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La République et la question ouvrière : le Front populaire
Pb : Quelles sont les origines, la politique et le bilan
du Front populaire ?
I 1930-1936 : la
France en crise.
a) La crise économique.
La grande dépression touche également la France à partir
de 193. Les productions agricoles et industrielles chutent. La balance
commerciale est déficitaire. Le nombre de chômeurs augmente.
1932: 273 000 chômeurs.
1934:340 000
1936:500 000
Il existe plusieurs hypothèses susceptibles d'expliquer
la crise des années 30 en France et en Europe :
1-La crise des années 30 naît en 29 aux États-Unis et
contamine le reste du monde par la contraction des échanges et la raréfaction
des capitaux investis.
2-Des signes de récession liés à un déséquilibre entre
l'offre et la demande étaient déjà perceptibles en Europe avant 29, la crise ne vient donc pas des EU.
Récession: ralentissement du rythme de la croissance.
Croissance : augmentation
durable de la production de biens et de services.
b) La crise politique.
La troisième République est caractérisée par une grande
instabilité ministérielle . 24 cabinets ministériels se succèdent dans les
années 30 .
La république est aussi éclaboussée par l'affaire
Stavisky
Affaire Stavisky: Serge Stavisky,
directeur du Crédit municipal de Bayonne en 1931, il a détourné plusieurs
millions de Francs en garantissant des emprunts avec des bijoux volés. Arrêté
une première fois, il est libéré grâce à l'appui de deputes radicaux. Le
scandale est révélé en 1933 par la presse. Stavisky est alors retrouvé mort à
Chamonix. (suicide ou assassinat ? ).
Le 6 février 34, (
voir vidéo) les ligues d'extrême droite et des associations d'anciens
combattants profitent de ce contexte politique agité pour appeler à une
manifestation contre le renvoi du préfet de Paris Chiappe soupçonné de
complaisance à l'égard des ligues d'extrême droite. La manifestation réunit 100
000 personnes mais le bilan est lourd 15 morts et 2000 blessés. Elle entraîne
la démission d'Édouard Daladier, le jour même de son investiture.
On peut interpréter le 6 février 34 de deux façons :
1- une simple manifestation qui tourne à l'émeute. Pour René Rémond, il s'agit d'une simple
manifestation de rue sanglante que la
mémoire collective aurait oublié si elle n’avait pas tourné à la tragédie.
2- Un coup d'État préparé.
On peut, en tous cas, parler de mouvement séditieux puisqu'il y a révolte contre
l'autorité de l'État. On peut également qualifier le 6 février d'opération de
déstabilisation de la IIIème République (Serge Berstein- Pierre Milza).
Les ligues : 1908: action française
(anti-parlementariste, monarchiste ; groupe de choc les camelots du
roi).(60000)
1927:
les croix de feu ancien mouvement d'anciens combattants politisé- Mené par le
colonel De la Rocque (100000 à 150000)
1924
-. jeunesse patriote , mouvement de l'industriel Taittinger pour un régime
d'extrême droite (90000)
Le francisme de Buccard financé par le parfumeur P. Coty
et Mussolini. (10000)
1925 les faisceaux de Georges Valois, inspirés par le
fascisme italien.
Remarque : un groupe d'anciens combattants communistes,
l'ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants) participe à la manifestation
contre le gouvernement.
c) La crise sociale
En mai-juin se développe un important mouvement de grève.
Les grèves touchent 2 millions de salariés ( SB et PM).
Antoine Prost relève que ces grèves concernent 12 000 usines dont 9000 sont
occupées par les employés.
Manifestations et motivations :
Pour Gérard Noirel, début mai, ce sont des grèves sur le
tas plutôt bon enfant. Elles concernent des ouvriers qualifiés de
l'aéronautique , l'automobile qui rejettent la taylorisation et l'évolution de
leurs conditions de travail.
Fin mai, ce sont des ouvriers spécialisés, des employés
peu qualifiées souvent non syndiqués qui
débrayent. Le mouvement prend un tournant plus violent.
Conclusion : les temps sont
difficiles d'un point de vue économique, politique et social et la république
est en difficulté.
II L'expérience du
Front Populaire.
Les communistes, les socialistes de ta SFIO et les
radicaux interprètent le 6 février comme un coup d'État et décident de
constituer une alliance contre le fascisme.
Débat :
La coalition de Front Populaire est elle une réaction
spontanée au 6 février 34 ?
Pour Antoine Prost, la contre-manifestation à l'appel de
la gauche française, le 12 février 34 marque bien la naissance du Front
populaire dans les masses, sinon encore parmi les hommes politiques.
Mais la participation du PCF doit beaucoup au changement
de cap de la diplomatie stalinienne. Désormais pour le Komintern, l’ennemi prioritaire n’est plus le socialisme mais le
fascisme. Il prescrit une ligne de rassemblement
populaire. Le feu vert de Staline aux dirigeants communistes pour un Front
Populaire aurait été donné dès 1934 ( conférence d'Ivry);
Il semblerait également que la coalition de Front
populaire soit une nécessité électorale, les forces de gauche ayant subi un
échec aux élections législatives de mai 35.
