Révolution néolithique et révolution industrielle.

 

Une révolution désigne une rotation complète d’un corps autour d’un axe ou d’un autre corps mais en sciences humaines, la révolution est un changement radical et brutal de régime, de structure sociale ou de mode de production. Dans la réflexion concernant l’impact de l’homme sur son environnement, on cherche depuis longtemps à déterminer les moments qui ont constitué des ruptures à la suite desquelles les milieux ont été profondément modifiés de la main de l’homme.

 

Les « révolutions néolithiques » et « industrielles » correspondent-elles à ces moments ? Ont-elles eu des conséquences majeures sur l’environnement ? Peut-on véritablement parler de révolution au sujet de ces changements majeurs dans l’histoire de l’humanité ?

 

 

I La « révolution néolithique » …

a)     …est-une transformation profonde des modes de vie et  d’organisation des sociétés humaines.

La « révolution néolithique » est un concept forgé dans les années 20 par l’australien Vere Gordon Childe, à partir du grec neos (nouveau) et lithos (pierre), pour désigner une rupture dans le mode de vie humain, il y a environ 12 000 ans au Proche Orient. A cette occasion, les hommes  réduisent leurs pratiques de prédation pour passer de la chasse à l’élevage et de la cueillette à l’agriculture. Ce phénomène s’accompagne d’une sédentarisation et d’une forte croissance démographique. Alors que dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs nomades, les femmes avaient un enfant tous les trois ans, dans les sociétés agricoles, elles en ont un par an.

 

b)     Elle a des conséquences environnementales. 

En se développant et en exploitant les ressources de son environnement, l’homme transforme son milieu. Il déboise à la hache ou par le brulis. Il domestique et sélectionne les espèces animales. Il en résulte une transformation des espèces végétales et des paysages. La morphologie des animaux évolue avec leur domestication. On parle d’anthropisation.

 

Anthropisation : modification des milieux par l’action de l’homme.

Paysage : portion de l’espace tel que perçu et analysé visuellement.

Ressource : élément présent dans le milieu dont les sociétés peuvent tirer parti pour satisfaire leurs besoins.

 

c)     Mais la notion de Révolution néolithique est discutée.

L’expression « révolution néolithique » est aujourd’hui fortement remise en cause. Les archéologues Jean Guilaine et Jean-Paul Demoule ne parlent plus de rupture, de révolution mais d’un phénomène non linéaire développé dans le temps long. En réalité, cette mutation, a été lente. Elle a duré 7000 ans. Ils lui préfèrent donc le terme néolithisation.

 

Néolithisation : Ensemble des transformations propres au néolithique (apparition de l'agriculture, de l'élevage, de la poterie, sédentarisation, etc.) considéré comme un phénomène lent et discontinu.

 

II…. serait suivie bien après par une  « révolution industrielle »…

a)     Cette dernière est caractérisée par de profondes transformations des modes de production.

La Révolution industrielle est un concept apparu dès la fin du 18ème siècle dans le contexte de la Révolution française pour désigner une période de profonde transformation des méthodes de production. Elle se traduit par un développement rapide de l’industrie et des transports. Cette période est caractérisée par le passage d’une société à dominante agraire et artisanale à une société commerciale et industrielle. Elle commence en Angleterre vers 1780 où le passage du domestic systeme au factory system a permis d’augmenter la production et la productivité en réunissant dans des fabriques la main d’œuvre, les machines, la matière première et l’énergie. Elle se diffuse ensuite en Europe occidentale et en Amérique du Nord. Elle se traduit par le recours à des d’énergies nouvelles, le charbon puis le pétrole et l’électricité  De façon, concomitante, on observe en Europe entame une transition démographique qui se manifeste par une baisse de la mortalité et forte croissance de la population.

 

Domestic system : organisation économique fondée sur le travail à domicile, notamment dans le textile. La main d'œuvre reçoit la matière première à domicile, la transforme sur place, puis la remet à un patron qui se charge de la commercialisation. Les salaires sont souvent inférieurs à ceux pratiqués dans les fabriques.

Factory system : Dans des ateliers industriels sont rassemblés les ouvriers, la matière première et les machines. Ces dernières sont le plus souvent actionnées par une énergie extérieure.

