Océans et espace : quelles spécificités ?
A priori, tout distingue le vide spatial de
l’eau des océans, c’est pourtant dans des piscines que s’entraînent les
astronautes. C’est d’ailleurs l’astronaute Buzz
Aldrin, lui-même plongeur qui suggère à la Nasa de pratiquer les entrainements
de sortie extra-véhiculaires dans l’eau.
Existe-t-il des spécificités communes aux
océans et à l’espace ? L’humanité entretient-elle le même rapport avec ces
deux domaines ?
Espace : étendue qui
nous sépare des astres, et plus généralement qui sépare les astres entre eux.
Il se situe de notre point de vue terrien au-delà de la partie de notre
atmosphère terrestre. Conventionnellement, on considère que l’espace commence à 100km au dessus de la
surface terrestre (ligne de Karman).
Océan : grande étendue
d’eau salée ininterrompue encerclant les continents et les archipels.
L’organisation hydrographique internationale
découpe le monde maritime en 7 océans : l’Atlantique nord,
l’Atlantique sud, le Pacifique ord, le Pacifique Sud, l’océan indien, l’océan
Arctique et l’océan Austral.
I La mer et l’espace
ont en commun d’être des espaces contraignants que les sociétés humaines
cherchent malgré tout à explorer.
a) Des milieux
contraignants.
La
mer et l’espace ont en commun certaines contraintes comme par exemple l’absence
d’air respirable pour l’homme. Mais
alors qu’en mer la pression
de l’eau s’élève avec la profondeur en augmentant de 1 bar tous les 10 mètres,
dans l’espace règne l’apesanteur. La
poussée d’Archimède qui exerce une pression vers le haut sur tout corps plongé
dans l’eau, explique que les exercices d’entrainement des astronautes de
l’Agence Spatiale Européenne (ASE-ESA) se fassent dans des piscines pour
retrouver des conditions plus proches de déplacement et de contraintes sur les
combinaisons. A cela s’ajoute en mer la raréfaction de la lumière avec la
profondeur, les rayonnements cosmiques dans l’espace et bien d’autres
paramètres qui ont rendu les activités humaines impossibles pendant
longtemps. L’espace et les océans représentent donc des défis technologiques.
Atmosphère : couche gazeuse qui
entoure certains astres dont la terre, d’une épaisseur d’environ 1500 km.
b) Mais où le déplacement
est possible.
Les
derniers progrès de la
paléoanthropologie laissent entendre que l’exploration de la terre par la
mer par les premiers hommes fut précoce. Certains chercheurs font remonter les
premières navigations à homo erectus (Strasser).
Depuis les explorations du monde par voie marine se sont multipliées. On peut
citer la période des grandes découvertes
à partir du XVème siècle. En 1522, Magellan réalise la première circumnavigation autour du monde. Aujourd’hui,
l’humanité continue à utiliser la mer pour faciliter ses déplacements et ses
échanges. Le transport maritime
représente aujourd’hui 90% des flux de marchandises dans le monde.
L’invention du conteneur en 1957 a
largement contribué à cet aspect de la mondialisation.
En ce qui concerne l’espace, il
faut attendre la deuxième moitié du XX eme siècle
pour voir appliquer les technologies développées par l’Allemand Wernher von Braun
lancer les V1 et V2 aux premiers lanceurs d’engins spatiaux. Depuis
les vecteurs se sont diversifiés : fusées, navettes, fusées récupérables.
c) Les océans comme
l’espace font l’objet d’explorations.
Pour
exemple, l’aventure du navire britannique HMS
Challenger (1872-1876) marque les débuts de l’océanographie moderne. Il était chargé de mesurer les profondeurs et
de draguer les fonds marins. Les grandes campagnes d’exploration maritime se
sont ensuite multipliées du XIXème siècle aux années 50. Mais cette fièvre
exploratrice a été freinée pendant la guerre froide. Au XXIème siècle, on retrouve un
regain d’intérêt pour les grands fonds. Mais
la recherche océanographique est loin d’être terminée. Entre 2 et 5 % des
océans restent inexplorés par l’homme. Seuls 15% des fonds océaniques ont été cartographiés de façon précise. Par
exemple, la zone hadale, c’est-à-dire la zone située en dessous de 6000 m de
profondeur reste encore le dernier
territoire vierge. La Chine envisage de créer une base sous-marine située à
– 5400 m en mer de Chine méridionale pour l’explorer. Ces profondeurs abritent
peut-être de nouvelles ressources alimentaires (poisson empereur) ou des solutions médicales.
