Les génocides dans la littérature et le cinéma.
A partir d’une œuvre théâtrale, le Diptyque Mémoire &
Résistance par le Cri Dévôt et le metteur en scène
Camille Daloz et d’un film,
Le Temps du
Ghetto de Frédéric Rossif
1961.
Réflexion sur la représentation du génocide et sur le
statut du témoignage mémoriel.
« La caméra peut-elle saisir le lent cheminement qui
fait qu’un homme revit aujourd’hui 1943 autrement qu’il ne l’a vécu alors, nous
faisant sentir que la vérité se perçoit en profondeur dans l’ordre du
temporel ? » Paul Vidal-Naquet
« Réfléchir sur l’introduction de
l’enquête orale en histoire n’est pas seulement débattre de méthodologie, mais
s’interroger sur l’évolution des rapports que notre société entretient avec son
passé »
Philippe Joutard
A la suite de la Seconde Guerre mondiale,
plusieurs régimes mémoriels se
succèdent. On désigne par régime
mémoriel, les formes de représentations qui dominent à un moment donné dans
les mémoires. Le premier régime mémoriel
se caractérise par la mise au second
plan de la mémoire des génocides,
face à l'exaltation de la résistance
(résistancialisme) et à la mémoire honteuse de la collaboration. Dans un second temps, à
partir des années 60, la parole se libère sur la question du
génocide tandis que le rôle de Vichy
dans le crime de masse et la collaboration est mieux éclairé grâce au travail des historiens. Aujourd'hui, si
des travaux restent à faire sur la question, c'est surtout le déséquilibre dans les représentations des génocides qui est
flagrant.
Très tôt une question fondamentale se pose
face à l'horreur vécue par les victimes de génocides : comment évoquer et
représenter ce drame ? Des 1945-1948, les auteurs donnent plusieurs réponses à
cette question. Mais on peut se demander si l'évocation du génocide dans la
littérature et le cinéma a évolué de la
même façon et dans le même temps que la mémoire collective et les
représentations ? On peut aussi s'interroger sur l'éventuelle influence de
l'art sur la représentation des génocides dans la mémoire collective.
I 1939-1945, l'urgence
de transmettre ...
a)
... pour survivre et résister pendant la guerre.
Pendant la Seconde Guerre mondiale,
l'écriture est un moyen de survie et
parfois un acte de résistance. C'est ainsi que des membres du sonderkommando
d'Auschwitz ont rédigé des textes parfois poétiques, qu'ils ont ensuite enfouis
aux abords de l'un des fours crématoires.
Il s'agissait de faire savoir ce dont ils étaient témoins. Dans les
camps, les déportés cherchent les moyens de transmettre à l'extérieur ce qu'ils
vivent. Ce sont aussi des membres des sonderkommando
qui ont pris et transmis les seules
photographies des chambres à gaz prises avant la libération des camps. En
Pologne, l’historien Emmanuel Ringelblum,
débute en 1943, un travail de collection
d’archives destiné à témoigner de la vie dans le ghetto de Varsovie sous la
domination nazie. Ces documents sont ensuite cachés.
En
France, dès 1943, Isaac Schneersohn crée à Grenoble le Centre de Documentation
Juive Contemporaine (CDJC) pour documenter les crimes commis par les nazis. Sa
mission est de rassembler des documents concernant que le crime que les nazis
sont alors en train de commettre. En 1943, Yitskhok
Katzenelson , rescapé du ghetto de Varsovie écrit un recueil de poésie
en Yiddish , Le chant du peuple assassiné
avant d 'être déporté à Auschwitz. Déportée à l'âge de 14 ans Ana Novac parvient à rédiger un journal malgré ses
transferts d'un camp à l'autre à travers la Pologne et la Tchécoslovaquie. Le
maitre de conférence Ophyr
Lévy nous apprend que dès 1943-1944, le cinéaste André de Toth évoqué la
question du génocide dans un film de fiction intitulé None Shall Escape.
b) pour témoigner ensuite.
A la libération des camps, les alliés filment
ce qu'ils découvrent dans les camps qu'ils libèrent. C'est ainsi que les
soviétiques filment le camp d'Auschwitz. Là, les survivants sont dans un tel
état d'affaiblissement qu'ils ne manifestent aucune réaction. Les cinéastes
soviétiques ont donc fait jouer certaines scènes de liesse quelques jours après
l'ouverture du camp. Ces images sont
diffusées au cinéma dans les actualités cinématographiques, comme le
rappelle l’historienne Claudine Drame. Elles sont ensuite utilisées au
procès de Nuremberg. Elles servent aussi à la dénazification des consciences en
Allemagne après la guerre. Pour finir, elles constituent des documents d'archives largement
utilisées par les documentaristes par la suite.
