Séries :
1L, 1ES, 1S
Titre : La
croissance économique et ses différentes phases depuis 1850
Problématique :
De 1850 à nos jours, peut-on distinguer différentes phases de croissance ? A
ces différentes périodes, la croissance repose-t-elle sur des bases différentes ? Arrive-t-il
que cette croissance soit remise en cause ? Si oui, l’est-elle toujours
pour les mêmes raisons ?
I (1850-1945) Une croissance liée à l’industrialisation
et à ses progrès. …
a)
…qui se
manifeste par une augmentation de la production et de la productivité.
De
1850 à 1939, on observe dans les pays d’Europe de l’ouest et aux Etats-Unis de
fortes augmentations de productions. En France, par exemple pour la période qui
nous intéresse l’indice de la production évalué passe de 42.2 à 139. D’une manière générale dans ces pays en cours
d’industrialisation, la croissance est en moyenne de 2%, ce qui n ‘est finalement pas si rapide en
comparaison avec la période précédente. Cette croissance s’accompagne d’une
augmentation de la productivité.
Croissance : augmentation et amélioration de la production
de biens et de services sur plusieurs dizaines d'années, autrement dit un
accroissement durable de la production globale d’une économie
Productivité : (définition simple pour les besoins de
l'enseignement en histoire) : c'est le rapport entre une production et les
moyens nécessaires pour la réaliser
Industrialisation : « …ensemble complexe, comprenant une
croissance économique, une augmentation de la part de la production industrielle,
un développement du machinisme et des changements sur l'organisation du
travail ». Patrick Verley.
b)
Elle résulte de
la combinaison de différents facteurs et à l’intervention de différents
acteurs.
La croissance
qui s’amorce alors s’explique de plusieurs façons. D’abord, elle est liée à
la multiplication des innovations.
La machine à vapeur est mise au point en 1769 par James Watt. Les méthodes
de productions changent également. On passe ainsi du domestic system au factory
system puis au fordisme. Ce
système reste la référence en matière de production jusqu’à la fin des années
60. D’une manière générale, on assiste à une mécanisation de la production. Grâce à ces changements dans la
façon de produire, à partir de 1850, selon Patrick Verley, la croissance n’est plus seulement extensive (essor
des productions textiles et sidérurgiques, développement des échanges, urbanisation). Elle devient également intensive grâce une meilleure productivité. Par ailleurs,
le capitalisme financier (bourses,
actions, banques d’affaires et de dépôt) soutient les efforts du capitalisme industriel pour augmenter
ses moyens de production. La croissance est également soutenue par l’augmentation de la population. En
1850, grâce à la transition
démographique et aux progrès de
l’agriculture, l’Europe compte 266
millions d’habitants, soit un quart de la population mondiale de
l’époque. Si fin 19ème siècle, le
charbon associé à la vapeur reste l’énergie dominante, on voit se
développer le recours à l’électricité et
aux hydrocarbures dans le contexte des débuts de l’automobile, de
l’industrie mécanique et de la chimie.
Pour terminer, les puissances coloniales en cours
d’industrialisation profitent alors de matières premières et des sources
d’énergie accessibles à des prix raisonnables. Elles peuvent également écouler
leurs productions sur les marchés
quasiment exclusifs constitués par leurs colonies.
Domestic system : organisation
économique fondée sur le travail à domicile, notamment dans le textile. La main
d'œuvre reçoit la matière première à domicile, la transforme sur place, puis la
remet à un patron qui se charge de la commercialisation. Les salaires sont
souvent inférieurs à ceux pratiqués dans les fabriques.
Factory system : Dans des
ateliers industriels sont rassemblés les ouvriers, la matière première, les
machines et l’énergie.
Fordisme : mode de production basé sur la standardisation,
la rationalisation de la production ( OST-Taylorisme) et une rémunération
destinée à intéresser les salariés et en faire des clients.
Transition démographique :
passage d'un ancien régime démographique caractérisé par une natalité, une
mortalité élevées et un accroissement naturel relativement faible à un nouveau
régime démographique caractérisé par une natalité et une mortalité faible
(comme aujourd'hui en dans les pays industrialisés) et un accroissement naturel
faible. Entre temps, la baisse précoce de la mortalité et le maintien d'une
natalité élevée sont à l'origine d'un accroissement naturel élevé.
c)
…mais elle peut
connaître des ralentissements
La
croissance connaît cependant des crises et des dépressions liées à différents cycles
économiques. La grande dépression
des années 1873 à 1896 peut être
expliquée par des cycles Kondratieff.
Le krack boursier de 29 et la dépression des années 30 qui lui
succède s’inscrit dans les phases d’un cycle
court appelé cycle Juglar. Cette
phase de croissance lente perdure jusqu’à la seconde guerre mondiale.
