Séries : 1L, 1ES, 1S

 

Titre : Les espaces ruraux ne sont-ils que des espaces entre les villes ?

 

Le thème original du sujet « Entre attractivité urbaine et nouvelles formes de développement : les espaces ruraux » semble définir  les espaces ruraux simplement par la ville et les rapports qu’elle entretient avec les campagnes environnantes. Or la réalité des espaces ruraux est bien plus complexe. Certes le processus d’étalement urbain entraîne une réduction de ce que nous serions tentés de qualifier comme le rural profond par opposition au rural périurbain mais à l’heure de l’hyper performance des moyens de communication ce rural profond existe-t-il vraiment ? A-t-il jamais existé lorsqu’on se souvient de la place majeure des marchés où lorsqu’on lit dans les paysages la trace d’anciennes voies ferrées qui reliaient les bourgs-centres voir les villages aux préfectures.

 

Problématique : Les espaces ruraux ne sont-ils que des espaces entre les villes, des espaces interstitiels ? Leurs fonctions ne sont-elles déterminées que par la ville ? L’espace rural français est-il homogène dans ses caractéristiques et ses activités ? Le développement rural passe-t-il toujours par le développement agricole ?

 

I En France et dans notre région, les espaces ruraux …..

On désigne comme ruraux, l’ensemble des espaces situés hors des villes, non couverts par l’urbanisation. En France ces espaces représenteraient 70 % du territoire de la France métropolitaine. Pour être plus précis, l’INSEE désigne ainsi toutes les communes qui n’appartiennent pas à des espaces à dominante urbaine. Plus encore, si on s’intéresse au zonage en aires urbaines et aire d’emploi de l’espace rural (ZAUER) de l’INSEE qui intègre villes moyennes, couronnes de grandes agglomérations, villes moyennes, communes multipolarisées, petites villes et bien sûr des communes rurales, l’espace rural élargi représente 94% de superficie de la France Métropolitaine. Dans notre région Midi-Pyrénées, il représente 97% du territoire. L’espace rural n’est donc pas simplement ce qui reste en dehors des villes.

 

II …évoluent différemment.

a)     Du fait de la périurbanisation et de l’artificialisation des paysages qui en résulte.

On observe effectivement un processus de périubanisation. En 2003, par exemple, l’espace rural représentait encore 80% de la superficie du territoire. Dans la périphérie des agglomérations et le long des grands axes, on assiste à des processus d’artificialisation des paysages. Avec l’urbanisation et le développement des transports, les constructions et les infrastructures se multiplient. Des résidences principales ou secondaires sont restaurées ou bâties provoquant parfois un mitage des campagnes par un nouvel habitat pavillonnaire. Ainsi contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre le taux de construction neuve  est de 10,7 % dans les espaces à dominante rurale contre 5,2 % dans les aires urbaines. Le développement des zones commerciales, industrielles ou résidentielles provoque un recul des surfaces agricoles. En France actuellement, la superficie agricole diminuerait de 26m² par seconde actuellement.

Mitage: dissémination des constructions et multiplication des lotissements dans les espaces ruraux.

Bassin de vie : le bassin de vie est un territoire structuré autour d’un pôle urbain ou rural. Sur ce territoire, les habitants ont accès à l’emploi et aux équipements (concurrentiels ou non concurrentiels). Les bassins de vie participent à la hiérarchisation et à l’organisation des territoires.

 

b)     Du fait de la des orientations économiques et des fonctions des bassins de vie ruraux.

Cette diversification n’est pas si nouvelle. Elle marque cependant fortement l’organisation des espaces ruraux. Aujourd’hui, le secteur agricole n’occupe plus que 3.5% de la population active totale. Les activités agricoles et agro-alimentaires ne représentent plus qu’une minorité des emplois dans les bassins de vie ruraux (18 % des emplois en Midi-Pyrénées). Il reste cependant encore des bassins dont la vocation agricole reste dominante en particulier dans l’Aveyron et le Gers. D’une manière générale, en termes d’occupation de l’espace, l’agriculture demeure logiquement importante dans les campagnes. Pour la région Midi-Pyrénées,  le référentiel de la DATAR de 2003 notait que l’activité agricole couvrait encore 52% du territoire.