Certains survivants ont encore la volonté de
témoigner. Certaines œuvres s'inscrivent dans cette urgence. Une véritable littérature
du témoignage apparaît. Dès la fin de la guerre, en 1947, le père d'Anne Franck,
seul rescapé de la famille, fait publier le journal intime de sa fille au
Pays-Bas Il connait rapidement une diffusion internationale. Le partisan
italien d'origine juive Primo Levi déporté à Auschwitz publie la
première édition de Si c'est un homme en 1947. La polonaise Wanda Jakubowska, ancienne déportée, utilise, elle le cinéma.
Dans, La dernière étape. Elle a rassemblé
des camarades de détention pour reconstituer in situ la vie du camp. Malgré le réalisme des expériences et du
cadre, elle fait le choix de la fiction pour représenter les camps en y
inscrivant une histoire d'amour
jugée comme improbable par certains critiques. Ce film connait un certain
succès à sa diffusion en France en 1948. Dans ces conditions, le "grand
silence" évoqué par Annette Wieviorka n'est pas total comme le souligne le
philosophe François Azouvi.
Cependant, des années après, des survivants
comme Madame Kolinka ont dit le mal qu'ils ont
eu à témoigner après la guerre, à la libération. Les
témoignages existent qui évoquent les difficultés à exprimer la réalité de ce
que fut le génocide pendant la Seconde Guerre mondiale. Certains ont alors
fait le choix de se taire. Cela peut s'expliquer de différentes façons. A la
fin de la Seconde Guerre mondiale, la réception de ce passé semble difficile
dans une opinion publique toute à la
joie de la libération. Les survivants ont souvent le sentiment que ce
qu'ils ont vécu est intransmissible.
Il existe également chez eux un sentiment douloureux qui est celui d'avoir
survécu alors que certains n'en sont pas revenus. On parle parfois à ce sujet
de complexe du survivant. Cependant
malgré tout dès la fin des années, des associations de rescapés demandent que
le génocide soit reconnu. A la même époque, les Tsiganes survivants de la
déportation et du génocide témoignent peu. Pour les uns parce qu'ils ne le
souhaitent pas, pour les autres parce qu'on leur en donne pas la possibilité.
II 1950-1970 :
l'affirmation progressive du récit sur le génocide juif et l'évolution des
représentations.
a)
L'évolution du régime mémoriel...
Cette période est une charnière dans l'évolution
du récit sur le génocide. Pour commencer, s'amorce un processus de mémorialisation du génocide. En 1954 est établie
officiellement une "journée nationale du souvenir des victimes
et des héros de la déportation". L'intitulé de cette journée ne distingue pas alors les victimes de la
déportation politique de celle de la déportation raciale. Mais dans les années qui suivent, en
particulier en 1960-1961, On observe une
prise de conscience de la particularité
du génocide juif. D'une part, cela
s'explique par les travaux de
l'historien Raoul Hilberg qui publie en
1961 la première synthèse universitaire sur la Shoah. Il propose d'ailleurs à
cette occasion un bilan chiffré rigoureusement établi du nombre de victime du
génocide. D’autre part, cela est lié au
procès Eichmann. En 1960, Adolf Eichmann ancien responsable nazi est
exfiltré d'Argentine par des agents du Mossad,
les services secrets israéliens. Son procès
qui suit à Jérusalem en 1961 est un moment extrêmement important dans l'histoire
et la mémoire du génocide. Il pose la question de la " banalité du mal " selon
l'expression polémique de la philosophe Hannah
Arendt. A l'occasion des débats comme à Nuremberg de nombreux documents sont produits mais également de nombreux témoignages
sont recueillis Cela constitue pour l'historienne Annette Wieviorka une nouveauté. Le film Le temps du Ghetto sort
avant le jugement d’Adolf Eichmann. Comme l’écrit l’historienne Claudine
Drame, le film et le procès ont de
commun de montrer la particularité, la singularité du crime de masse
perpétré par les nazis contre les juifs.
b) ...est-elle accompagnée par celle des
œuvres littéraires et cinématographique ?
« La distinction
entre histoire et mémoire est maintenant clairement définie pour les
historiens. Alors que l’histoire est une reconstruction intellectuelle de faits
révolus, qui appartiennent au passé, la
mémoire elle, est un phénomène toujours présent. Tout en se référent aux
mêmes faits, la mémoire continue à leur donner vie ». Claudine Drame
Même s'il ne s'agit pas de la période où les
œuvres sur le sujet sont les plus nombreuses, la littérature testimoniale ne disparait pas pour autant. En 1955, Elie
Wiesel publie en Yiddish La nuit.