Cycles Juglar : cycles caractérisés par quatre phases :
Expansion, crise, dépression, reprise. Les crises peuvent être provoquées par
des krachs boursiers ou par un déséquilibre entre l'offre et la demande.
Remarque, c’est à l’issue de la crise de 29 (jeudi noir-24 oct1924) que fut
inventé en 1934, un nouvel indicateur de
richesse : le Produit Intérieur Brut.
Cycles Kondratieff : cycles d’une cinquantaine d’année qui voient se
succéder une phase A au cours de laquelle les prix et les profits augmentent
ainsi que les embauches et une phase B pendant laquelle les prix et les profits
baissent tandis que le chômage augmente. Les innovations et les découvertes de
mines d’or peuvent expliquer ces fluctuations des prix.
Crise : c'est le moment précis
où la conjoncture se dégrade à la suite d'une période d'expansion.
Dépression : Phase de
stagnation durable de l'activité voir de recul de celle-ci accompagnée par une
montée du chômage, un recul des prix et des profits.
II (1945-1971)….puis au développement d’un modèle de
consommation
a)
…Après la
reconstruction
En
Europe, la population est sollicitée pour contribuer à l’effort de
redressement. Le plan Marshall, programme d'aide américain destiné à
stimuler la reconstruction de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale, est proposé
en 1947 et adopté par le Congrès américain en avril 1948. Il est prévu pour
une durée de quatre ans et porte sur une somme de 13 milliards de dollars, dont 85 % de
dons et 15 % de prêts à long terme. L'Organisation européenne de
coopération économique (OECE-future OCDE) est créée pour accompagner la
mise en œuvre de cette aide dans les seize pays européens qui l'ont
acceptée. Elle doit permettre de
soustraire ces pays de l’influence communiste. Elle crée également en Europe
une demande solvable pour les produits industriels américains. Les accords de Bretton
Woods en 1944 instaurent le système du même nom. Dans ce système, l’or est
l’étalon universel des valeurs (étalon de change-or, ou Gold Exchange
Standard). Le dollar, monnaie de référence internationale, est convertible
en or : 31.10 g d’or = 35 $. Les Etats-Unis détiennent d’ailleurs à ce moment
là les 2/3 du stock d’or mondial. Les monnaies ont donc des parités fixes
(ou presque) par rapport à l'or ou au dollar. Les monnaies ainsi stabilisées,
la reconstruction et le commerce se font dans un contexte plus favorable. A Bretton Woods fut également mis en
place un Fonds Monétaire International (FMI), financé pour 1/4 par les
EU pour venir en aide aux pays dont la stabilité monétaire était menacée. Une Banque
Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) fut
fondée, les EU assurèrent 35 % de son financement. L'URSS présente à cette
conférence refusa de participer à ces deux institutions. Est également mis en
place un système de négociations commerciales (GATT- General Agreement on
Tariffs and Trade). Le premier round de discussion eu lieu à Genève en 1947.
Voilà les bases de la croissance à venir.
Parité fixe : Valeur constante d’une monnaie par rapport à une
autre.
a)
…l
‘augmentation de la demande et un
contexte favorable …
La
croissance est due à une combinaison de facteurs. Elle est d'abord liée
à l’augmentation de la consommation. Celle-ci s'explique de plusieurs
façons. D'abord la population mondiale augmente. Elle est passe de 2,5
milliards d'habitants en 1950 à 3,6 milliards en 1975. Dans les pays
industrialisés, l’augmentation de la fécondité constatée après la guerre
jusqu’en 1965 est qualifiée de baby-boom. Dans le même temps, on assiste
à une augmentation du niveau de vie et à un développement du crédit
et de la publicité. Cela permet d’entretenir la demande. On voit se
mettre en place une véritable société de
consommation. Par ailleurs, le commerce mondial prospère grâce à l'amélioration
des transports (supertankers,
conteneurisation). Enfin, de nombreuses innovations techniques,
le coût relativement faible des matières premières permettent de
réaliser des gains de productivité.
Société de consommation :
Société des pays développés où la raison d’être principale est l’acquisition de
biens matériels ou de services sans cesse renouvelée.
b)
… entretiennent
une croissance forte .
1945-1973
correspond à une période de croissance rapide. Dans cet intervalle, la
production mondiale a été multipliée par 3. La croissance annuelle était alors
de 5 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. L'économiste Jean
Fourastié a donné à ces années le nom de "trente glorieuses".
Au Japon, pendant la période dite de « haute croissance », elle est de 10%.
PNB : Produit national brut.
