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1954-1962 : la Guerre d’Algérie, les origines d’une décolonisation qui se passe mal

La prise d’Alger en 1830 marque le début de la conquête de l’Algérie. Celle-ci ne s’achève réellement qu’en 1934 avec le contrôle de certains territoires sahariens. En 1954, l’Algérie Française est un territoire de 2 380 000 km² comprenant au nord trois départements et au Sud des territoires militaires. En 1954, on compte alors là-bas près de 10 000 000 d’habitants. C’est dans ce contexte que débute ce que la France ne désigne officiellement qu’en 1999 comme étant la « Guerre d’Algérie ».

Pourquoi en Algérie la décolonisation fut-elle si difficile ?

I Les enjeux de l’Algérie de 1954 sont à l’origine 

a)     L’échec  d’une colonie de peuplement

Assez vite l’objectif de la France est de faire de l’Algérie une colonie de peuplement.  Mais le caractère limité de l’émigration de colons français non compensé par le dynamisme démographique ou par les compléments européens  en provenance d’Italie, d’Espagne, de Malte et autres, explique qu’en 1954, les Européens sont 1millions alors que les Arabes et Kabyles sont 9 millions  et les juifs 150000.

b)     Un système colonial inégalitaire.

L’Algérie présente un intérêt majeur aux yeux de la France. Le Sahara devient dès les années 30 un champ d’expérimentation militaire (armes chimiques et biologiques à Namous, fusées à Colomb Béchar, expérimentation atomique à partir de 1957 à Reggane). La rentabilité économique est discutée par Jacques Marseille ou Paul Bairoch, à la suite de De Gaulle qui déclarait en 1961 « L'Algérie nous coûte — c'est le moins qu'on puisse dire — plus cher qu'elle ne nous apporte. ». La  mise en valeur économique est cependant un objectif de la colonisation de l’Algérie. Elle passe par l’exploitation de produits du sous-sol (phosphates, pétrole, gaz) et de produits agricoles (vigne, céréales, cultures maraichères et agrumes). La répartition de la propriété foncière est cependant très inégalitaire. Certes en 1950, les colons européens ne détiennent que 27 % des terres cultivables, mais ils ne représentent que 2% des actifs agricoles et ils détiennent de grandes surfaces souvent dans les meilleurs terroirs de la plaine côtière et des collines voisines. Par ailleurs, en dépit du statut de 1947 qui met en place une assemblée algérienne, par le système du double système électoral, les européens sont mieux représentés que les arabes et kabyles (60 députés pour représenter chacun des deux groupes). L’administration de l’Algérie reste encore essentiellement directe

c)     L’affirmation de revendications nationales

Face à ces inégalités, les revendications ne sont pas nouvelles.  Dès 1937  Messali Hadj fonde un parti : le Parti du Peuple Algérien(PPA) qui, pour faire simple, devient ensuite le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), puis le Mouvement National Algérien (MNA) en 1954. Le 8 mai 1945, à l’occasion de la libération, à Sétif en Algérie, éclate une émeute. Le drapeau algérien est brandi, plus de 80 européens sont tués. La répression fait entre 20000 et 100000 (selon les sources) algériens tués dans le constantinois. En 1946, Ferhat Abbas fonde l’Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA). En 1954, à Alger est crée la Front de Libération Nationale (FLN) dont les chefs les plus connus sont Ahmed Ben Bella , Hocine Aït-Harmed ou Mohamed Boudiaf.

 II … d’une « guerre » de huit ans qui ne dit pas son nom

a)     1954-1956, les « événements ».

 Le 1 novembre 1954, éclate une trentaine d’attentats dirigés contre les français (toussaint sanglante). Ils font neuf morts. Le mouvement indépendantiste s’engage divisé dans la lutte armée. Les combattants du FLN-ALN et ceux du MNA qui se livrent à une lutte fratricide. Malgré tous, entre 1954 et 1956, l’insurrection progresse depuis les différents foyers de l’est et de l’ouest algérien.  C'est le début de la guerre d'Algérie, mais on ne parle alors que d’ « évènements ». La France reste attachée à son empire. François Mitterrand ministre de l'intérieur de l’époque déclare : " l'Algérie c'est la France ".

MNA : Mouvement National Algérien fondé par Messali Hadj.

FLN  (Front de Libération Nationale): parti nationaliste créé à Alger en 1954. 

b)     1956-1958, la tentative de rétablir l’ordre militairement.