En 1959, Le dernier des justes d'André Schwartz-Bart, reçoit
le prix Goncourt. Il en est de même en 1962
pour Les bagages de sable d'Anna Langfus
qui avait publié précédemment Le sel et
le soufre. Si c'est un homme de Primo Levi est traduit pour la première
fois en français en 1961.
Retrouvés en 1946 et en 1950, les archives
réunies par Emmanuel Ringelblum, font l’objet de deux
adaptations en 1950 et en 1959. C’est ainsi que La chronique du Ghetto de
Varsovie ou Journal d’Emmanuel Ringelblum publiée
aux Editions Robert Laffont en 1959 sert à la documentation de Frédéric Rossif
pour construire son film Le temps du
Ghetto. Enfin, le journal d'Ana
Novac est publié en en 1968 sous le titre Les
beaux jours de ma jeunesse (je vous le conseille-ndr).
En 1952, Robert Merle
publie La mort est mon métier. Il s'agit pour la première fois d'une fiction sur le sujet
inspirée de la vie de Rudolf Franz Hoess, commandant
du camp d'Auschwitz. La question du
recours à la fiction pour évoquer le génocide se pose aussi au cinéma. En
1955, le cinéaste Alain Resnais répond à une commande du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre
mondiale et réalise le documentaire Nuit et Brouillard. Il s'appuie
alors sur la littérature et notamment le texte rédigé par Jean Cayrol,
lui-même ancien déporté politique
dans le camp de concentration de Mathausen en Autriche. Il mobilise un grand nombre de
documents d'archives mais aussi parfois des extraits de fictions ou de
reconstitutions. Il utilise notamment des images de La dernière étape. Il convient de noter que le film entretient la confusion, classique à l'époque, entre déportation politique et déportation
raciale. De ce point de vue l'oeuvre est le reflet des représentations qui dominent dans
les esprits à l'époque. Comme l'illustre le titre choisi puisque "Nacht und nebel" est l'expression utilisée par les
directives nazies visant à réprimer toute forme de résistance à l'armée
allemande. Dans le film, le mot juif n'est prononcé qu'une seule fois par le
comédien Michel Bouquet qui lit le texte de Jean Cayrol. Pour
finir, à la demande de la censure
française, Alain Resnais masque sur une image la présence d'un gendarme
français gardant le camp de Pithiviers. La mémoire de la collaboration reste
une mémoire honteuse que l'on préfère cacher. Ce documentaire est longtemps
resté la référence sur la question. Des générations d'écoliers ont construit
leurs représentations sur ce que fut le génocide sur la base des images de ce
film même si la réalité décrite comporte quelques ambigüités.
Cinq ans plus tard, dans le contexte du
procès Eichmann, quand la mémoire du génocide juif est un peu plus mise en
avant, quatre films évoquant le sujet
sortent sur les écrans : Kapo de Gillo
Pontecorvo en 1960, Eichmann, l’homme du Troisième Reich, un documentaire du réalisateur Allemand Erwin Leiser (juin 1961), Le
Temps du ghetto un document de Frédéric
Rossif. Ces œuvres sont au cœur d'une polémique
sur la représentation du génocide au cinéma. Alors que le critique Jacques
Rivette qualifie d'"abjectes"
les choix de mise en scène de Gillo Pontecorvo (à voir la conférence d’Antoine de Baecque
notamment la 23ème min.) , dont il considère qu'il s'agit
d'une esthétisation du mal absolu, Armand
Gatti, fait lui le choix de la
fiction. Il réalise L'enclos. C'est
le récit d'un duel imposé à deux déportés par leurs bourreaux. Frédéric
Rossif fait lui des choix très
audacieux pour réaliser son documentaire.
Par exemple, il décide d’incorporer dans son film des images du ghetto de Varsovie tournées par les nazis pendant la guerre à
des fins de propagande. Il les détourne de leurs fonctions mais certains
critiques ont interrogé ce choix d’utiliser les films produits par les
bourreaux. L’autre originalité réside dans le dispositif mis en place par Frédéric Rossif pour faire intervenir
les témoins. Après les avoir trouvé au moyen d’annonces dans la presse, il les
interroge, enregistre puis il retranscrit leurs propos. Il sélectionne ensuite
certains passages et, au moment du tournage, il demande aux témoins d’exprimer
au présent ce qu’ils ressentaient au moment des faits, ce qu’ils en retenaient.
