Titre : Des territoires inégalement intégrés dans la
mondialisation.
La
mondialisation peut être définie comme la mise en relation des différentes
parties du monde par la multiplication de flux de natures diverses. Elle peut également
être comprise comme une extension à l’ensemble du monde du capitalisme marchand
et financier. Cependant à y regarder de plus ou moins près, on constate qu’à
différentes échelles, tous les territoires ne s’inscrivent pas de la même façon
dans les courants d’échanges de marchandises, de capitaux, de personnes et
d’informations.
Problématique :
on peut donc chercher à définir une typologie (classement) des territoires en
fonction de leur participation à la mondialisation. Quels en sont les centres,
les pôles majeurs ? Quelles en sont les périphéries, les espaces
marginalisés ou dominés ?
I Les pôles majeurs de
la mondialisation…
a)
…La mondialisation est dominée par des pôles moteurs.
Il
y a quelques années ont les désignait
comme les pôles de la triade selon
la terminologie de Kenichi Ohmae. Il s'agit de l’Amérique du nord, l’Europe
occidentale et l’Asie orientale. Ce sont des aires de puissance. Elles réalisent 80% de la richesse mondiale,
75% des flux commerciaux, 90% des opérations financières et 75% de la
Recherche-Développement dans le monde. On peut donc les considérer comme des centres d'impulsion de la
mondialisation. Des organisations
régionales comme l’ALENA, l’Union européenne, l’ASEAN renforcent la régionalisation ou continentalisation
des échanges.
Cette
concentration des flux concerne également le numérique. Ainsi, 42% des data centers se trouvent aux EU.
D'autres
économies émergent également dans le contexte de la mondialisation. C'est notamment le cas des BRICS, c'est à dire
le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. Le monde est donc
de plus en plus multipolaire.
Triade : oligopole dominant la
mondialisation constitué par trois
grandes aires de puissances : l’Amérique du nord, l’Europe occidentale et
l’Asie orientale.
Régionalisation ou
continentalisation :
tendance au développement des échanges sur un continent où entre les pays d'une
des aires de puissances.
Centre d'impulsion : espace où
sont concentrées à différentes échelles des fonctions de commandement politiques,
économiques et culturelles. Ils structurent l’espace économique mondialisé.
Aire de puissance : ensemble d’Etats ou de régions qui, du
fait de leur poids
économique et de leur influence
politique et culturelle, occupe une place prépondérante dans la
mondialisation.
b)
,…, les régions motrices,…
A
plus grande échelle, on observe des concentrations de populations, d’activités,
de richesses et de centres de commandement dans des régions particulièrement urbanisées et industrialisées. C’est
notamment le cas dans les trois
mégalopoles de la triade : la mégalopolis
américaine (désignée ainsi par Jean Gottmann
en 1961), la mégalopole européenne
et de la mégalopole japonaise de
Tokyo à Fukuoka.
|
Mégalopolis
américaine |
Mégalopole
européenne |
Mégalopole
japonaise |
Autre
nom |
BosWash |
Dorsale européenne Banane bleue |
Tokaido Ceinture pacifique |
Extension
|
800
km |
1500-1700
km |
1200
km |
Population
|
65
70 millions |
70
millions |
90-100
millions |
Ces
mégalopoles ont de commun une urbanisation en continu sur plusieurs centaines
de km. Elles sont structurées autour d'un système
efficient de transports (Shinkansen, Acela express). On y trouve des marchés boursiers, des centres d'accumulation et de reproduction
du capital (banques, bourse) des centres de commandement, de création,
d'innovation, des systèmes d'appui aux entreprises (conseil-audit). Elles
jouent également une fonction d’interface.
La Northern range offre une illustration de ce
rôle. Cela contribue au processus de littoralisation.
D’autres
régions s’insèrent bien dans la mondialisation. C’est le cas des régions motrices du croissant
périphérique américain (Californie, Texas, Floride, Puget Sound), du littoral chinois ou du sud-est brésilien.
Certains géographes considèrent même que de nouvelles mégalopoles sont en cours de constitution de Shanghai
à Hong Kong, le long du littoral Chinois ou en Amérique latine entre Rio
et Buenos Aires en passant par Sao Paulo. La question reste discutée.