Komintern : (Internationale
communiste ou troisième Internationale) ensemble des partis communistes
européens qui avaient rompu avec les partis socialistes. Elle est, en réalité,
dirigée par le Parti communiste d'Union soviétique, pour servir les intérêts de
Staline.
Aux élections de mai 1936, la coalition de Front
Populaire est victorieuse et le socialiste Léon Blum forme un gouvernement-
Seuls les socialistes et les radicaux y participent. Les communistes
soutiennent seulement le gouvernement.
Pour la première fois trois femmes entrent dans la gouvernement :Les
femmes in gouvernement : Cécile Brunschvicg, Irène Joliot-Curie et Suzanne
Lacore.
a)Les mesures du front populaire.
Le Front populaire adopte un certain nombre de lois et
signe les accords de Matignon ( juin 1936). Ces objectifs sont les suivants :
Ranimer l'économie. Il s'agit de soutenir la consommation
et la production en augmentant les salaires ( accords de Matignon, en créant
l'ONIB (Office national du blé) qui achète les productions agricoles à des prix
fixés par l'Etat pour maintenir le revenu des agriculteurs. Ainsi, le prix du
quintal de blé passe de 80 F. en 1935 à 140 F. en 1936.
Résorber le chômage. Une politique de réduction du temps de
travail est alors menée. (loi sur la semaine de 40 heures, 15 jours de congés
payés).
Intervenir dans l'économie : La création de
l'ONIB en est déjà une illustration, mais il faut noter également que des
nationalisations sont opérées dans l' armement ( août 36 loi sur la
nationalisation des industries de guerre) La SNCF est également créée. Le
fonctionnement de la banque de France est démocratisé ( elle n'est plus
contrôlée par les 200 familles)
Améliorer le bien-être et la sécurité des travailleurs :Les accords
Matignon permettent aux ouvriers d'élire des délégués, des conventions
collectives sont mises en place
Conventions
collectives : Contrats conclus entre les représentants du patronat et
des salariés d'une branche professionnelle sur les conditions de travail et de
rémunération.
Léo Lagrange ( sous-secrétaire d'Etat au sport et aux
loisirs) surnommé "Ministre de la paresse" par ses adversaires,
favorise le développement des loisirs pour les catégories les plus populaires (
billets de train à tarifs réduits, auberges de jeunesse, aide au théâtre et aux
associations culturelles).
b) Le bilan du Front Populaire.
Bilan économique
Le bilan économique du Front Populaire n'est pas bon
L'inflation reste forte, cela provoque une baisse du pouvoir
d'achat des français. Après une légère reprise, la production, rechute et le
chômage ne baisse pas.
Explications :
L'inflation s'explique par le fait que la demande a
augmenté plus vite que l'offre, en effet, les quarante heures se sont soldées
par une stagnation de la production, beaucoup d'entrepreneurs n'ayant pas
compensé la perte d'heures de travail en embauchant ou en modernisant
l'appareil de production.
L'inflation rend également les produits français moins
compétitifs à l'exportation.
La dévaluation du franc annoncée le 26 septembre 36, ne parvient par à enrayer cette évolution.
En Février 37, Blum annonce donc une pause, c’est à dire l’abandon momentané
des projets de réforme sociale.
Bilan social : il est plus positif. L'amélioration des
conditions de vie et de travail des salariés est réelle.
c) la fin du front populaire.
Le gouvernement de Front populaire est confronté à
plusieurs difficultés : la défiance des milieux d'affaire et du patronat( Dès
juin 36 départ de capitaux vers la suisse- Entre 1935 et 1937, le stock d'or de
la Banque de France fond de 50 -%.déstabilisation de la monnaie), la
désaffection et les craintes d'une soviétisation exprimée par les classes
moyennes, la déception des ouvriers à la suite de la non-intervention en
Espagne et de la fusillade de Clichy ( Mars 37).
Fusillade de
Clichy : Des contre-manifestants de gauche venus s'opposer à la
manifestation d'un parti d'extrême droite le PSF (Parti social Français) sont
victimes (6 morts et 200 blessés) d'une fusillade. Léon Blum et accusé d'être
un fusilleur du peuple.
L'extrême droite est extrêmement agressive
Dès juin 1936, à la chambre des députés, le conservateur
Xavier Vallat répond à la déclaration d'intention de Léon Blum : « Pour la première fois,
ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un juif »
En novembre 36,
Roger Salengro ministre de l'intérieur est accusé à tort par le journal "Gringoire" de désertion pendant la
guerre. II se suicide.