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer trop rapidement, il y a dans les campagnes des activités industrielles. Le phénomène n’est pas nouveau comme le prouvent les travaux actuels sur l’industrie rurale dans l’est de la France. Aujourd’hui encore, la  part des emplois industriels dans les emplois non agricoles représentait presque 30 % dans l'espace à dominante rurale. 

A des rythmes différents selon les lieux, la proportion d’emplois tertiaires augmente dans les espaces ruraux. Cette évolution est liée à plusieurs phénomènes. D’abord, il faut compter avec les services courants destinés à satisfaire comme ailleurs les besoins de la population. Les services marchands et non marchands demeurent malgré le regrettable recul des services publics. Le  transport à la demande offre un exemple de l’importance du tertiaire dans les campagnes. Une enquête de la DATAR en 2004 révélait qu’il est utilisé par 20 à 30 000 personnes. Pour  90 % d’entre elles, il s’agissait  de personnes âgées (DATAR 2004). Par ailleurs, il faut noter  que le développement des fonctions résidentielles s’accompagne de celui des fonctions touristiques. En Midi-Pyrénées, les emplois liés à ces fonctions représentent désormais plus de 56,5 % des emplois dans les bassins de vie ruraux.

Désormais, les usages comme la randonnée, la chasse et différentes cueillettes (champignons, asperges sauvages, responsons ou tamier, etc.) distinguent de moins en moins les ruraux des citadins de passage ou nouvellement établis. Au sujet de ces derniers, on parle d’ailleurs de nouveaux ruraux ou néo ruraux. Cela n’empêche pas cependant l’apparition de conflits d’usages. Des querelles plus ou moins folkloriques opposent parfois des résidents en quête de tranquillité à des exploitants agricoles dont les activités génèrent des nuisances sonores et olfactives. Par ailleurs, dans les campagnes on cherche parfois à implanter des activités polluantes ou gênantes (décharges, aéroports, lignes grande vitesse) dont on ne veut plus dans ou à proximité des villes. Les protestations et l’esprit  "NIMBY" ou “Never In My Back Yard" (Jamais dans mon jardin)  se développent donc également dans les espaces ruraux.

c)     Du fait de l’évolution de l’agriculture

(voir leçon suivante)

d)     Du fait du développement des logiques environnementales.

Depuis la deuxième moitié des années 70, s’est développée l’idée selon laquelle l’agriculture pouvait avoir vocation à entretenir le paysage. La gestion du paysage dans le cadre d’un développement rural est l’un des piliers de la nouvelle PAC. Dans les régions de montagnes une partie de l’élevage subsiste grâce aux subventions versées dans cette logique. Il est vrai que les pratiques pastorales contribuent à empêcher la fermeture du paysage. Des conflits peuvent cependant apparaître lorsque des pratiques agricoles cohabitent avec des programmes environnementaux (réintroduction de l’ours, protection des autres grands prédateurs). Même si elle est plus anecdotique, la pratique des jachères fleuries est révélatrice de l’évolution de la place de l’agriculture dans les espaces ruraux. Sous l’égide des préfets et des chambres d’agricultures, les agriculteurs et/ou des sociétés de chasse s’engagent à semer des fleurs et/ou des plantes destinées à l’abri et au développement de certaines espèces chassées.

III  Ce qui détermine une nouvelle typologie. 

Compte tenu de ces transformations, on peut tenter un classement des espaces ruraux en quatre catégories.

 

Les espaces ruraux péri-urbains se situent autour des métropoles, de la ville globale à la grosse préfecture.  Ils représentent plus de 6 % du territoire et plus de 10% de la population rurale.  Cette population augmente rapidement depuis les années 70. Espaces rurbain par excellence, ils sont fortement liés aux villes pour les services et pour l’emploi. L’automobile joue d’ailleurs un rôle majeur dans les relations entretenues par les villes avec  cette périphérie. L’INSEE note que la population de ces espaces appelés campagnes des villes à progressé de 1 749 460 personnes entre 1999 et 2008.

