La construction d’une justice pénale internationale face aux crimes de masse : le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).

En 1991, débute en Yougoslavie des conflits ethniques ou conflits de nationalités qui opposent les différentes nations qui constituent la Yougoslavie. A l’occasion de ces conflits, de nombreux crimes de masse sont perpétrés. Au total, ce conflit a fait près de 140 000 morts parmi lesquels figurent de nombreux civils.

A  l’issue du conflit, les responsables de ces crimes sont-ils jugés ? Si oui, selon quelles modalités et avec quel succès ?

I Les crimes commis pendant la guerre en ex-Yougoslavie…

a)     Le contexte,

« La Yougoslavie a six républiques, cinq nations, quatre langues, trois religions, deux alphabets et un seul parti » Tito.  

Dans la Yougoslavie communiste de Tito et dans le contexte de la guerre froide, les revendications nationalistes et de tensions identitaires sont en quelque sorte gelées. Après la mort de Tito en 1980, on assiste à un regain des mouvements nationalistes. En 1991 au moment de l’effondrement du bloc communiste, la Yougoslavie est un Etat fédéral, constitué de  six républiques  (Slovénie, Croatie, Bosnie, Serbie, Monténégro, Macédoine et de deux provinces autonomes rattachées à la Serbie (la Voïvodine et le Kosovo).

Nationalisme : idéologie politique qui fait de la nation la valeur première. 

b)     Les guerres et leurs conséquences

Mais tour à tour, la Slovénie, la Croatie, la Macédoine (1991), puis la Bosnie (1992) proclament leur indépendance. La Serbie ne l’accepte pas au nom du principe d’une « Grande Serbie ». La guerre est déclenchée en 1991. L’Union européenne se révèle incapable d’intervenir directement dans ce conflit situé pourtant dans sa périphérie proche. Les Européens sont divisés sur la question. La France tarde à condamner la Serbie tandis que l’Allemagne veut soutenir la Slovénie et la Croatie. En 1992, l’ONU essaye de faire respecter un cesser le Feu et envoie la FORPRONU pour protéger la population. Mais cela n’empêche  pas les Serbes de procéder à un nettoyage ethnique comme à Srebrenica en juillet 1995. 8000 hommes et garçons musulmans sont tués par les hommes du général serbe  Ratko Mladic. D’une manière générale de nombreux crimes de masses sont commis déplacements forcées nettoyage ethnique, viols de masse, assassinats de civils. Durant le siège de Sarajevo 10000 civils sont victimes de sniper serbes. L’impuissance de l’UE et de l’ONU  rend nécessaire l’intervention de l’OTAN dès 1993. Les forces de l’OTAN finissent par bombarder les positions  serbes.  Les présidents serbe, croate et bosniaque sont finalement obligés de signer aux Etats-Unis les accords de Dayton en décembre 1995.  Il faudra une nouvelle intervention de l’OTAN au Kosovo en 1999 pour empêcher qu’un nouveau nettoyage ethnique ait lieu.

FORPRONU : Force de protection des Nations Unies pour l’Ex-Yougoslavie. Déployée d’abord en Croatie, elle est composée de casques bleus dont la mission s’étend ensuite à la Bosnie.

Nettoyage ethnique : procédé destiné à chasser une population d’un territoire en la terrorisant (pillage, destructions, massacres et viols)

Accords de Dayton : Ces accords signés en décembre 1995, définissent deux entités distinctes l’une Serbe (République Serbe de Bosnie) et l’autre croato-musulmane (Fédération Croato-Musulmane).

Droit d’ingérence : dans un contexte d’urgence, droit pour un état de venir en aide à des personnes ou des populations menacées dans un autre état en violation du principe de souveraineté nationale.

II …rendent nécessaires la construction d’une justice pénale internationale

a)     La création du TPIY.

Face à ces crimes, en mai 1993, l’ONU décide par la résolution 827, la création d’un Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Ce tribunal financé par l’ONU a la possibilité de poursuivre et de juger toute personne ayant commis des infractions graves aux droits définis par la Convention de Genève relevant du génocide, du crime contre l’humanité, de l’homicide, du traitement inhumain et du crime de guerre.

Crime contre l’humanité : crime commis en exécution d’un plan concerté englobant les catégories suivantes : génocide, déportation, esclavage, exécutions, enlèvements et tortures exécutées massivement et systématiquement, crime commis en temps de guerre sur des combattants.

Crime de guerre : assassinat, mauvais traitements ou déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, assassinat ou mauvais traitements des prisonniers de guerre  ou des personnes en mer, exécution des otages, pillages de biens publics ou privés, destructions sans motif des villes et des villages, ou dévastation que ne justifient pas les exigences militaires.

Génocide : plan visant à détruire totalement ou partiellement un groupe arbitrairement déterminé.

b)     Son bilan.

Basé à La Haye aux Pays-Bas, le TPIY met en accusation 161 personnes entre 1993 et 2017. Parmi celles-ci figurent deux présidents et un chef d’Etat major. 90 personnes sont condamnées soit 55% des personnes poursuivies. 12% des accusés sont acquittés. Le président de la Serbie, Slobodan Milosevic meurt avant la fin de sont procès le 11 mars 2006. Le président de la République serbe de Bosnie Radovan Karadzic est condamné à la prison à perpétuité pour crime contre l’humanité et crime de guerre. Il en est de même du général serbe Ratko Mladic accusé de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre. Même si tous les responsables n’ont pas pu être jugés et condamnés et même si certaines responsabilités n’ont pas été établies (peut être au nom de l’équilibre et de la réconciliation), on peut dire au sujet des crimes commis en ex-Yougoslavie que la justice a été rendue. 

Avec les procès du TPIY, les normes juridiques ont progressé. C’était la première fois depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo qu’un tribunal international jugeait pour crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide. Depuis ces notions ont été juridiquement précisées. Ainsi, le crime de génocide défini par Raphaël Lemkin dès 1943, a été précisé une première fois par la Convention de 1948 avant de l’être à nouveau en 1998 par le statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. D’une certaine façon, le TPIY puis  le TPIR pour le Rwanda en 1995 ont permis  la mise en place d’une justice internationale pour juger les différents crimes contre l’humanité. En 2002, est finalement créée la Cour Pénale Internationale (CPI), juridiction universelle et permanente qui juge les génocides, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression (depuis 2018).Il convient de noter également que le TPIY a eu a juger des violences sexuelles contre les femmes. A cette occasion, les viols et l’esclavage sexuels ont été considérées comme des crimes contre l’humanité et non plus seulement comme des crimes de guerre.

Conclusion : face au retour en Europe des crimes de masse, la communauté internationale réagit en construisant les bases d’une justice internationale au moyen du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. C’est dans le même but qu’est créé en 1995 le tribunal pénal international pour le Rwanda. Désormais, les procédures engagées par ces instances sont closes. Aujourd’hui, c’est la Cour Pénale Internationale qui juge des crimes dont la définition juridique a été progressivement précisée dans le droit international depuis 1945.