En
ce qui concerne l’espace, même si l’astronomie
apparait en Mésopotamie il y a 5000 ans, sa connaissance est relativement
récente. Jusqu’au milieu du XX ème siècle, elle se limite à l’observation. Avec la course à l’espace et à
l’armement, la guerre froide permet l’exploration spatiale. Ce n’est pas un
hasard si on a donné à la navette
spatiale chargé du module de recherche Spacelab le nom de Challenger.
Aujourd’hui c’est la station spatiale internationale ISS lancée en 1998 qui illustre en partie ces efforts de recherche
concernant l’espace.
Remarque : la maîtrise et la
connaissance des océans est liée à celles de l’espace. De nombreux satellites
mesurent la profondeur de la mer, sa température, la hauteur des vagues. Le
premier réseau satellitaire à usage maritime Immarsat
est créé en 1979 pour améliorer la communication entre mer et océan. Il y a
donc de nombreuses interactions entre l’espace et la mer.
Océanographie : étude scientifique
des mers et des océans centrée sur la cartographie des fonds marin, la
connaissance des courants marins et la biodiversité.
II La mer et l’espace
ont des ressources et potentialités que les sociétés humaines cherchent à
exploiter.
a)
En mer, les ressources sont exploitées de longue date.
Avec 9.7
milliards de personnes en 2050 selon l’ONU, les ressources maritimes
deviennent prépondérantes et elles sont nombreuses. Elles sont alimentaires pour
commencer. La pêche et l’aquaculture perpétuent un usage ancestral de la mer et
de ses ressources halieutiques. Au
XXème siècle, a débuté l’exploitation des ressources
énergétiques avec la création de la première
plateforme off-shore destinée à extraire du pétrole dans le golfe du
Mexique en 1937. Depuis, on cherche à développer l’exploitation des ressources
renouvelables comme le vent ou la force marémotrice. Désormais, ce sont les
minerais sous marins qui attisent les convoitises. Par exemple, la France et 18
autres pays cherchent à explorer dans le pacifique la zone de Clairon-Clipperton à la recherche de nodules métalliques. Mais 95%
des ressources marines restent encore à découvrir.
Ressource : élément
naturel présent dans le milieu dont une socité
humaine pout tirer partie pour satisfaire ses besoins.
b) Les potentialités de
l’espace sont nombreuses.
Les
différentes modalités de recherches (observation, prélèvements et autres) ont
révélé que les objets célestes présentaient une grande quantité de potentialités qui pourraient être
utiles aux activités humaines. A titre d’exemple, la lune est convoitée pour les matières
rares qu’elle recèle : titane lithium, hélium-3. Ce dernier élément
pourrait servir de carburant à la fusion nucléaire sans produire de déchets
radio actifs. Les astéroïdes suscitent également l’intérêt avec des ressources
potentielles en nickel, fer, platine,carbone
oxygène et glace. L’entreprise japonaise Ispace veut
exploiter dans un horizon relativement proche les minerais de ces astéroïdes.
Il existe également un projet de centrale
solaire chinoise en orbite pour 2050. Mais pour l’instant, on est loin d’une éventuelle exploitation.
Pour
l’instant, l’humanité utilise essentiellement l’espace pour l’observation de la terre (38% des
usages de satellites-sur les 2000 satellites en orbite près de 800 sont dédiés
à l’observation et à la surveillance de la terre), les communications (37%), la navigation
(7%) et l’observation de l’espace
(4%). D’autres usages apparaissent avec le développement des acteurs privés. On
parle désormais de tourisme spatial
même si celui-ci n’en est qu’à ses balbutiements (Space
X, Blue Origin).