 

Les espaces ruraux fragiles ou en crise sont en voie de dépopulation et de vieillissement. Ils représentent moins de 20% du territoire et  de 3 % de la population de la population rurale. Les densités sont faibles. Ces campagnes où le plus souvent se pratique la polyculture connaissent un phénomène de déprise agricole que seule contrarie un peu l’arrivée de néo-ruraux. La proportion de population agricole y reste forte  (supérieure à 20%) On trouve des cantons correspondant à cette description dans le massif central et ses marges mais aussi dans le Berry, le Haut –Poitou, le Morvan,  l’Armagnac etc…

Déprise agricole : réduction marquée de l’activité agricole se manifestant souvent par un dépeuplement, un recul de la superficie utilisée par les exploitations agricoles, par une progression des friches et de la forêt.

Mais il existe également des espaces ruraux dont les paysages restent très marqués par une agriculture compétitive. Cela concerne les régions de grandes cultures des bassins parisien (Brie, Beauce une partie de la Champagne) et aquitain par exemple. Mais aussi les régions de productions de qualité (vignobles, élevages, horticulture)  où les exploitations peuvent être de taille modeste tout en générant de hauts revenus. 

Au total dans ces campagnes productives la population a progressé de 206 880 habitants sur le même laps de temps.

 

 

Pour terminer, sur les littoraux, dans les montagnes, dans les campagnes présentant un intérêt patrimonial particulier, le  rural est en voie de diversification. Du fait des aménités paysagères qu’ils présentent  et des activités de loisir qu’ils autorisent,  ces espaces ruraux sont  très attractifs.  On y trouve des activités agricoles mais l’économie y est désormais fortement tertiarisée. L’espace est de plus en plus occupé par les résidences secondaires et les activités touristiques. Le caractère multiple de leur vocation est renforcé par le développement de politiques environnementales ambitieuses (conservatoire du littoral, parcs naturels). Ces espaces représentent près de 5% du territoire et plus de 1% de la population rurale. Ces campagnes résidentielles sont aussi en croissance de population (+433 930 habitants)

 

On constate donc d’un point de vue démographique, un renouveau des campagnes françaises. Ceci s’explique en partie par un phénomène d’exode urbain.

 

Conclusion :

L’espace rural ne se résume pas à ce qui reste de l’extension des villes. L’espace rural n’est pas uniquement lié à l’agriculture mais son développement ne se résume pas aux usages résidentiel et citadin. En réalité, les campagnes sont marquées par une très grande diversité. Elles ne connaissent pas toutes la même évolution.

 

Auteur : Nérée Manuel

Bibliographie :

CHALEARD J-L et CHARVET J-P., Géographie agricole et rurale, Paris, Belin, 2004.

CHARVET J-P, L’Agriculture mondialisée, La Documentation photographique, 2007.

ARAMEDY Jean-François, CASEL Thomas. , DAVID Catherine, LABAUME P., LAFFITE Laetitia, LARRIBE Mathieu, PIEUX Philippe, Paysages de Midi-Pyrénées, Toulouse, Editions Privat, 2000.

DIRY J.-P., Campagnes d’Europe : des espaces en mutation, PARIS, in La Documentation Photographique n°8018, La Documentation Française, décembre 2000.

NEREE M., Dynamiques des paysages et des espaces agricoles dans la région Midi-Pyrénées, Ubiwiki, mai 2008.

DRON D., « Quelques faits concernant les OGM », in Le courrier de l’environnement de l’INRA n° 54, septembre 2007, pp.103-105

PISTRE P., Les campagnes françaises : un renouveau incontestable mais inégal, Population et avenir, n° 715, novemebr décembre 2013.

 

Dernière mise à jour : 01-14

 

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