En 1956, l'effort de guerre s'intensifie. L'objectif de la métropole est de maîtriser la guérilla avant négociations. Le contingent est envoyé, le service militaire passe à 27 mois, les réservistes sont appelés, des supplétifs (futurs Harkis) sont recrutés. A  partir de cette année là, les effectifs de l’armée française sont toujours supérieurs à 400000. En octobre, Ben Bella est arrêté à l'occasion d'un détournement d'avion illégal. Le FLN répond par des attentats sanglants (314 morts en 14 mois). L'armée se lance alors dans une « opération de maintien de l'ordre », c'est la bataille d'Alger en 1957. Au terrorisme, elle oppose sans distinction de race et de sexe, la torture et la justice expéditive (Maurice Audin-Larbi Ben M’hidi). Ailleurs, l’armée française cherche à maintenir son avantage militaire (politique du 10 pour 1, engagement de supplétifs appelés «harkis », contrôle des frontières avec la Tunisie et le Maroc) et à couper les combattants de l’ALN de la population (zones interdites, regroupements, encadrement sanitaire et éducatif de la population). Dans l’intérieur de l’Algérie, la guerre que se livre FLN et MNA se poursuit. A Melouza, le FLN est, semble-t-il , du massacre de plus de 300 villageois soupçonnés de soutien au MNA. En 1958, ce qu’on appelle le plan Challe du nom du général qui l’organise, semble connaître certains succès militaires. Mais en mai,  Pierre Pfimlin (MRP) réputé favorable à des négociations avec le FLN est nommé à la présidence du conseil.  Des militaires forment donc à Alger  un comité de salut public présidé par le général Massu. Ils appellent De Gaulle au pouvoir car il semble incarner alors l’attachement à l’empire colonial. Sous cette pression, il  est donc investi Président du Conseil le 1 juin 1958 par l'Assemblée nationale. Il lance à Alger le 4 juin 1958 la formule ambigüe  « je vous ai compris ».

Contingent : ensemble des jeunes gens qui au cours d'une même année sont appelés sous les drapeaux pour accomplir leur service militaire.

c)      1958,  le tournant  qui mène à la fin de la guerre d’Algérie.

Le 6 juin à Mostaganem de Gaulle déclare  «Vive l’Algérie Française ». Il donne alors le sentiment de vouloir maintenir les départements français d’Afrique du nord dans le cadre français. Il dit cependant le lendemain à son collaborateur Pierre Lefranc « Nous ne pouvons pas garder l’Algérie ». En septembre 1959, il reconnaît le droit des algériens à l'autodétermination et travaille à faire accepter cette idée à la population métropolitaine et aux européens d’Algérie. Mais certains d’entre eux s'opposent à ce processus.  En janvier 60, en Algérie, les partisans de l’Algérie Française s’insurgent à l’occasion de la semaine des barricades.  Cependant,  le 8 janvier 1961, 75% des français se prononcent pour l’autodétermination de l’Algérie. Les activistes de l’Algérie Française ne désarment pas pour autant puisque certains fondent en 1961, l’Organisation Secrète Armée (OAS) et en avril Challe, Zeller, Jouhaud et Salan réalisent le putsch des généraux.  De Gaulle utilise l’article 16 pour rétablir l’ordre mais il échappe de peu à deux attentats organisés par l’OAS, le 8 septembre 1961 à Pont-Sur-Seine et le 22 août 1962 au Petit Clamart. Dans le même temps, le préfet de police de Paris, Maurice Papon (collaborateur sous Vichy), réprime extrêmement brutalement pour le compte de De Gaulle, la manifestation organisée le 17 octobre 1961 par le FLN (100 morts), puis celle organisée le 8 février 1962 par le Parti Communiste (9 morts au métro Charonne). Finalement,  le 18 mars 1962, les accords d’Evian mettent fin à la guerre d’Algérie et  le 3 juillet 1962 est proclamée l’indépendance de l’Algérie. Le conflit a fait de nombreuses victimes,  35000 soldats français et 300 000 algériens.  Entre 10000 et 150000 « harkis » et assimilés sont massacrés après le cessez-le-feu. Ceux qui parviennent à fuir (43000) sont rassemblés dans des camps (Rivesaltes, Bias) ou dans certains quartiers de bourgades métropolitaines comme à Mirande.  Ce qui n’est pas le cas du million de "pieds noirs" même si leur rapatriement est difficile et l’accueil pas toujours chaleureux.

OAS : Organisation armée secrète pour la défense de l’Algérie française (1961-1962)

Pieds-noirs : nom donné aux habitants de l’Algérie d’origine européenne.

Conclusion : Plusieurs éléments peuvent expliquer cette indépendance difficile. La logique assimilatrice de l’administration française est trop centralisatrice pour permettre une évolution facile vers l’autonomie. A cela s’ajoute le fait que l’Algérie est  longtemps considérée comme une colonie de peuplement où les européens s’estiment responsables de la mise en valeur du territoire. La société mise en place dans le cadre de cette colonisation est très inégalitaire ce qui alimente un certain ressentiment dans une partie de la population musulmane. Au final, on peut noter avec B. DROZ et  que la guerre d’Algérie fut un triple drame. Il s’agit en effet d’un conflit franco-algérien, d’un conflit franco-français (partisans de l’Algérie indépendante/OAS)  et d’un conflit algéro-algérien (ALN/MNA-Indépendantistes/Harkis)

Auteur : Nérée Manuel

Bibliographie :

DROZ Bernard, La décolonisation, La Documentation photographique, La Documentation Française, n° 8062, mars-avril 2008 [CDI]

BRANCHE R. et THENAULT S., La guerre d’Algérie, Documentation photographique, août 2001 [CDI]

PERVILLE G. et MARIN C., Atlas de la guerre d’Algérie, de la conquête à l’indépendance, Paris, Autrement, 2003 [CDI]

Textes et documents pour la classe,  La guerre d’Algérie, TDC, n° 994, Scéren-Cndp, avril 2010. [CDI]

LEFEUVRE D., Pour en finir avec la repentance coloniale, champs actuel 2008. [CDI]