A l’écran ce sont les visages des témoins qui sont mis en avant sur fond sombre
en noir et blanc comme les images d’archives. En ramenant le passé dans le
présent, ll mène une réflexion sur le témoignage et les mémoires individuelles qui sont des
interprétations isolées d’un passé reconstitué. Mais certains lui ont
reproché l’aspect artificiel obtenus.
III 1980-nos jours :
face au danger de la falsification : la multiplication des œuvres et des
témoignages.
a) Dans les années 80, la
menace du mensonge provoque la multiplication des témoignages et des œuvres
« Historiens à
vos micro ! » Philippe Joutard, 1979.
Dans un contexte où des collaborateurs ont
bénéficié de lois d'amnistie, les maréchalistes
commencent à développer l'idée selon laquelle Pétain aurait été le bouclier
permettant de protéger la France pendant la guerre et de réduire ses
souffrances sous l'occupation, tandis que De Gaulle aurait été l'épée. Plus
grave encore, à la fin des années 70 et dans le courant des années 80,
commencent à être développées des thèses
négationnistes. Les négationnistes comme Robert Faurisson
remettent en cause l'existence des chambres à gaz en développant une forme d'hyper-criticisme : le révisionnisme. Il s’agit en réalité
d’une falsification de l’Histoire.
Face à cette menace, un certain nombre de déportés qui s'étaient tus
jusqu'alors font le choix de témoigner
notamment dans les écoles. C'est l'ère
du témoin, selon l’expression d’Annette Wieviorka. Le nombre de publications connaît une
augmentation à partir du milieu des années 70. D'anciens témoignages sont
réédités et de nouveaux sont publiés. Les oeuvres de
fiction deviennent plus nombreuses. En 1978, le feuilleton télévisé américain Holocauste connaît un succès aux
Etats-Unis (120 millions de téléspectateurs) et dans le monde.
Ce processus est accompagné par le travail du
réalisateur Claude Lanzmann. En
1985, il réalise "Shoah". Il fait alors le choix radical de
n'utiliser que des images contemporaines
filmées par ses soins pour accompagner le propos des témoins. Par ce
procédé, en interrogeant des victimes et des bourreaux, il ne peut ainsi être
accusé d'approximation et de
manipulation. Pour lui, il s'agit du
seul moyen de représenter honnêtement ce passé
"intransmissible".
Dans les années 80, avec les travaux de l’Institut d’Histoire du Temps Présent,
l’utilisation du témoignage en histoire se développe.
Le
négationnisme
: théorie qui nie l'existence du génocide en utilisant la méthode du
révisionnisme. Il s'agit en réalité d'une falsification de l'Histoire. Réfutée
par les historiens, elle est passible de poursuite devant la justice (loi Gayssot, 1990).
Shoah : mot hébreux
signifiant catastrophe. Ce terme qui se développe dans les années 80 désigne
l'extermination des juifs d'Europe, permet d'insister sur la spécificité du
génocide juif.
Maréchalisme : fidélité à la
personne de Pétain et à son image de « sauveur de la France ».
b)
Dans les années 90-2000, se développe une véritable politique mémorielle concernant le génocide juif.
A partir des années 90 se développe en France
une politique mémorielle destinée à empêcher l'oubli. En 1993, après l’échec de la commémoration de la Rafle du
Vel d’Hiv’ en 1992, François Mitterrand établit une "journée nationale à la mémoire des victimes
des persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de fait dite
'Gouvernement de l’Etat français " fixée au 16 juillet. En 1995,
Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de l’Etat français dans le génocide
juif. Si les 50 ans de la libération du Camps d'Auschwitz n'ont pas fait
l'objet d'une commémoration particulière, les 60 ans par contre sont l'occasion
d'une diffusion d'une grande quantité de témoignages ou d'œuvres sur cette
question. En 2000 est mise en place une fondation
pour la Mémoire de la Shoah présidée Madame Simone Veil qui fut elle-même
déportée. Les cérémonies et les lieux de mémoire se multiplient. L'expression, devoir de mémoire se
généralise. Dans ce contexte l'historien, Denis Peschanski
parle désormais de mémorialisation de la Shoah.
c)
Les œuvres sur le sujet se multiplient et se diversifient.
« J’ai toujours
pensé qu’on ne pouvait pas tourner dans un camp de concentration. Comment
montrer le camp d’Auschwitz
? » Véra Belmont réalisatrice du film Les secrets de mon père, 2022.
