'intention
de détruire cette catégorie de population |
Porajmos Samudaripen |
Génocide
des tsiganes |
Violences
graves (meurtre, assassinat, extermination, massacre, atteinte grave à
l'intégrité physique ou mentale, soumission
intentionnelle, entrave au naissances, transfert d'enfants) |
Dans l'intention
de détruire cette catégorie de population |