Cette leçon est le fruit
d’une collaboration avec Jean-François Malange, professeur d’Histoire
Géographie à Auch.
L’évolution
des pratiques culturelles du milieu du XIXe siècle au début du XXe siècle.
On entend par culture ici, l’ensemble des productions
matérielles ou pas, intellectuelles ou artistiques caractéristiques d’une
société. Par extension, le terme peut également désigner les moyens de diffusion
de cette culture comme la presse ou le cinéma par exemple. Pour terminer la
culture peut désigner les modes de vies , les croyances et les savoirs d’une
population. On peut faire figurer parmi les pratiques culturelles, les loisirs,
les pratiques cultuelles, les différentes formes d’expressions artistiques,
les sports.
Nous avons observé
qu’à l’âge industriel , les sociétés connaissaient de profondes mutations, on
peut donc se demander si dans ce contexte les pratiques cultuelles changent, si
se développe une ou de nouvelles cultures ?
I La naissance d’une culture de masse.
a) L’amorce d’une culture de masse et ses manifestations.
Culture de
masse : une culture de masse est une
culture produite massivement pour une diffusion massive, indifférente aux
origines des destinataires.
« Entendons (...) la culture de masse comme une culture produite en
fonction de sa diffusion massive et tendant à s’adresser à une masse humaine,
c’est-à-dire à un agglomérat d’individus considérés en dehors de leur
appartenance professionnelle ou sociale »(Morin E., Sociologie, Paris, Fayard,
1984, pp. 378)
Cette culture de masse se
manifeste par le développement des pratiques culturelles concernant un grand
nombre de personnes. C’est le cas notamment dans le domaine des loisirs. La
pêche se démocratise. On assiste au développement du sport. Beaucoup de
Français ont un vélo pour se déplace. Certains ont parlé de « Ferraille
égalitaire ». Le premier tour de France en 1903 est organisé par le
journal l’Auto. Celui-ci tire à 130 000 exemplaires. C’est aussi le temps des
grandes manifestations sportives. Les
jeux Olympiques sont rétablis par Pierre de Coubertin en 1896. La première
coupe du monde de football n’a lieu qu’en 1930.
La lecture de masse fait aussi son
apparition avec une presse qui tire à de nombreux exemplaires. Au moment de
l’affaire Dreyfus, le Petit Journal tire à 1 500 000 exemplaires. Ces journaux
publient aussi souvent en feuilleton les romans populaires de l’époque. (1904,
Arsène Lupin de Maurice Leblanc ; 1911 , Fantomas de Souvestre et Allain).
Les premières bandes dessinées apparaissent également (Bécassine)
b) Les facteurs favorables au développement d’une culture de
masse.
On assiste à la combinaison de nombreux facteurs dans le
contexte de l’industrialisation.
Ce phénomène s’explique d’abord par les progrès
de l’instruction. En France, avant 1880, il y avait déjà 5 800 000 élèves dans
les écoles primaires et maternelles. En 1900, on en compte 6 300 000. Dans
notre pays, l’école a également pour effet de favoriser une certaine
uniformisation culturelle en développant l’usage du Français.
Le développement des transports favorise les échanges
et la diffusion de nouvelles pratiques culturelles. Le réseau de chemin de fer
se densifie notamment à partir de 1848. Ceci permet d’accéder plus facilement
aux lieux de villégiature.
Dans le domaine de la presse et de l’imprimerie, la mise au point de nouvelles machines (rotatives Marinoni) permet d’abaisser les coûts unitaires de production et de multiplier les tirages. En 1855, Michel Lévy édite une collection de livres à 1 franc.
En ce qui concerne le cinéma, le procédé est mis
au point en 1895 ( première projection au Grand Café à Paris) par les frères Lumières et dès 1907
apparaissent les premières actualités cinématographiques (Le Pathé Journal).
Avant 1914 de grandes compagnies comme Gaumont en France Warner Brothers aux EU
sont constituées. En 1927, le cinéma devient parlant.
Enfin, l’augmentation du temps libre permet
d’accéder aux loisirs. En 1919, un peu
partout en Europe , la journée de travail passe à 8 heures.
Transition : On a donc démontré que
commençait à apparaître une culture de masse par le développement de pratiques
culturelles. Assiste-t-on dans le même temps à un processus d’uniformisation
culturelle ?
II Le maintien
d’une diversité culturelle.
a) La culture des élites.
Culture des élites : faisceau de croyances, de connaissances et de pratiques qui ne
toucheraient qu’une partie instruite et aisée de la population.
Alors que se développe une culture de masse, l’élite tend à
se démarquer des pratiques culturelles qu’elle considère comme populaire. Elle
préfère par exemple la pêche sportive à la pêche populaire. Les élites
abandonnent la bicyclette au profit de l’automobile. Il est à rappeler
également que le rugby porte le nom d’une école privée célèbre réservée à
l’élite.