« Comment [Steven
Spielberg] peut-il dire ce qu’a été l’Holocauste en racontant l’histoire d’un
Allemand qui a sauvé 1 300 juifs, puisque la majorité écrasante des juifs n’a
pas été sauvée ? […] L’Holocauste est d’abord unique en ceci qu’il édifie
autour de lui, en un cercle de flammes, la limite à ne pas franchir parce qu’un
certain absolu d’horreur est intransmissible : prétendre le faire, c’est se
rendre coupable de la transgression la plus grave. La fiction est une
transgression, je pense profondément qu’il y a un interdit de la
représentation. » ? Claude Lanzmann dans le
journal Le Monde en 1994 au sujet de
Steven Spielberg- La Liste de Schindler.
Avec les générations suivantes, celle des
enfants de déportés et des enfants cachés, on observe une diversification des
formes choisies pour évoquer le sujet en littérature et dans le cinéma. Georges
Perec, mêle autobiographie et fiction dans le roman W ou le souvenir d'enfance. Art
Spiegelman publie de 1981 à 1990 les volumes de
la bande dessinée Maus Il y raconte l'histoire de
son père juif rescapé du ghetto de Varsovie et d'Auschwitz. En 2012 Ivan Jablonka publie Histoire
des grands-parents que je n'ai pas eu. Dans cet ouvrage l'auteur fait le récit de la
déportation d'une partie de sa famille polonaise à travers ses recherches et
ses voyages. En 2009, Yannick Haenel fait dans un roman le récit de la
tentative de Jan Karski, résistant polonais
qui pendant la Seconde Guerre mondiale a tenté d'alerter la communauté
internationale sur ce qui se passait dans le ghetto et les camps
Au
cinéma, les œuvres de fiction concernant le génocide juif se multiplient. On
peut citer à ce sujet La Liste de
Schindler (1993) par exemple de Steven Spielberg. Claude Lanzmann lui reproche d'ailleurs ce choix de support.
Mais il faut savoir que par ailleurs, Steven Spielberg a crée une fondation qui filme et archive le plus grand nombre possible de
témoignages. Ce fond est aujourd'hui précieux pour le travail des historiens.
Une autre fiction a suscité la polémique. Il s'agit du film La vie est belle de Roberto Benini (1997). Il s'agit d'une fable qui pose la
question de savoir s'il est possible de
rire avec ce sujet même si cela est fait avec poésie. En 2002 Le
pianiste de Roman Polanski connaît un grand succès. Le fils de Saül (2015) de Laszlo Nemes, est la dernière fiction sur le sujet à ce jour.
Depuis peu, c’est le cinéma d’animation qui s’empare du sujet : Où est Anne Frank !. d’Ari Folman (2021), Les secrets de mon père
de Véra Belmont
(2022) adaptation de la BD de Michel Kichka, Deuxième génération, ce que je n’ai pas
dit à mon père (2012).
Devoir de mémoire : obligation morale de
se souvenir d'un événement historique et de ses victimes afin d'empêcher qu'il
ne se reproduise.
d)
...tandis que le génocide Tzigane reste au second plan.
Entre
250 000 et 500 000 tsiganes ont été
exterminés
par les nazis. Mais pendant près de 60 ans, ces victimes ont été ignorées par
la justice, la presse et les historiens. On peut donc parler au sujet de ce
génocide d'un véritable silence. Peu
d'œuvres évoquent la question. Il existe cependant des exceptions. A partir de 1988, Ceija
Stojka, rom rescapée des camps, commence à
témoigner à travers ses livres et sa peinture. En 2010 le réalisateur Tony Gatlif propose un film Liberté qui évoque la place
des Tziganes dans la France occupée.
Désormais, le travail de plusieurs historiens permet de rappeler l’existence en
France de camps où des Tziganes ont été internés comme à Lannemezan ou à
Rivesaltes. Une proposition de loi
pour la reconnaissance du génocide tsigane (Porajmos ou Samudaripen)
a été déposée en 2012. Cependant, elle n’a pas encore été votée. Malgré tout,
les stèles ou les monuments commémorant le génocide ou la déportation tsigane
sont désormais plus nombreux comme à Berlin ou à Rivesaltes.
Porajmos : dérivé du verbe " dévorer" en
romani langue tzigane. Introduit par le
linguiste britannique Ian Hancock dans les années 90 pour désigner le génocide
de Tsiganes.
Samudaripen : " Meurtre de masse",
terme romani désignant les persécutions et le génocide des Tsiganes, forgé par
le linguiste français Marcel Courthiade.
Conclusion :
Finalement, la littérature et le cinéma sont
le reflet de l'évolution de l'importance prise par la question des génocides
dans l'opinion publique française. Les représentations prennent d'ailleurs des
formes très différentes, de la fiction au témoignage en passant par le
documentaire et éventuellement la poésie. Ce sont des réalités plus complexes
qui sont progressivement représentées.