Le patrimoine, facteur de rayonnement culturel de la France dans le monde et objet d’action diplomatique (un exemple

du patrimoine immatériel : le repas gastronomique des Français).

 

Au Congrès de Vienne où s'est joué l'avenir de la France dans le nouvel ordre européen hérité de la défaite de Napoléon, le diplomate Talleyrand aurait déclaré : "Donnez-moi de bons cuisiniers, je vous ferai de bons traités".

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Aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation culturelle et de la malbouffe, la gastronomie contribue-t-elle à la puissance de la France ?

 

I La gastronomie française est une identité...

a) qui s'est construite progressivement.

 

 La gastronomie française est un héritage. On connait  les enjeux des repas fastueux sous l'Ancien Régime. Vatel se suicide parce que le poisson n'arrive pas à temps pour le repas de "réconciliation" que Condé sert à Louis XIV et à sa court. Sous l'Empire, Antonin Carême, devient le cuisinier de Talleyrand. Ce dernier reçoit beaucoup pour ses négociations diplomatiques, le met au défit de réaliser un menu différent pour tous les jours de l'année. Ce fut le premier cuisinier à prendre le titre de chef. Il laisse un ouvrage de référence : Le Cuisinier Parisien ou l'art de la cuisine Française. C'est aussi au début du 19 siècle que l'art de la table est progressivement codifié. Nait ainsi un véritable savoir-faire gastronomique. A partir de 1803,  Grimod de la Reynière commence à publier  L'Almanach des gourmands. Celui-ci commence alors à se diffuser en Europe et dans le monde.

Le repas français se doit de commencer par un apéritif et se terminer par un digestif  avec entre les deux au moins quatre plats  (une entrée , du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert.

 

Gastronomie : ensemble des connaissances se rapportant à la cuisine , à l'organisation des repas ainsi qu'à la dégustation des mets.

 

b) Elle est désormais reconnue.

Le 16 novembre 2010, à l'initiative du président Nicolas Sarkozy, le comité intergouvernemental de l'UNESCO a décidé d'inscrire le repas gastronomique des français au patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Il s'agit alors moins de conserver des recettes et de valoriser des produits que de reconnaitre une pratique sociale.  La France est ainsi devenue le premier pays à inscrire la gastronomie au patrimoine culturel immatériel mondial. C'est une façon pour la France de défendre sa gastronome et entretenir l'exception culturelle française.

 

Exception culturelle : expression française non inscrite dans le droit international, destinée à défendre les spécificités culturelles de la France qui n'assimile pas ses productions culturelles à des services. Pour associer à ce concept le Québec ou des pays émergents, on lui préfère parfois l'expression diversité culturelle.

 

Patrimoine culturel immatériel :

En 2003 : les Etats membres de l'UNESCO adoptent la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel  ou patrimoine vivant constitué de traditions de savoir-faire , pratiques sociales ou événements festifs.

 

Repas gastronomique : "pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles. Il s'agit d'un repas festif  dont les convives pratiquent, pour cette occasion, l'art du "bien manger" et du bien boire. Le repas gastronomique met l'accent sur le fait d'être bien ensemble, le plaisir du goût, l'harmonie entre les êtres humains". [UNESCO]

 

Gastronomie : ensemble des connaissances se rapportant à la cuisine, à l'organisation des repas ainsi qu'à la dégustation des mets

 

 

II Elle est utilisée en diplomatie

a) C'est un outil au service des affaires étrangères.

 

Les repas officiels sont des enjeux diplomatiques. Le menu permet de rappeler l'ancienneté d'une culture, voire d'une civilisation. Il en montre le raffinement et la richesse.  Il sert aussi de message que les responsables du protocole ont tôt fit de décoder. Des mets et des boissons biens choisis peuvent faciliter les échanges et aider à conclure un accord. La politologue Johanna Mendelson-Forman parle à ce sujet de diplomatie culinaire. 

 

Diplomatie culinaire : utilisation de la gastronomie dans un cadre diplomatique, visant à faciliter les échanges en vue  de l'obtention d'un accord entre les parties.

 

b) Mais les menus peuvent aussi être à l'origine d'incidents diplomatiques.

Ainsi en avril 1999, la visite en France du Président Iranien Ratami a été annulée à la dernière minute car les iraniens exigeaient que le vin disparaisse de la table. Des boissons non alcoolisées avaient pourtant étaient prévues par le protocole. Le 22 janvier 2004, le vin reste sur la table du repas officiel offert par l'Elysée aux responsables iranien. Cela est perçu comme une petite victoire par diplomatique française. En 2016, c'est pour les mêmes raisons que le dirigeant iranien Hassan Rohani renonce au repas officiel. Mais cela n'empêche pas de fructueuses négociations avec François Hollande.

 

III et elle  contribue au rayonnement de la France

a) Un aspect du rayonnement culturel français.

Au même titre que les musées, les parcs naturels, la gastronomie participe au rayonnement culturel de la France dans  le monde. Il contribue à  son  soft power. Pour illustrer cette volonté des autorités françaises d'utiliser la gastronomie pour  renforcer l'influence du pays dans le monde, on peut rappeler qu'en 2015, les ministères des Affaires étrangères, de la Culture, de l'Agriculture, de l'Economie et des Finances ont lancé conjointement l'opération "goût de france /good France". Ce genre d'exemple permet à Johanna Mendelson-Forman de parler de gastro-diplomatie  .

 

Gastro-diplomatie : utilisation de la gastronomie comme une marque au service de la politique nationale  stratégie d'un Etat visant à utiliser sa gastronomie comme un élément  de puissance dans le cadre des relations avec les autres Etats.

Soft power : concept définit par le politologue Joseph Nye. Il renvoie à la capacité d'influence et de persuasion d'un Etat au moyen de pratiques qui ne relèvent pas de la contrainte.

 

 

b) son poids économique est loin d'être négligeable.

Comme les autres éléments du patrimoine français, la gastronomie est attractive. Elle contribue à faire de la France, jusqu' à l'épidémie de Covid, la première destination touristique au monde avec 90 millions de visiteurs en 2018. Par ailleurs, les filières agro-alimentaires françaises représentent 160 milliards de chiffre d'affaire (2015). Ce sont des éléments importants des négociations avec les puissances économiques mondiales. Par exemple, en 2015,l'accueil du chef d'Etat chinois a été l'occasion d'obtenir des licences d'importation pour les charcuteries françaises. Ce n'est pas non plus un hasard si Donald Trump a décidé en 2020 de surtaxer de 100% l'équivalent de 2.4 milliards de dollars de produits français en représailles d'une imposition par la France de 3% sur toutes les entreprises du numériques.

 

Conclusion : Aujourd'hui, la gastronomie reste un outil de la diplomatie française. Elle est reconnue mondialement. Elle lui permet d'entretenir des relations diplomatiques et elle contribue à son rayonnement. Cependant, la mise en avant de cet aspect de la culture française a de quoi rester perplexe. La France mise-t-elle sur la gastronomie quand sa puissance s'affaiblit par ailleurs ?