Ensemble des richesses réalisées par les entreprises d'un pays.
PIB : Produit intérieur brut :
Ensemble des richesses réalisées sur le territoire d'un pays.
III remis en cause dans un contexte de crise économique
et écologique
a)
Une crise d’un
genre nouveau
Au
début des années 70, le rythme d’augmentation de la production ralentit. La croissance du PIB
mondial est passée de 6 % en 1973 à 0,6% en 1974. On parle de dépression
plutôt que de crise. Le chômage augmente. Il passe, par exemple,
de 5 % de la population active en 1975 à 10 % en 1982 dans les pays de l'OCDE.
Les prix augmentent eux aussi. On parle d'inflation. Dans les
pays de l'OCDE, l'inflation a atteint 10 % /an en 1975. Pour la première fois, contrairement aux
crises classiques du 19ème et du 20ème siècle, on assiste en même temps à un
ralentissement de la croissance et à une augmentation des prix. On a donc
parlé pour qualifier cette situation de stagflation.
Pour Nicolas Baverez aux "trente glorieuses "auraient
donc succédé les " trente piteuses". Cette expression
est discutée car le PIB a continué à augmenter. Il a doublé, en effet,
entre 1973 et 2000.
Dépression: diminution
prolongée du taux de croissance de la production.
OCDE : Organisation de
coopération et de développement économique créée en 1948 (OECE) pour favoriser
la reconstruction européenne. (voir plus haut)
Inflation : Augmentation
durable des prix. C’est l’originalité de cette crise, elle associe en effet un
ralentissement de la croissance à une augmentation de prix.
Stagflation : situation
économique caractérisée à la fois par l’inflation et la stagnation ou
ralentissement de la croissance économique.
b)
aux causes multiples.
Dès
1971, les EU conscients des limites des réserves en pétrole acceptent l’idée
d’une l’augmentation du prix du pétrole. Mais on retient en général, l’impact
plus tardif des chocs pétroliers. En
1973, lors de la guerre du Kippour, les pays du Proche-Orient
décident des hausses du prix du brut allant jusqu'à 100 % et l'embargo des
livraisons vers certains pays, notamment les Etats-Unis qui soutiennent alors
Israël (Remarque : en réalité les américains n’ont jamais manqué de
pétrole au Vietnam) . C'est le premier choc pétrolier. Le second choc
pétrolier survient en 1979 à l'occasion de la Révolution
iranienne : en un an, les prix du brut doublent (de 14 à 28 dollars le baril).
Entre 1973 et 1980, le prix du pétrole est multiplié par dix. Mais les chocs
pétroliers de 1973 et 1979 n’expliquent qu'en partie seulement la hausse
des prix. En effet, des désordres monétaires sont également responsables de l'inflation
.En 1971, les Américains décident de supprimer la convertibilité du
dollar en or. Ils mettent ainsi fin au système de Bretton Woods. Moins
limités dans leurs politiques monétaires, les Etats font fonctionner la planche
à billets (ils impriment plus de billets) pour financer leurs dépenses. Mais ce
gonflement artificiel de la masse monétaire et l’affaiblissement de la valeur
des monnaies entretient la hausse des prix. On observe également une baisse de
la productivité des entreprises. Elle est due à la hausse du coût du pétrole
et à un essoufflement des innovations et des investissements. Enfin, on
assiste à un tassement de la consommation. Beaucoup de ménages étaient
déjà équipés et dans les pays développés, la croissance démographique s'est
ralentie.
c)
Des réponses et
les bases d’une nouvelle croissance
Les
Etats adoptent au moins deux grands types de politiques. Certains gouvernements
adoptent des politiques de relance assimilables à des tentatives
keynésiennes. L’objectif est alors de relancer la production en favorisant
la consommation. Les indemnisations du chômage sont augmentées. L’Etat
intervient en créant des emplois et en
aidant les entreprises en difficulté. Certaines peuvent d’ailleurs
éventuellement être nationalisées. Cette politique a cependant des inconvénients.
Elle rend nécessaire le maintien de charges fiscales et salariales importantes.
Elles s’accompagnent souvent d’un déficit budgétaire. Cette situation peut
favoriser l’inflation et l’affaiblissement de la monnaie.
Exemples
: Jacques Chirac en 1975, Pierre Mauroy en 1981-1982 (Il parvient cependant à
contrôler l’inflation), Jimmy Carter aux Etats-Unis en 1977-1978.