A
l'échelle régionale, des corridors de
développement sont créés sous l'impulsion des Etats ou des organisations
régionales.
Interface : zone de contact
entre deux espaces différents, animée par de nombreux échanges et qui marque
également une discontinuité. On peut distinguer des interfaces maritimes,
continentales, des interfaces ouvertes ou fermées.
Mégalopole : aire urbaine
géante en général de plus de 10 millions d'habitants plus ou moins continue
aboutissant à une exceptionnelle concentration de personnes, d'activités et de
pouvoirs.
Aire de puissance: processus de concentration des hommes et des
activités sur les littoraux.
c)
…les métropoles, …
Un
certain nombre de villes concentrent des fonctions
de commandement économiques et politiques. Elles ont aussi des fonctions nodales et elles concentrent
de nombreuses richesses. Saskia Sassen les
désignent comme villes globales
mais on peut également les qualifier de villes
mondiales. Il y a débat pour les identifier et pour en définir le nombre.
Mais on peut raisonnablement désigner ainsi Los Angeles, New York, Londres,
Paris, Shanghai et Tokyo. Toutes ces métropoles constituent un réseau de villes
particulièrement bien connectées les unes aux autres. Olivier Dollfus considère qu’elles constituent désormais un Archipel Mégalopolitain Mondial (AMM).
Le « nord » n’a pas le monopole de ces métropoles relativement bien
intégrées dans la mondialisation. En Inde, MumBay
offre un exemple de cette participation. On trouve dans les métropoles du
sommet de la hiérarchie mondiale des centres
financiers majeurs comme à New York, Tokyo, Londres. Parmi les places
financières majeures on peut citer aussi Singapour, Zurich et Francfort.
Ville globale : ville du
sommet de la hiérarchie urbaine. Il s’agit d’espaces densément
peuplés, associant des fonctions de centres de commandement et de nœuds
de communication à des fonctions distractives, éducatives et innovantes.
Archipel
mégalopolitain Mondial : ensemble des villes mondiales étroitement
connectées en réseaux, organisant le monde et nouant des relations
privilégiées.
Métapole : espace urbain
et rurbain dont une partie des habitants, des activités économiques et des
territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien d'une métropole
Métropole : pôle urbain
majeur doté de fonctions de commandement et d'activités de niveaux nationale et
international et exerçant un rayonnement sur un vaste territoire.
Mégapole : très grande
ville de plus de 8-10 millions d'habitants.
Le
pentagone des villes européennes .
d)
… les hypercentres
Dans
les métropoles, les hypercentres
se distinguent le plus souvent dans le paysage par la skyline
que dessinent les gratte-ciel du Central
Business District (CBD). C’est là que se concentrent les fonctions
décisionnelles de la mondialisation. Dans le quartier de Pudong
à Shanghai, on distingue facilement la Shanghai Tower
(la plus grande), le World Financial Tower
(décapsuleur) et la tour de la perle orientale. On voit désormais apparaître
des centres secondaires. C’est le cas en périphérie immédiate de New York où se
trouvent les tours de Jersey City. D'un point de vue résidentiel, certains
quartiers abritent les gagnant de la mondialisation. Les plus sécurisés d'entre
eux sont qualifiés de gated communities.
Edge cities : terme
construit par l'écrivain américain Joel
Garreau pour désigner des espaces où se concentrent des bureaux, des
centres commerciaux ou de loisirs en dehors du traditionnel centre des villes.
Il s’agit de pôles d'emploi périphériques, spécialisés souvent dans la finance,
l'industrie de l’information, le high tech et les surfaces commerciales.
Central Business
District (CBD) :
centre d’affaires où se concentrent des activités à très forte valeur
ajoutée financière (sièges sociaux, sociétés spécialisées dans les
transactions, banques d’affaire, etc) (d’après Géoconfluence)
Gated communities : lotissement privé
très sécurisé.
II … se distinguent
des territoires marginalisés ou dominés.
a)
…Il s'agit d'Etats.
