Titre : Les espaces maritimes dans la mondialisation : des ressources et des routes.

 

 

Selon la convention des Nations Unies -1982, la mer est une étendue d’eau salée en communication libre et naturelle. Les espaces maritimes sont donc au sens strict les espaces couverts par la mer. Mais dans cette étude, il peut être intéressant de travailler aussi sur les littoraux qui sont au contact entre terre et mer. Les deux sabordages dont ont été victimes deux pétroliers dans le détroit d'Ormuz en 2019, illustrent combien les mers et les océans sont non seulement des espaces de ressources et de circulation mais aussi des enjeux stratégiques.

 

Problématique : Quels rôles jouent les espaces maritimes dans la mondialisation ?  Quels types de ressources y trouve-t-on ? Ces ressources sont-elles valorisées ? Par quels flux de la mondialisation sont-ils parcourus?

 

I Dans les mers et les océans

a)     …les ressources sont immenses.

C’est au fond des océans que la vie est certainement apparue. Aujourd’hui encore c’est grâce aux espaces maritimes (EM) que les sociétés humaines satisfont une partie de leurs besoins. Elles y trouvent des ressources comme des gisements d’hydrocarbures. L'exploitation des gisements off shore deviennent de plus en plus rentables du fait de l'épuisement des gisements terrestres et grâce aux progrès techniques. 30% du pétrole et 20% du gaz proviennent désormais de ce type d'exploitation. On a également découvert des nodules polymétalliques qui constituent une potentialité intéressante pour l’avenir. Leur exploitation est encore limitée. Il s’agit là cependant de ressources non renouvelables. Le sable est aussi une ressource. Les réserves mondiales sont estimées à 120 millions de milliards de tonnes

La ressource halieutique est également primordiale pour nourrir plus de 7 milliards d’êtres humains. La moyenne annuelle des captures de poissons dans le monde est de 90 millions de tonnes. On recense 28 millions de pêcheurs dans le monde, principalement en Asie. Il faut ajouter à la pêche les productions de l'aquaculture.  Celle-ci représente désormais 50% des de la production mondiale de produits de la mer.

 

Les EM offrent également des ressources renouvelables. Au large, le vent a le mérite d’être généralement plus puissant et constant. Les stations éoliennes off shore se développent notamment au RU. Dans ce domaine, le programme allemand est plus ambitieux que le programme français mais notre littoral atlantique commence à être équipé. La force marémotrice est également utilisée mais son exploitation est rendue moins rentable par la vulnérabilité du matériel dans un milieu corrosif.

 

Nodules polymétalliques : petits blocs de minéraux très riches en métaux divers.

Ressource : élément présent dans un milieu dont une société peut tirer parti pour assurer son développement.

Potentialité : qualité d’un milieu qui pourrait être mise en valeur.

Ressources renouvelables : ressources qui peuvent être renouvelées à court terme, dans la mesure du temps humain.

Ressources non renouvelables : ressources qui ne se renouvellent pas à l’échelle du temps humain. Leur formation demande des millions d’années.

Halieutique : qui relève du domaine de la pêche.

 

b)     …mais elles sont aussi limitées et menacées.

Les ressources maritimes sont menacées. La surpêche rend nécessaires des mesures conservatoires. Selon la FAO, 75 à 80% des espèces de poissons sont déjà en surpêche.La capture de baleines est désormais interdite et le thon rouge fait l’objet de quotas de pêche. L’UE interdit les filets dérivants Au-delà de cette surexploitation, les espèces marines sont également menacées par la pollution. Démonstration est faite désormais de la présence en quantité nocive pour l’homme de métaux lourds dans l’organisme des poissons commercialisés.Cette pollution s’explique moins par les accidents spectaculaires comme le naufrage de supertankers (Prestige-Erika) ou l’explosion de plateformes (Deepwater Horizon en 2010) que par les effluents domestiques et industriels. Les pollutions liées aux naufrages ne représentent que 5% de la pollution des mers. Il faut compter avec le déballastage et avec 70 à 80% des pollutions qui viennent de la terre. On voit ainsi apparaître des îles de déchets ou des continents de plastique à la dérive sur certains océans ou encore des marées vertes liées à des phénomènes d’eutrophisation. Il existe également des zones mortes où la vie marine est très limitée. Les espaces maritimes sont donc immenses mais pas infinis.

 

II Ils sont parcourus par les flux de la mondialisation …

 

a)     de marchandises, ...

Dans le contexte de la mondialisation, c’est par les océans que transite une part importante des marchandises. Pour Michel Foucher c’est même l’une des caractéristiques de la globalisation. Le transport maritime offre l’avantage de permettre l’acheminement de grandes quantités à des prix acceptables. Il rend donc possible la nouvelle division internationale du travail et conforte la maritimisation des économies. Les progrès du transport maritime sont liés à la spécialisation des navires (vraquiers, pétrolier, méthaniers) et à la conteneurisation.  Le conditionnement par conteneur inventé par l’américain Mac Lean dans les années 50-60 limite de façon intermodale les ruptures de charges. Ceci explique que 85 à 90% du commerce mondial transite par la mer.  Mais ce mode de transport est lent et il impose des délais parfois difficiles à tenir compte tenu des aléas naturels,  de l’engorgement des ports ou des  passages obligés et de la piraterie. Les routes maritimes les plus fréquentées passent par le Pas-de-Calais et par le détroit de Malacca (200-250 navires/j). Désormais, les flux transpacifiques dépassent les flux transatlantiques. Les espaces maritimes reflètent donc les dynamiques de la mondialisation.