D’autres
gouvernements préfèrent adopter des politiques d’austérité d’inspiration
strictement libérale. On parle aussi parfois de politiques de rigueur. Les objectifs sont alors les suivants :
rendre les entreprises compétitives en réduisant leurs coûts et réduire
l’inflation. Pour cela, les dépenses publiques sont baissées, le chômage est
moins indemnisé, les prestations sociales sont limitées. Dans le même temps,
les prélèvements obligatoires sont abaissés et la hausse des salaires est
bloquée. Certaines entreprises du secteur public sont privatisées. On assiste à
un désengagement de l’Etat. Seulement les gains de productivité n’ont pas
toujours profité à l’investissement. Dans certains pays, comme aux Etats-Unis,
on a plutôt assisté à une augmentation de la spéculation. Par contre, l’emploi
devient plus précaire, la pauvreté et les inégalités augmentent.
Exemples
: Margaret Thatcher, 1979, Ronald Reagan 1981.Aujourd’hui, la politique menée
s’apparente plutôt à une politique d’austérité même si le gouvernement
s’en défend.
Pour
réduire leurs coûts et augmenter leur productivité, les entreprises
robotisent, adoptent de nouvelles technologies (cybernétique, les biotechnologies, l’informatique et nanotechnologie) et changent de mode de production. Ainsi,
le toyotisme s’impose peu à peu dans certaines usines. A partir des années
90, s’accélère le rythme des délocalisations.. Cette politique
rend plus difficile la lutte contre le chômage.
Toyotisme : mode de production basé sur l'automatisation,
l'intéressement des salariés, le développement de la qualité et une production
déterminée par la demande.
d)
qui tarde
cependant à revenir dans les pays
développés
Malgré l’ensemble de ces
mesures, les croissances fortes tardent à revenir. Dans les pays développés, le
rythme de croissance peine à dépasser les 3%. Seules les nouvelles puissances
comme la Chine (10%), connaissent des croissances rapides.
e)
au risque de
voir son modèle remis en cause.
Le
modèle de développement est d’abord fragilisé sur sa base financière. Le crédit
a longtemps soutenu la consommation, les investissements et les dépenses publiques. Mais en 2008, la crise des « subprimes »
ébranle le système. La crise
financière devient ensuite une crise
économique et sociale .Elle devient également politique, car la dette et les
solutions proposées remettent en cause
la souveraineté des Etats. Par ailleurs, le capitalisme financier semble avoir
pris le pas sur le capitalisme industriel et sur l’économie réelle.
A
l’heure du débat sur la réalité et l’origine humaine du réchauffement
climatique, le modèle technologique et consumériste de la croissance est
contesté. La planète semble ne plus pouvoir supporter les prélèvements en
matière de ressources non renouvelables, ni absorber les déchets produits.
Certains à la suite des travaux du club de Rome et de la commission Bruntland
préconisent l’adoption d’un développement
durable capable de satisfaire les besoins du moment sans compromettre les
capacités des générations futures à satisfaire les leurs. D’autres, plus
radicaux, prônent la décroissance.
Crise des « subprimes » : Crise provoquée par l'accumulation de créances douteuses à des taux
variables concédées par les banques. En difficulté financière, celle-ci
finissent par rendre le crédit plus couteux. Cela freine la consommation et
l'investissement.
Décroissance : ensemble de thèses qui prône l’amélioration du niveau de vie du plus
grand nombre associé avec une réduction de l’activité économique en partant du
principe que le modèle actuel de croissance et de développement est
incompatible avec les capacités réelles de la planète.
Conclusion : On peut donc effectivement distinguer plusieurs
phases dans la croissance. Jusqu’ à la seconde guerre mondiale, elle repose sur
une extension de la demande associée à une intensification de la production. On
observe cependant des cycles dans son évolution. Après la seconde guerre
mondiale, les progrès en matière de productivité se confirment, les marchés
s’élargissent avec la mondialisation, mais la demande s’intensifie également
avec la mise en place de la société de consommation. Mais au début des années
70, la croissance est compromise par la stagflation. Par la suite, on peine à
sortir des croissances molles dans les pays développés. Les bases financières
sont ébranlées par la crise des « subprimes » et la question de la
dette. Le modèle consumériste s’avère incompatible avec les capacités de la
planète.
Auteur :
Nérée Manuel
Bibliographie :
VERLEY Patrick, Nouvelle Histoire économique de la France
contemporaine, La découverte, 1989
CARON François, Histoire économique de la France 19-20 ème
siècles, Colin, 1995.
BRIONNES H., TELLENNE C.,
Mondialisation, environnement et développement, zoom Géo, ellipses, 2004.
BRUNEL S., A qui profite le
développement durable ?, Coll. A dire vrai, Larousse, 2007
LESOURD J.A, GERARD
C ;, Histoire économique XIXe-XXe siècles, t1, Armand Colin, 1963.
Dernière mise à jour : 09/11