Séries : 1L,
ES, 1S
Titre : Le
procès de Nuremberg réalise-t-il la dénazification de l’Allemagne ?
En février 1945, à Yalta en
Crimée, Churchill, Roosevelt et Staline prévoient de juger les criminels de
guerre. A Potsdam, quelques mois plus tard, Attlee, Truman et Staline affirment
la nécessité de cette dénazification (3D). Conformément à ces engagements, un
bataillon de juristes britanniques, américains, soviétiques et français s’engage
donc dans la préparation d’un immense procès qui se déroule de novembre 45 à octobre 46. Problème : en 2010,
l’Allemagne juge encore John Demjanjuk, gardien d’un camp d’extermination en
Pologne tandis que Martin Sandberger, l’un des responsables des Einsatzgruppen,
meurt de sa belle mort dans une maison de retraite de Stuttgart après avoir été
libéré en 1958.
Problématique : La dénazification de l’Allemagne se résume-t-elle donc au procès de Nuremberg ? Cette
dénazification est-elle complète au sortir de la guerre ? Une
dénazification totale était-elle véritablement souhaitée ?
I Les enjeux du procès de Nuremberg.
Les Britanniques, les
Américains, les Français et les Soviétiques finissent par s’entendre sur le
principe de juger 24 responsables et
plusieurs organisations comme les SA et les SS. Mais un suicide, une maladie et une disparition font que seuls 21 d’entre eux sont physiquement présents
(H. Göring, R. Hess, J.v.Ribbentrop, E. Kaltenbrunner, A. Rosenberg, H. Franck,
W. Frick , F. Sauckel, H. Schacht, A. Speer, A Seyss-Inquart, K. Dönitz, W. Funk, B. v.
Schirah, J.Streicher, Keitel, A.Jodl, E.Raeder,
K v. Neurath, F. v. Papen, H Frizche) M.
Bormann est présumé en fuite ( en réalité il est mort).
a)
Pourquoi ?
Ils sont accusés de complot,
de crime contre la paix, de crime de guerre et de crime contre
l'humanité.
Crime contre l'humanité: C'est un crime imprescriptible. Cette notion juridique
désigne l'assassinat, l'extermination, l'asservissement, la déportation, la
persécution ou tout acte inhumain commis pour des motifs politiques, raciaux ou
religieux à l'encontre d'une population.
Crime de guerre : Ce sont les violations des lois et des coutumes de la
guerre (mauvais traitements infligés aux prisonniers et aux civils, exécutions
sommaires, travaux forcés, pillages, destructions ou dévastations sans motifs
militaires).
b)
Par qui ?
Les criminels nazis sont
jugés par des juges britanniques,
américains, français et soviétiques. Certains firent donc au procès de
Nuremberg le reproche de mettre en place une justice des vainqueurs. Il convient de rappeler que les Soviétiques
et les Français représentaient aussi d’autres nations libérées.
II Le procès et ses verdicts.
Le procès se déroule selon
la procédure accusatoire anglo-saxonne.
Les accusés sont défendus par des avocats. Les preuves écrites servent de base
aux audiences. Après près d’un an de procès, sur les 22 criminels effectivement jugés 12 sont condamnés à mort, 7 à la
prison à vie et 5 sont acquittés. Compte tenu de son absence, Bormann est
condamné à mort par contumace. Certains condamnés à vie comme Funk ou Reader
sont libérés avant la fin de leurs peines.
III Limites et autres
aspects de la dénazification.
a)
La
dénazification des consciences.
La
dénazification passe également par un travail
pédagogique auprès de la population allemande. Le procès de Nuremberg est retransmis à la radio. On oblige les
habitants à visiter les camps. On
projette des documentaires comme
ceux tournés par les soviétiques que nous avons pu visionner au Centre
international de rencontres de jeunes d’Auschwitz. Des questionnaires (Fragebogen) sont également remis aux anciens
responsables administratifs pour connaitre la réalité de leur implication. Les
réponses sont souvent partielles
b)
La
dénazification a connu des limites
Le procès de Nuremberg n’est pas le seul à se
ternir en Allemagne. D’autres ont lieu
ailleurs. Dans les zones occidentales, 5000 condamnations sont prononcées,
dont 800 à mort. 486 sont exécutées
Mais à l’ouest comme à l’est,
la dénazification connaît des limites.
En RFA, en 1951 en Bavière 94% des juges et des procureurs et 77% des employés
du ministère des finances sont d’anciens nazis ; au ministère des affaires étrangères à Bonn, un fonctionnaire
sur trois est un ancien nazi. Au début
des années 60, 10% des parlementaires communistes est-allemands sont d’anciens
nazis et beaucoup de cadres de la Stasi sont d’anciens membres de la Gestapo.
Comment donc expliquer l’impact limité de la dénazification dans des zones
pourtant contrôlées par les anciens vainqueurs ? D’abord les occidentaux,
veulent, limiter les sanctions pour ne
pas être à nouveau confrontés à la rancœur nationaliste comme à l’issue du
traité de Versailles. Ensuite, dans le
contexte de la reconstruction, les occidentaux et les soviétiques ont besoin de cadres pour remettre sur pied les territoires qu’ils
dominent. Pour finir, dans le contexte de la guerre froide,
la dénazification passe très vite au second plan. Les anciens nazis sont plutôt
utilisés contre l’adversaire.
c)
La poursuite de
la « chasse » aux criminels
nazis
Pourtant des gens comme Beate
et Serge Klarsfeld, poursuivent la chasse
aux nazis. C’est ainsi que Klaus
Barbie, le bourreau de Jean Moulin finit par être expulsé de Bolivie vers
la France où il est jugé en 1987 et condamné à la prison à vie. C’est ainsi
également que Adolf Eichmann, exfiltré d’Argentine par le Mossad israëlien en
1961 est condamné à mort à Jérusalem. En Allemagne, des procès ont lieu dans
les années 50 et 60. A Berlin, au Musée du Judaïsme, il était possible de voir des
vidéos évoquant le cas de 17 responsables du camp d’Auschwitz jugés à Francfort
sur le Main en 1965.
Conclusion :
La dénazification ne se
résume donc pas au procès de Nuremberg. Ses répercussions sont grandes compte
tenu des notions juridiques développées à cette occasion. Cependant, Nuremberg
ne concerne qu’un nombre limité de criminels nazis. Par ailleurs, les procès n’aboutirent
pas à une dénazification complète, loin de là. Certains criminels se cachent avec
efficacité et bénéficient parfois de complicités. Dans le contexte de la
reconstruction puis de la guerre froide, les autorités de RFA et de RDA ne
furent pas encouragées à poursuivre avec zèle la politique de dénazification
Auteur :
Nérée Manuel
Dernière mise à jour : 03-12