 

Intermodalité : système permettent de passer d’un mode de transport à un autre sans modifier le conditionnement des marchandises.

Conteneur : boîte métallique de dimension standardisée pouvant contenir tout type de produits.

Vraquier : Navire transportant des produits en vrac (vrac solide ou liquide)

 

b) de capitaux, ...

Plus surprenant mais non négligeable, les EM  s’inscrivent également dans les flux de capitaux. En effet, pour beaucoup, les paradis fiscaux sont des îles ou des territoires littoraux. Or on estime à 7000 milliards les actifs contrôlés par les paradis fiscaux. En 2011, le total des actifs off shore représentait 8% du PIB mondial. 

 

c) de personnes, ...

Les mers du monde sont également parcourues par des touristes amateurs de croisières. L’Europe reste d’ailleurs la première région de production de paquebots dans le monde. Quelques grands groupes se partagent ce marché : Carnival, Royal Caribbean, MSC Croisières. La Méditerranée et la Mer Caraïbe sont les deux grands bassins où se concentre cette activité. D'ailleurs certains paquebots, quittent la Grande Bleue, une fois la saison estivale terminée pour assurer des rotations aux Antilles pendant l'hiver. Les migrants transitent également par les mers et les océans. Les naufrages dramatiques rappellent tristement la dangerosité de ces traversées. Selon le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), 2 275 personnes sont mortes ou disparues en traversant la Méditerranée en 2018.

 

d)  et d'informations.

Enfin, à l’heure d’internet, il convient de rappeler l’importance prise par les câbles sous-marins transocéaniques dans les flux d’informations. Ainsi 90 à 95 % des communications passent par des câbles posés dans les océans. On en compte près de 50. Les Etats-Unis sont au cœur de ce réseau. Les espaces maritimes contribuent donc au rétrécissement du monde.

 

III Les flux déterminent une géographie des routes et des échanges à l'image d'une mondialisation inégale.

 

a) La hiérarchie des routes maritimes ...

Les routes maritimes majeures relient de façon privilégiée les pôles principaux de l'économie mondiale.  L'Asie orientale, l'Europe et l'Amérique du Nord qui représentent 85 % du commerce mondial. Les routes majeures sont donc des routes Est-Ouest. Les flux nord sud et sud- sud se développent cependant.  Les flux de matières premières sont essentiellement des flux sud-nord.  Les flux pétroliers se dirigent des pays producteurs vers les pays développés et les économies émergeantes. Les échanges de produits finis et semi-finis et d'information se font essentiellement mais pas exclusivement entre les trois centres d'impulsion de la mondialisation.

 

b) détermine celle des interfaces maritimes.

Les façades maritimes les plus actives sont d’ailleurs la façade asiatique, la Northern range ( rangée nord européenne)  et la façade atlantique des Etats-Unis. Ningbo (Chine), premier port mondial avec 889  millions de tonnes de marchandises/an en 2015 devance Shanghai (647,4 Mt/an-2016) Singapour (593,2 Mt/an-2016).  Rotterdam, premier port européen est au 9ème rang (491,1 Mt/an-2016). Ces interfaces mettent en relation leurs arrière-pays respectifs avec le reste du monde. L’existence d’axes de communication complets et performants  détermine  la profondeur de l’hinterland. De même le dynamisme de l’hinterland peut expliquer l’intensité du trafic des ports de la façade maritime. C’est ce qui explique l’activité du port de Rotterdam, premier port européen. Mais il existe des ports très actifs qui ne sont pas pourtant en relation avec un hinterland  terrestre dynamique. Il s’agit des ports d’éclatement ou hub portuaires qui permettent de rediriger les marchandises conteneurisées (Gioia Tauro en Calabre- Dubaï au Moyen Orient Port Saïd en Egypte).

 

Schéma 1

Schéma 2

 

Interface : zone de contact entre deux espaces différents. Elle est plus ou moins animée par des échanges (interfaces ouvertes, fermées). Elle marque malgré tout une discontinuité.

Hinterland : Arrière-pays : (Hinterland) partie continentale en arrière d'un port constituant son aire d'approvisionnement et de des

serte.

Synapse : unité spatiale de jonction où ont lieu des contacts ou des passages.

Puissance : capacité d’un Etat à imposer sa volonté aux autres en combinant différents facteurs (le poids démographique, les ressources d’un territoire plus ou moins étendu, le développement économique, l’influence géopolitique, les capacités militaires, le rayonnement culturel, etc…)

Géostratégie : analyse des espaces motivée par des enjeux militaires ou de puissance.

Mer : étendue d’eau salée en communication libre et naturelle. Convention des Nations Unies -1982.

Plateau continental : en géomorphologie, il s’agit d’un prolongement d’un continent sous la mer à des profondeurs n’excédant pas les 2500 m.

Espaces maritimes : les espaces maritimes sont au sens strict les espaces couverts par la mer. Mais dans cette étude, il peut être intéressant de travailler aussi sur les littoraux qui sont au contact entre terre et mer.

Littoral : au sens strict, bande comprise entre le niveau des plus basses mers et celui des plus hautes mers (estran). Au sens élargi, il s’agit d’une zone de contact entre mer et terre.

 

Conclusion : Les océans et les mers sont donc d'une importance majeure pour la mondialisation. Ils l'alimentent en ressources. Ils sont également les vecteurs de la mondialisation puisqu'ils sont parcourus par ses flux. Dans ces conditions, les puissances mondiales sont donc tentées de les contrôler.