Dans le domaine artistique, la culture des élites est
souvent une culture de l’avant-garde .Cela concerne la peinture ( Voir leçon
précédente), la littérature, la musique. C’est ce que traduit par exemple,
l’expérience du Ballet Russe de Serge Diaghilev ( 1872-1929) a l’ambition
d’associer différentes formes d’expression ( Musique, danse, peinture ). Il
commande donc au compositeur Russe, Igor Stravinsky ( 1882-1971)un ballet ,
l’Oiseau de feu dont la première eu lieu à Paris en 1910.
b) Une culture populaire
Culture populaire : faisceau de croyances, de
connaissances et de pratiques qui ne serait réservé qu’au peuple. Se définit
en opposition à une culture élitiste.
Dans les villes :
C’est en effet, la grande heure du café-concert, du music-hall( 250 à Londres en 1900), du cabaret avec des chanteurs comme Dranem, Mayol ( Viens Poupoule). C’est aussi une période faste pour le cirque ( Le Clown Chocolat , Raphaël Padilla( 1868-1917), et des spectacles de magie ( jean Eugène- Robert Houdin).
Dans les campagnes :
Dans les campagne se maintient une culture rurale. Il s’agit d’une culture le plus souvent traditionnelle basée sur certains rites ( rites religieux , fêtes des saints locaux) et sur l’oralité. Les langues régionales encore appelées patois sont utilisées. Certains intellectuels les étudient et les promeuvent ( Mouvement du Félibrige de Frédéric Mistral).
Cependant cette culture est remise en cause. L’école de la
troisième république interdit l’usage des langues régionales.
Les modes de vie urbains se diffusent dans les campagnes
notamment avec le développement de la vente par correspondance. On voit des
danses des villes s’imposer dans les campagnes. Polka, Fox Trot.
Conclusion : même si on observe une tendance à
l’uniformisation culturelle, une certaine diversité demeure dans ce domaine.
Peut-on parler de déchristianisation ?
a) La sécularisation.
Au 19ème siècle, les églises ont une place importante
dans les sociétés. Par exemple, en 1833 la loi Guizot
autorise l’ouverture d’écoles privées. Elle oblige également les communes
à se doter d’une école primaire pour garçons. Certaines pour recruter du personnel
se tournent vers les religieux.
Sécularisation : processus par lequel l’église
est moins présente dans la société et dans les institutions.
On assiste en effet à un processus par lequel une religion
anciennement dominante a moins de poids dans la société. Par exemple, au
Royaume-Uni on assiste au désétablissement de l’église. Cela signifie qu’on
accepte l’établissement d’autres
religions. C’est une manifestation de la liberté de conscience. Dans le domaine
privé, chaque religion est respectée.
En France, la tendance est même à la laïcisation de la
société.
Laïcisation : processus par lequel le pouvoir
politique et administratif et le pouvoir religieux se séparent.
En 1879, l’enseignement
est interdit aux membres de congrégations non autorisées.
En 1881(06-81), l’école devient gratuite, puis en juillet elle
devient obligatoire. Enfin en Mars 1882, elle devient laïque. Ce sont les lois dites Jules Ferry.
En 1883, la loi Goblet donne cinq ans aux communes pour
remplacer les écoles religieuses.
Enfin en 1905, est adoptée la loi de séparation de l’église
et de l’Etat. L’Etat ne reconnaît ni ne salarie aucun culte.
b) une déchristianisation inégale.
Avec l’exode rural, la concurrence du libéralisme et des
doctrines sociales, et la remise en cause du positivisme, les églises perdent
de l’influence. Gerard Cholvy note cependant que le processus de
déchristianisation est inégal. On remarque en particulier le dynamisme du
protestantisme en Amérique notamment (différents mouvements du réveil). Les
églises sont dans des situations plus favorables en Allemagne en Italie et au
Royaume-Uni
En France même, la déchristianisation est inégale. La
Bretagne, le Nord, l’est, le sud et l’est
du Massif Central restent des pays chrétiens. Paris et une partie sud est du
bassin parisien deviennent pour l’église des terres de mission à reconquérir.
Enfin, l’église réagit. En encourageant le culte marial à
partir de 1854, l’église a tenté de s’appuyer sur la dévotion féminine pour
reconquérir le terrain perdu.
Enfin, finalement vers 1890, le Cardinal Lavigerie comme le
pape Léon XIII, demande le ralliement des catholiques à la République. Il
s’agit d’une forme de soumission de la religion à la règle civile au delà de la
crise due à séparation.
Conclusion :
On
assiste donc bien à l’émergence d’une culture de masse, à la diffusion de
certaines pratiques culturelles. Cependant, se maintient une forte diversité
culturelle. D’une part il existe toujours des différences géographiques. D’autre part, se distinguent
une culture des élites et une culture populaire. Enfin, la religion perd de son
influence dans les sociétés mais de façon inégale.