Dans l' " Action Française" Charles Maurras
lance contre Léon Blum de véritables appels au meurtre.« ce Juif allemand
naturalisé, ou fils de naturalisé... Il suffit qu’il ait usurpé notre
nationalité pour la décomposer et la démembrer. Cet acte de volonté pire qu’un
acte de naissance aggrave son cas. C’est un homme à fusiller mais dans le dos »
Les difficultés économiques et l'adhésion de plus en plus
limitée d'une minorité de français entraîne la chute du Gouvernement de Front
Populaire ( Juin 37 : Léon Blum demande les pleins pouvoirs
financiers la droite et les radicaux
renverse le gouvernement) qui malgré une tentative de rétablissement (Printemps 38 nouvelle tentative de Blum de
créer un gouvernement de FP )est définitivement renversé en avril 1938. Le chef
des radicaux Edouard Daladier, devient président du conseil. Entrent dans son
gouvernement des hommes de droite (Paul Reynaud, Georges Mandel). Parmi les
faits marquant de ce gouvernement , il convient de rappeler que Daladier signe
en septembre de 38, les accords de Munich qui acceptent l'annexion par l'Allemagne
d'une partie de la Tchécoslovaquie, en principe alliée de la France.
Ensuite, en novembre 1938, Paul Reynaud, ministre des
Finances fait adopter par le gouvernement des décrets-lois qui autorisent le
dépassement des 40 heures hebdomadaire de travail.
Pour Antoine Prost, la répression de la grève générale
organisée contre l’abrogation de la semaine de 40 heures marque la fin du FP le
30 novembre 1938. La portée des 40 heures fut donc limitée dans le temps.
d) La mémoire du front populaire
Pourquoi malgré tout le Front Populaire a-t-il marqué les
esprits ?
Le bouc émissaire du gouvernement de Vichy.
Pendant la guerre, le gouvernement de Vichy considère la
III ème république et le FP en particulier comme responsable du désastre de 40.
Les responsables politiques auraient laissé s'affaiblir la France. L'esprit du
font populaire et qualifié d’esprit de jouissance par Pétain. C'est tout l'enjeu du procès de Riom. ( 19
février - 14 avril 42).
Une référence pour la gauche française.
Une référence sociale.
Certains ont retenu de 36 la conquête de mesures sociales
par la lutte sur le terrain et la valorisation de la condition ouvrière qui
s'en est suivie.
Une référence politique.
C'est la première participation des communistes à une coalition
politique. Cette expérience est restée comme l'exemple d'une gauche unie face à
un danger fasciste.
C'est également un tournant historique fondamental de
voir associés un mouvement social à un gouvernement légalement désigné.
Première participation de femmes au gouvernement en
nombre.
Un échec économique pour la droite.
Certains retiennent du Front Populaire, l'incapacité des
réductions du temps de travail et de la relance par la consommation à rétablir
la situation économique.
Conclusion : Il constitue un temps fort de la mémoire nationale. C'est un mythe
mobilisateur de notre histoire contemporaine.
Conclusion: Dans les années
30, la troisième République est menacée. Elle traverse une crise économique, sociale
et politique majeure notamment avec le développement de
l'antiparlementarisme. Cette période est
marquée par la violence de l'affrontement entre la gauche et la droite.
Après l'épreuve du 6 février 34, le
Front Populaire est présenté comme un sursaut face au péril fasciste. Malgré un programme
ambitieux, le bilan économique du Front populaire se révèle négatif. Déstabilisé par l'hostilité de certains milieux économiques
et politiques et par la désaffection croissante des ouvriers et des classes
moyennes, le Front populaire connaît donc une fin rapide. Le FP marque
cependant durablement les esprits. Certains retiennent l'ambition de expérience
sociale, d'autres présentent le FP comme un repoussoir responsable de tous les
maux de la France. Sur la fin de la période la république est confrontée aux
menaces croissantes générées en Europe par les régimes totalitaires. Sera-t-elle assez forte pour endurer un
nouveau conflit généralisé ?
Bibliographie :
P. Berstein, La
France des années 30 ,coll. Cursus Armand Colin, 1988.
Dominique Borne, Henri Dubief, La
crise des années 30 , Le seuil, 1989.
Kergoat Jacques, La
France du Front Populaire, La découverte 2003.
Danielle Tartakovski,
Le Front Populaire , la vie est à
nous, coll. découvertes, Gallimard 1999.
Wolikov serge , Le
Front Populaire, Complexes 1996
Michel winock et Séverine Nikel , La gauche ou pouvoir :l’héritage du front populaire ,Bayard 2006.
Film : La France
dans les années 30, conception, Dominique Bollinger, Pierre Gavary, CNDP ,
1987, avec la participation de J-P Rioux.
Léon Blum (1872-1950)
Homme politique français, Léon Blum dirige le parti
socialiste (la SFIO : Section Française de l'Internationale Ouvrière) à partir
de 1920.
Il préside deux gouvernements du Front Populaire (1936 et
1938). Il est alors à l'origine de nombreuses mesures sociales (Congés payés
par exemple).
Arrêté en 1940, il est jugé par le régime de Vichy et livré aux nazis pour être
déporté en Allemagne de 1943 à 1945.
Après la guerre, il est président
du Conseil d'octobre 1946 à janvier 1947.