Titre :  Du congrès de Vienne (1815) au Printemps des peuples (1848) : retour à l'ordre ancien ou nouvel ordre européen ?  

 

En 2011, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient débute une série de soulèvements populaires qui déstabilisent les régimes en place. Ce mouvement est vite qualifié par les médias de "Printemps arabe". Précédemment, il y avait eu le "Printemps de Pékin" en 1989 ou encore le" Printemps de Prague" en 1968. D'où vient cette habitude de baptiser ainsi des mouvements d'aspiration démocratique ? Pour le comprendre, il faut faire un petit retour en arrière et étudier la situation en Europe entre 1815 et 1848.

La France vaincue par les puissances européennes coalisées, la donne européenne est complètement modifiée avec de nouveaux rapports de puissances.

La question qui se pose alors est de savoir si le nouvel ordre européen repose sur des bases nouvelles avec l'affirmation des droits de l'homme et du droit des peuples ou si au contraire il sacre le retour aux anciennes valeurs ?

 

I 1815 - le retour à l'ordre ancien

 

La France vaincue, l'Europe connaît une forte activité diplomatique. Près de six traités se succèdent en près de 20 mois. L'Autriche et de son ministre des affaires étrangères Metternich jouent alors un rôle essentiel dans  la diplomatie européenne. Le congrès de Vienne organisé de septembre 1814 à juin 1815 est déterminant pour l'évolution de la géographie politique de l'Europe au 19ème siècle. 

 

a)     Sur le plan politique,...

 

...les anciens souverains et les régimes renversés par la Révolution Française ou par Napoléon sont restaurés au nom de la légitimité dynastique . C'est ainsi que les Bourbons sont rétablis en France en la personne de Louis XVIII (voir leçon suivante), en Espagne ou dans le Royaume de Naples. Par le jeu des alliances, Metternich entend créer une forme de "fraternité" des monarchies chrétiennes européennes.

 

b)     Sur le plan géopolitique,

 

Metternich et ses alliés souhaitent établir la paix et un nouvel équilibre des puissances européennes. Cette politique passe par l'établissement d'un certain nombre d'alliances. La Sainte-Alliance qui à l'origine réunit l'Autriche, la Prusse, et la Russie contre Napoléon, est complété par l'association du Royaume-Uni. On parle alors de Quadruple Alliance. Pour le compte de la France, Talleyrand négocie suffisamment habilement pour que, malgré les sanctions, la France participe aux négociations et finisse totalement réintégrée dans le concert des nations européennes en 1823. Il obtient également que soit adopté le principe du droit public en matière de diplomatie. Désormais les puissances européennes semblent s'accorder sur l'existence d'un droit international.

 

 

Dans ces conditions, la carte de l'Europe est redessinée. La France est ramenée à ses frontières de 1792 puis de 1790 à la suite des Cent-Jours, la tentative manquée de retour au pouvoir de Napoléon marquée par la défaite de Waterloo, le 18 juin 1815. L'Autriche annexe des territoires italiens et en contrôle d'autres. Elle domine également la confédération germanique nouvellement créée. La Prusse s'étend notamment au détriment de la Saxe. La Russie annexe une bonne partie de la Pologne qui une fois de plus  n'existe pas en temps qu'Etat. La nouvelle carte de l'Europe est donc modelée selon les intérêts des puissances dominantes et non celui des peuples concernées. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes n'est donc pas considéré.

 

Un résumé rapide :

 

https://www.dailymotion.com/video/xq3in

 

II  Les espoirs déçus des années 1820-1830.

 

a)     Le développement de mouvements libéraux et/ou nationaux ....

 

La Révolution française crée un précédent en matière d'expérience de souveraineté nationale. Ailleurs en Europe, on aspire également à la démocratie, au suffrage universel, à l'unité ou à l'indépendance. Ces mouvements s'organisent parfois en sociétés secrètes  comme les Carbonari ou la Charbonnerie en Italie et en France Des hommes comme Giuseppe Mazzini cherchent à fédérer les mouvements nationalistes européens en fondant l'association Jeune-europe en 1834

 

b)     ...connait des réussites.

 

La Belgique proclame son indépendance le 25 aout 1830. Elle est soutenue par la France face aux Hollandais. Les Grecs eux souhaitent s'affranchir de la domination Ottomane à partir de 1821. En 1822, les habitants de l'île de Chios sont massacrés par les troupes ottomanes. Cela renforce le sentiment philhellénique en Europe. Des auteurs comme Byron et Hugo se manifestent en faveur des grecs. Finalement, en 1832, l’indépendance de la Grèce peut être considérée comme acquise grâce au traité de Constantinople.  

 

c)     mais le bilan reste mitigé. 

 

Si en France, les "trois glorieuses" en 1830 (voir leçon suivante) provoquent le départ de Charles  X, les autres mouvements révolutionnaires en Europe que connaissent pas forcément le même succès. L'insurrection Polonaise débutée en décembre 1830 est réprimée brutalement par la Russie. En Italie, les Carbonari se heurtent à  l'Autriche. En Allemagne l'agitation des années 1830-1832 est réprimée.