Transition démographique : passage d'un ancien régime démographique caractérisé par une natalité, une mortalité élevées et un accroissement naturel relativement faible à un nouveau régime démographique caractérisé par une natalité et une mortalité faible ( comme aujourd'hui en dans les pays industrialisés) et un accroissement naturel faible. Entre temps, la baisse précoce de la mortalité et le maintien d'une natalité élevée sont à l'origine d'un accroissement naturel élevé.

 

Schéma :

 

b)     …dont  les conséquences sur l’environnement sont perçues  immédiatement.

 

                Dès le 19ème, voire même dès la fin du 18ème siècle, il y a une prise de conscience des conséquences du développement des activités humaines sur l’environnement. Par exemple, dès le 19ème siècle un lien est fait entre le déboisement et la modification du climat local. Les populations perçoivent très vite les conséquences de la pollution. Dans les bassins industriels britanniques vers 1845, 20% des morts de bronchite résultent de la pollution atmosphérique Entre 1840 et 1900, le nombre de Britanniques dont la vie a été écourtée par la pollution de l’air est estimé à environ 1 million. En France, dès 1810, Napoléon 1er légifère au sujet des nuisances en adoptant un décret soumettant l’installation d’industries polluantes à une autorisation administrative. De façon précoce, les paysages urbains et industriels sont perçus comme des repoussoirs. On assiste donc à une forme de sacralisation de la nature dans l’art. Le romantisme valorise les paysages naturels. L’école de Barbizon, ensuite, réhabilite les paysages ruraux.

 

c)     Mais la notion de révolution industrielle et son rapport à l’environnement suscite plusieurs questions.

 

                Peut-on pour commencer parler de révolution industrielle ? Aujourd’hui,cette notion est remise en cause par plusieurs historiens pour plusieurs raisons. Pour commencer, le phénomène ne fut peut-être pas si brutal que le laisse entendre le mot « révolution ». Au 19ème siècle, dans les pays en cours d’industrialisation, la croissance est en moyenne de 2% par an,  ce qui n ‘est finalement pas si rapide en comparaison avec la période précédente. Pour l’historien, Jean-François Jarrige le  phénomène ne s’est pas diffusé de manière rapide et uniforme.

                Par ailleurs, les nouveaux modes de productions n’ont pas remplacés les précédents mais ils s’y sont ajoutés. Par exemple, si on constate que dans la première phase de l'industrialisation, se développe l'usage du charbon et dans la seconde phase apparaissent l'essence, le diesel et l'électricité, la force hydraulique reste majoritaire dans l'énergie consommée jusqu'en 1880. Ce que nous présentons souvent comme des innovations majeures ne sont que des améliorations, soit l'aboutissement d'un long processus d'amélioration technique. C'est le cas par exemple de la machine à vapeur. L’importance de cette dernière dans cette évolution est  d’ailleurs également relativisée par les historiens de l’économie. L'industrialisation serait donc un processus long et continu. Pour toutes ces raisons, certains historiens préfèrent parler d’industrialisation que de révolution industrielle.

                Il est démontré scientifiquement que l’augmentation des teneurs en CO² de l’atmosphère débute au 19ème siècle avec l’industrialisation, mais pour certains spécialistes, c’est surtout à partir de 1945, que la pression des activités humaines sur les milieux augmente. Le chimiste américain Will Steffen évoque « une grande accélération » à partir de 1950.

 

Industrialisation : « …ensemble complexe, comprenant une croissance économique, une augmentation de la part de la production industrielle, un développement du machinisme et des changements sur l'organisation du travail ». Patrick Verley.

 

Conclusion : Désormais, les archéologues et les historiens sont plus nuancés lorsqu’il s’agit d’évaluer la rapidité avec laquelle la néolithisation et l’industrialisation se sont produites. Cependant, il est indéniable qu’à plusieurs reprises l’histoire de l’humanité a connu des transformations profondes des modes de vie et de production. Il’ s’agit de changements suffisamment importants pour transformer l’environnement. Désormais, l’homme semble même en mesure d’en modifier le fonctionnement. Il le constate à ses dépends. Dans un contexte de réchauffement climatique avéré, certains diront Il « n’y a plus de saisons » et pourtant,  la terre tourne toujours sur son axe et autour du soleil.

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