Potentialité : Par potentialités,
on peut désigner les atouts, les qualités d’un territoire qu’une société
peut éventuellement mettre en
valeur.
III Ceci explique la
nécessité de légiférer et éventuellement de coopérer dans ces domaines.
a) Les mers et les océans font depuis
longtemps l’objet d’une appropriation juridique.
Les
traités de Tordesillas et de Saragosse au début du XVème siècle illustrent le
premier partage du monde entre
puissances océaniques ibériques. Mais pendant longtemps les puissances
maritimes britanniques et américaines ont voulu garantir la libre utilisation et la libre
circulation des océans au nom du principe de Mare Liberum. Mais depuis les années 60, ce principe est remis en
cause par l’application du principe de Mare
Clausum qui conduit les Etats à se partager
l’océan notamment à l’occasion de la conférence de Montego
Bay en 1982. On assiste ainsi à un véritable
processus de territorialisation de
la mer. Les Etats cherchent à affirmer
leur souveraineté sur des espaces maritimes riches en ressources. Le
conflit qui oppose le Venezuela à la Colombie au sujet de l’archipel de Los Monjes, riche en hydrocarbures illustre ces convoitises.
Seule la haute mer, définie comme
l’espace marin situé à de 200 milles marins à partir du trait de côte échappe à
cette appropriation et devient un espace considéré comme un bien public mondial.
b) Contrairement à
l’espace
En
1967, le traité de l’espace ratifié
par les Nations Unies en
1967 stipule que l’espace ne peut
pas faire l’objet d’appropriation. L’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique y compris
la lune et les autres corps célestes doivent se faire dans l’intérêt de tous
les pays. Cependant, en 2015, sous l’égide de Barack Obama, les Etats-Unis adoptent le Space Act qui ouvre la voie à une possible privatisation des ressources de
l’espace. Selon le traité de l’espace toujours, il ne doit pas y avoir dans l’espace d’engins porteurs d’armes nucléaires ou d’armes
de destruction massive. Le traité affirme également qu’on ne peut placer d’arme dans l’espace
extra-atmosphérique. Cela n’a pas empêché les Etats-Unis, la Chine, la
Russie et l’Inde de faire la démonstration de leur capacité technologique en détruisant des satellites au moyen de
missiles. On observe donc malgré tout une tendance à la martialisation de l’espace.
Puissance spatiale : est considérée
comme puissance tout pays ayant mis en orbite un satellite avec son propre
lanceur.
Espace extra
atmosphérique :
espace situé au-delà de l’atmosphère terrestre
c) Ceci n’empêche pas des
formes de coopération dans l’espace comme en mer.
En
mer, il existe des formes de coopération
comme pour l’exploitation des ressources de la mer Caspienne entre la Russie,
l’Iran, le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et le Turkménistan. L’ONU promeut
également la protection d’espaces
maritimes garanties par les Etats membres. Ils se sont fixés de protéger
ainsi 30% des espaces maritimes d’ici
2030.
Dans
l’espace, les coûts faramineux de
l’exploration rendent nécessaire la coopération à l’échelle d’un continent
avec l’ESA ou du monde avec l’ISS. Cependant les Etats-Unis et la
Russie ont annoncé leur souhait de mettre fin à leur participation à l’ISS dans
un avenir très proche (2024). La Chine de son côté a développé ses propres
stations spatiales. Sachant que 8000
engins ont été envoyés en orbite depuis le début de l’ère spatiale et que près
de 3000 satellites hors d’usage dans l’espace, la multiplication de déchets
spatiaux va rendre nécessaire la coopération également dans ce domaine.
ASE ou
ESA :
Agence spatiale Européenne créée en 1975.
Conclusion : les océans et les
mers ont de nombreuses caractéristiques comparables. Mais l’espace est
nettement le domaine le plus contraignant. Cela explique une exploration plus
tardive et une exploitation encore très limitée. Il n’en demeure pas moins que
l’espace comme la mer sont des enjeux géopolitiques majeurs car ils peuvent
être la source et le reflet de la puissance des Etats.