 

Il n'en demeure pas moins que les aspirations libérales et nationales sont désormais bien inscrites sur l'ensemble du continent européen.

 

III 1848, le printemps des peuples ...

 

a)     connait des précédents.

 

Des insurrections libérales et nationales éclatent en Europe avant le printemps 1848. Cela concerne la Pologne dès 1846, la Suisse en 1847 et en France en  février 1848 (voir leçon suivante). L'agitation gagne également l'Italie et l'Allemagne.

 

b)     les succès du début...

 

A partir de Mars 1848, les métropoles européennes comme Vienne, Milan, Berlin, Prague, Budapest se couvrent de barricades. Dans un premier temps, ces mouvements connaissent un certain succès. A Vienne, le soulèvement provoque l'exil de Metternich. Des libertés comme la liberté d'expression, de réunion et d'association sont parfois accordées. Un parlement élu par tous les Allemands est établi à Francfort. Certains Etats comme la Prusse et le Piémont-Sardaigne adoptent des constitutions. La République est proclamée à Rome et à Florence par Mazzini et Garibaldi.

 

c)     ...cèdent rapidement la place à la répression.

 

Ces mouvements sont rapidement réprimés. L'Autriche écrase la Révolution à Prague et à Vienne. Avec la Russie, elle réprime la résistance polonaise. Les souverains Italiens sont rétablis sur leurs trônes. La France restaure le Pape à Rome. L'"Automne des princes " succède au "Printemps des peuples". Mais la Prusse et le Piémont-Sardaigne conservent leurs constitutions. Dans la plupart des territoires européens, les droits féodaux sont abolis.

 

Risorgimento " renaissance" ou "résurrection" nom donné au mouvement italien désireux de réaliser l'unité du pays.

Mouvements nationaux : mouvements revendiquant le droit  du peuple à la souveraineté et à l'indépendance.

Carbonari : association secrète et initiatique qui joue un rôle important dans les mouvements insurrectionnels en Italie et en France.

Sentiment national : conscience d'un groupe de former une nation.

Légitimité dynastique  : principe selon lequel le pouvoir revient de droit à la dynastique régnante.

Quadruple alliance : alliance entre les quatre grandes puissances européennes contre Napoléon puis pour réorganiser l'Europe.

Confédération germanique : ensemble de 38 Etats allemands disposant d'une assemblée (Diète) à Francfort et dominé par l'Autriche.

 

Conclusion : Malgré les espoirs suscités par le Printemps des peuples,  dans l'Europe du milieu du 19ème siècle, à l'image de ce que souhaitait Metternich, se sont les régimes autoritaires qui dominent et le droit de tous les peuples européens sont loin d'être satisfaits. Rares sont les Etats qui ont accédé à la démocratie et à l'indépendance. Mais on note malgré tout que les idées liées aux droits des hommes et des peuples ont progressé en Europe.

 

Histoire de l'art :

Scène des massacres de Scio  est une oeuvre d'Eugène Delacroix exposée au Salon de 1824, en pleine querelle opposant les tenants du dessin aux partisans de la couleur. Cette huile sur toile a des dimensions raisonnables (419 cm x 354 cm). Elle est produite en France sous la restauration à l'heure où en Europe de nombreux peuples se soulèvent contre leurs souverains ou la tutelle de puissances étrangères. Ici, les Grecs sont depuis 1821 en conflit pour l'indépendance contre l'empire Ottoman. En avril 1822, les Ottomans massacrent plusieurs dizaines de milliers de Grecs sur l'île de Scio.

Dans le tableau, on  peut distinguer à l'arrière-plan des villages grecs détruits par les Turcs. Au premier plan les corps se mêlent les uns aux autres. La composition n'est pas sans rappeler Le 28 juillet 1830 : la liberté guidant le peuple du même Delacroix ou encore le Radeau de la Méduse  de Géricault. On trouve sur ce plan des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards. Les responsables du massacre sont représentés dans la proximité immédiate des victimes au premier plan ou à cheval au second plan.  Le cavalier du second plan, achève une construction pyramidale qui crée une impression de mouvement. La domination turque est aussi rappelée de cette façon. Il est intéressant de noter que l'animal semble lui aussi effrayé par la scène qui se déroule sous ses yeux, ce qui accentue l'idée selon laquelle à Scio les bourreaux auraient perdu toute forme d' humanité.

Comme beaucoup d'Européens à la même époque, Delacroix est ému par le sort des Grecs. En faisant le choix de représenter cet événement, il prend leur défense avec le pinceau, comme le fit Lord Byron avec les armes. En s'inscrivant dans l'actualité, Delacroix est en rupture avec le classicisme. Il s'affirme de façon retentissante comme l'un des chefs de file du romantisme (1820-1863). Dans cette œuvre, il exalte la passion, l’imagination. Il cherche à représenter le mouvement, les émotions. A droite; la femme enlevée par un soldat turc rappelle un motif récurant de l'orientalisme.

 

Auteur : Nérée Manuel

 

 

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