La gestion de la question sociale sous la IIème République et sous le Second Empire

 

Avec la Révolution Française, puis l’industrialisation, la société française connaît de profondes mutations. Mais les conditions de vie et de travail des catégories de la population les plus humbles ne s'améliorent pas. 

 

Quelles sont les réponses données à ces difficultés sous la IIème République et le Second Empire ? Donnent-elles satisfaction aux hommes et aux femmes concernés ?

 

I Revendications

Les revendications des ouvriers sont liées aux conditions de travail et de vie. Dans les usines et les champs, le travail reste difficile au milieu du 19ème siècle. Les journées dépassent les 12 heures. Il n’est pas rare que les semaines de travail fassent sept jours. Dans les usines, les conditions de travail sont rendues extrêmement dangereuses du fait de l’absence de protections. Pendant longtemps les ouvriers ont été tenus pour responsables de leurs accidents. Les femmes travaillent déjà. Contrairement à une idée reçue, il n'a pas fallu attendre la première guerre mondiale. Dans les campagnes, elles ne sont pas considérées comme des chefs d'exploitation. Leur travail est pourtant indispensable dans les exploitations. L’industrie emploie également des femmes notamment dans le domaine du textile et dans la proto-industrie rurale. Les enfants sont aussi exploités. Par exemple, dans les mines, leur petite taille leur permet de creuser les tunnels d’aération. Les femmes et les enfants sont les plus mal rémunérés. D’une manière générale, les travailleurs sont très contrôlés. Le livret ouvrier sert à surveiller et limiter les déplacements des salariés. Des règlements stricts imposent une discipline de fer. Dans les campagnes, les manouvriers  et les journaliers sont souvent payés au forfait ou à la tâche, ce qui impose un rythme de travail élevé pour espérer gagner un modeste pécule. Compte tenu des revenus, les logements sont souvent insalubres et exigus. Alain Corbin, historien de la société, a remarqué à l'étude des dossiers de conscription, la fréquence des infirmités chez les appelés issus des classes les plus défavorisées. Leur taille est également en général inférieure à celle des conscrits issus des classes supérieures.

 

Livret ouvrier : objet que chaque ouvrier porte sur lui. Il mentionne son nom , son prénom, son âge et son lieu de naissance  et de résidence ; sa profession et le nom du maître pour lequel il travail . Crée en 1803, il permet aux autorités de contrôler les déplacements des ouvriers et aux patrons d’imposer la discipline.

 

II Organisation et réflexion.

 

En France, jusqu'aux années 1880, le mouvement ouvrier est assez peu organisé. Les ouvriers constituent parfois des caisses de secours mutuel pour aider les familles en difficulté. Celles-ci peuvent parfois permettre aux familles d'ouvriers de tenir pendant les périodes de grèves. (Germinal, Emile Zola). Pendant longtemps, la loi sur les coalitions a empêché la constitution de syndicats.

 

Cependant le sort des plus humbles préoccupe de nombreux observateurs et penseurs de l’époque. Pour en donner l’illustration on peut se rappeler qu’en 1844, Louis Napoléon Bonaparte convaincu d’être appelé un jour à diriger la France, publie un ouvrage intitulé : L’extinction du paupérisme. Des enquêtes sociales sont menées notamment par Frédéric Leplay. C’est l’époque également où émergent différentes pensées socialistes. Les premiers socialistes proposent, pour commencer, des modèles d’organisation du travail et de la vie susceptibles d’améliorer le niveau de vie des plus humbles. Il n’est pas rare qu’ils mènent des expériences concrètes pour réaliser leurs utopie. En 1859, Jean-Baptiste André Godin entrepreneur, commence la réalisation du familistère de Guise en Picardie.  A partir des années 1850, la questions se politise et divise les socialistes. Parmi eux, les socialistes réformistes pensent pouvoir faire évoluer les choses en changeant les lois, tandis que les révolutionnaires comme Marx, Engel, Proudhon et bien d’autres pensent que le changement doit se faire de façon radicale. Cependant, anarchistes et marxistes s'opposent sur la question de la propriété et sur la place qu'ils accorde à l'Etat dans le monde à venir. Les anarchistes font peu de confiance à l’État. Ils préfèrent que les ouvriers se gèrent seuls. En 1864, tous les socialistes fondent quand même la première association internationale des travailleurs ( AIT).

 

III Protestation et répression

Malgré l’absence de structure légale le mécontentement des travailleurs se manifeste à l’occasion de grèves ou de mouvements populaires. Déjà, la fermeture des Ateliers nationaux en juin 1848 donne lieu à des manifestations violentes rapidement réprimées par Cavaignac. Les grèves se multiplient entre 1862 et 1864. Elles sont alors systématiquement réprimées. En juin 1869, les soldats de Napoléon III tirent sur les mineurs de Ricamarie en grève.

A l’époque aussi, l’urbanisme peut aussi être un moyen de gestion de la question sociale. Dans un siècle où les classes laborieuses apparaissent comme des classes dangereuses selon l’expression de Louis Chevalier  compte tenu du rôle qu'elles ont joué pendant la Révolution française puis en 1830 et en 1848, le baron Haussmann, préfet de Paris cherche à rejeter les plus humbles vers la périphérie en rénovant certains quartiers jusqu’alors populaires. Le percement de grandes avenues permet également de mieux contrôler les situations d’insurrection urbaine.

 

Grève : cessation collective et concertée du travail décidée par des salariés pour obtenir la satisfaction d'une ou plusieurs revendications.

 

IV Concessions

Dans ces conditions, les autorités sont tout de même obligées de faire quelques concessions. Sous la Monarchie de Juillet, la loi du 21 mars1841, interdit le travail des enfants de moins de 8 ans. Quel progrès !. Sous la Deuxième République, les  Ateliers nationaux sont une brève expérience pour offrir au chômeur une activité et un modeste revenu dans un contexte de crise sociale. Sous l’Empire, par la circulaire du 15 décembre 1851, Napoléon III rend le repos hebdomadaire obligatoire. Plus tard en réaction aux grèves, le 25 mai 1864 est votée une loi qui supprime le délit de coalition. C’est la loi Ollivier. La grève est désormais possible  à condition d'être non-violente et de ne pas empêcher les non-grévistes de travailler. Attention, le droit de réunion n’est pas pour autant reconnu et il faut attendre 1884 pour que soit véritablement accordé le droit à se syndiquer. 

 Au 19ème siècle, se développe également le paternalisme patronal. Il s'agit pour les chefs d'entreprises de s'assurer une main d'œuvre stable et de se conformer à un certain nombre d'exigences morales et religieuses en améliorant les conditions de vie de leurs salariés. Ainsi, les Schneider au Creusot, les Michelin à Clermont-Ferrand, les Peugeot à Sochaux créent des logements, des infrastructures scolaires et périscolaires, financent des activités culturelles et sportives pour améliorer le sort de leurs ouvriers.

 

Syndicat : association de personnes ayant en principe la même profession, chargée de défendre les intérêts communs de celle-ci.

 

Conclusion :

Dans un contexte d’industrialisation où la société connaît des transformations profondes, la question sociale est un problème majeur  que certains proposent de régler en donnant des réponses politiques, philosophiques, philanthropiques et architecturales. Certes les autorités et les employeurs font des concessions pour améliorer le sort et l’expression des plus humbles, mais il convient de rappeler que la lutte fut le plus souvent nécessaire pour les obtenir, quitte à courir le risque de la répression.