D'une
manière générale, les suds participent moins à la mondialisation que les nords. A titre d’exemple, Sylvie Brunel estime que le
continent africain ne représente que 2 à 4 % des échanges mondiaux. D’une
manière plus générale, les pays en développement ne représentent que 16% des
échanges commerciaux dans le monde. Le maintien de fortes inégalités de
développement favorise les flux migratoires sud-nord. Dans un contexte de
grande misère, le secteur informel est une alternative. Les territoires du sud
s’inscrivent également dans les flux de la mondialisation
illicite.
Le
tiers-monde n’est cependant pas
homogène. On peut notamment distinguer les Pays
les Moins Avancés (PMA) qui sont relativement marginalisés On en compte
aujourd'hui 47 dont 33 sont situés en Afrique. Dans les pires des cas, ces
Etats sont défaillants ( collapse
state). Ils ne sont plus en mesure de contrôler leurs territoires. On peut
citer le Yémen ou la Somalie. Les Nouveaux Pays Industrialisés (NPI)
ou des Pays à Revenus
intermédiaires (PRI) comme le Sri Lanka ou l'Argentine s’insèrent mieux et
de différentes façons dans les flux de la mondialisation et dans la nouvelle division internationale du
travail. Le développement du
tourisme est une autre forme d'intégration dans la mondialisation.
Pour
terminer, la Corée du Nord offre un exemple de pays qui se tient à l'écart de la mondialisation pour des raisons idéologiques.
Nouvelle division
internationale du travail : désigne la spécialisation de pays ou de régions
du globe dans des productions particulières en fonction d'avantages comparatifs
espérés.
b)
… de régions périphériques, …
Le
cas chinois est aussi révélateur des disparités
internes qui caractérisent les Etats. La Chine intérieure ne reçoit en
effet qu’une très faible part des IDE entrants. En dépit des réserves qu’elle abrite, elle ne réalise
qu’une faible part du PIB chinois. Cette situation caractérise également
d’autres régions périphériques, voir ultrapériphjériques. De ce point de vue, cette
situation est comparable à celle de l’Amazonie au Brésil ou du Sahara sur le
continent africain. Mais, il convient de nuancer le propos ici, en dépit
des contraintes et du niveau limité des équipements, l’enclavement et l’isolement de ces territoires est
relatif. Ainsi des courants d’échanges animent le Sahara. De plus des
efforts d’équipement sont réalisés. Ces régions périphériques sont souvent des réserves de matière première. Elles
sont donc convoités dans le cadre de la mondialisation comme l'illustrent les
investissements et les efforts d'équipement. Des efforts sont faits pour mettre
en valeur ces territoires. C’est notamment l’objectif du programme d’équipement
de l’Initiative d'intégration de l'infrastructure de la région sud-américaine
(IIRSA) qui prévoit la réalisation de routes de voies de chemin de fer à
travers le continent.
Enclavement : caractère d’un
territoire situé à l’écart des grands axes de communication ou isolé pour des
raisons géopolitiques.
c)
… ou de quartiers défavorisés.
Pour
terminer, les métropoles du nord comme du sud présentent des disparités socio-spatiales. New York,
ville globale, compte un certain nombre de quartiers défavorisés, de ghettos qui abritent les
« perdants », les « laissés pour compte » de la
mondialisation. Dans les métropoles du Sud, les quartiers d’habitat précaire
(bidonvilles, favelas, ranchos, slums) ont tendance à
s’étendre. C’est bien l’absence d’accès aux réseaux d’assainissement, d’eau ou
d’électricité qui caractérise ces quartiers d’habitation spontanés. En
matière d’aménagement urbain, la politique des autorités oscille entre
« déguerpissements » selon l’expression africaine qui désigne les
expulsions et consolidation. La ségrégation socio-spatiale est donc un
autre aspect de l'inégale intégration des territoires dans la mondialisation.
Conclusion : La
participation des territoires à la mondialisation est donc très inégale. A
différentes échelles, on observe, en effet, qu’un certain nombre de centres se
distinguent de territoires marginalisés ou en situation périphérique. Il serait
cependant erroné d’opposer simplement les territoires du nord à ceux du
sud. Les disparités et l’inégale intégration s’observent dans les pays
développés comme dans les pays en développement, dans les métropoles du nord
comme dans les métropoles du sud. La hiérarchisation des territoires est donc multiscalaire.