Le détroit de Malacca : un point de passage majeur et stratégique.

 

Le détroit de Malacca est un couloir maritime de 850 km long qui se situe entre la péninsule malaise et l'île indonésienne de Sumatra. C'est l'une des routes commerciales les plus fréquentées au monde mais c'est aussi l'une des plus dangereuses.

 

Péninsule : presqu'île de grande étendue

 

Comment expliquer que la sécurité de son passage préoccupe bien au delà de la région ?

 

 

I Un point de passage incontournable de la mondialisation.

a) L'importance des flux de marchandises.

Le détroit de Malacca est le plus court chemin entre les océans Indien et Pacifique. Là, le trafic de marchandise a atteint les 50 millions d'EVP en 2017. La même année, 84 456 navires ont transité par le détroit. Quotidiennement ce couloir maritime voit circuler des supertankers qui transportent près de 15 millions de barils de pétrole.  Au total, l'ensemble de ses activités représente 1/6 du trafic mondial.

 

 EVP : équivalent vingt pieds : unité de mesure utilisée pour le trafic de conteneurs.

 

b) Un nœud de communication majeur.

A lui seul le port de Singapour joue le rôle de plateforme portuaire de dimension mondiale. Il n'est plus le premier port mondial mais il reste un nœud mondial du trafic maritime  vers où convergent  près de 400 lignes maritimes reliées à 740 ports. C'est le deuxième port au monde pour le trafic de conteneurs. En 2018, 36.6 millions d'EVP ont transité par ce port qui joue aussi le rôle de hub portuaire.

Ce n'est cependant pas le seul port majeur de la région. Par exemple, les ports malaisiens de  Port Kelang près de Kuala Lumpur et de Tanjung Pelepas sont respectivement 12ème et 19ème dans le classement mondial des ports  à conteneurs avec 12 et 9 millions d'EVP de trafic. Le port de Port de Laem Chabang près de Bangkok en Thaïlande est lui 20ème.

Sur la terre ferme, ces ports sont relayés sur les axes de communication majeurs par des ports secs qui permettent de transborder les marchandises d'un mode de transport à un autre. C'est le rôle que joue la plateforme multimodale d'Ipoh en Malaisie à la jonction entre une route majeure et un axe ferroviaire.

 

Hub portuaire : ou port d'éclatement, port qui permettent de rediriger les marchandises conteneurisées.

Port sec : terminal multimodal permettant sur des axes terrestres l'interconnexion de modes de transports différents.

 

II Un point de passage stratégique.

a) Des économies dépendantes du détroit.

Pour commencer, le détroit de Malacca est animé par de nombreux flux entre les Etats de la région. Ces échanges sont le reflet de leur intégration dans la nouvelle division internationale du travail. par exemple, les investisseurs la cité-Etat de Singapour développent des activités d'assemblage sur l'ile de Batam dans l'archipel indonésien de Riau.  Là le foncier est moins cher et la main d'œuvre est bon marché. Pour les activités qui demandent une main d'œuvre plus qualifiée, ils privilégient l'Etat malaisien de Johore.  A Sumatra, les investisseurs Malaisiens trouvent des ressources naturelles et une main d'œuvre bon marché. On voit là comment les localisations cherchent à tirer partie des disparités territoriales et il ne faudrait pas réduire la région du détroit de Malacca à un point de passage. Les formes d'intégration s'observent  à plusieurs échelles. On a également la confirmation de  la maritimisation des activités économiques.

Au delà, plusieurs poids lourds de l'économie mondiale sont dépendants du détroit de Malacca pour leurs approvisionnements et pour leurs exportations. Par le détroit de Malacca transitent 100% du soja importé par la Chine, 90% du pétrole, 40% du fer et 40% du Gaz. En ce qui concerne le Japon, 41% de ses importations transitent par le détroit ainsi que 90% de son pétrole. Le détroit de Malacca est donc le reflet des relations d'interdépendance qui caractérisent la mondialisation.

 

b) Un passage dangereux.

Pour plusieurs raisons, le détroit de Malacca est extrêmement risqué. Pour commencer, l'intensité du trafic génère des risques de  congestion et de collision. La piraterie est l'autre danger qui menace le trafic dans la région. En 2019, il y a eu 30 attaques dans la région.

 

Piraterie : selon la Convention de Montego Bay, ce terme désigne toute attaque perpétrée à des fins privées sur un bateau en haute mer, avec usage de la violence, détention illégale de personnes ou de propriétés, ou vol et destruction de biens. Le terme s'applique difficilement dans le détroit de Malacca partagé entre les eaux territoriales de plusieurs pays.

 

 

https://www.straitstimes.com/singapore/tanker-in-singapore-strait-boarded-by-pirates-on-xmas-day-30-incidents-recorded-so-far-in

 

c) Des politiques destinées à sécuriser le passage.

Pour sécuriser la circulation, des couloirs de circulation ou rails maritimes ont été établis. Un système d'aide à la navigation a été mis en place à l'échelle régionale. Les navires en transit doivent également se signaler.

Pour lutter contre la piraterie,  un centre régional de lutte contre la piraterie a été crée à Kuala Lumpur et les pays riverains coopèrent pour patrouiller dans le secteur. Ils entendent bien affirmer d'ailleurs leur souveraineté sur le détroit conformément au principe des eaux territoriales, mais la communauté internationale leur rappelle un autre principe de la Convention de Montego Bay qui veut que la circulation soit libre dans les détroits.

Cela n'empêche pas la coopération internationale. Par exemple, au printemps 2019, le porte-avion français Charles de Gaulle a réalisé des manœuvres dans le détroit en partenariat avec les marines singapourienne, malaisienne, japonaise et australienne.

Pour finir, face aux risques pesant sur le détroit, l'une des solutions consiste à rechercher des voies de passage alternatives. Il existe en effet d'autres routes maritimes transitant par les détroits indonésiens. la Chine envisage sérieusement de soutenir financièrement un projet de creusement d'un canal qui traverserait la Thaïlande.

 

Conclusion :

Le détroit de Malacca est donc d'un intérêt stratégique majeur à l'échelle mondiale tant le trafic de marchandises y est intense. Dans ces conditions, on comprend bien pourquoi des puissances extrarégionales cherchent à  garantir la libre circulation des navires dans le secteur.

 

https://www.youtube.com/watch?v=FvwdH_jfgnQ&feature=youtu.be