Les transformations paysagères des espaces ruraux de l'ouest-Occitanie

Le paysage rural,  est, dans un milieu non urbain,  tel qu'il est perçu,  le résultat de l'interaction entre des éléments naturels, des modes de production et des aménagements. C'est donc la représentation des relations que les hommes et les femmes entretiennent avec leur milieu. Dans l'ouest de l'Occitanie, les éléments entrant en jeu dans la définition des paysages sont nombreux et varient d’un territoire à l’autre. Il en résulte une mosaïque de paysages compartimentés.

Schéma

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Comment évoluent les paysages ruraux de notre région ? Comment l'expliquer ?

I Des paysages traditionnellement variés...

a) ...liés aux conditions naturelles

Les pratiques agricoles des montagnes diffèrent de celles des plaines.  Ainsi dans les zones de montagne, en dépit des progrès techniques, l’altitude et les conditions orographiques se sont longtemps révélées déterminantes. Elles ont limité la mécanisation et la mise en œuvre de productions agricoles intensives Ailleurs, dans les plaines et les vallées, après avoir été longtemps polycole,  l’agriculture de notre région  s'est spécialisée dans, l’arboriculture fruitière ( vergers des vallées du Tarn et de la Garonne) , les cultures maraîchères , cultures céréalières, oléagineuses ou encore dans les productions de qualité. Là les paysages ont été marqués par les pratiques. C'est ainsi par exemple que les  paysages de champs ouverts plus ou moins barrés (openfields) se sont répandus avec la  politique de remembrement.

b )... et à l’évolution de l'agriculture.

Pour commencer, il y a moins d'actifs agricoles dans la région. Par exemple, dans la région, entre 1970 et 2000, les effectifs d’actifs présents sur les exploitations agricoles ont régressé de 58 %. Dans ces conditions, les exploitations agricoles ont été restructurées. On assiste surtout à une concentration des exploitations. La baisse du nombre d’actifs agricoles a été accompagnée par une baisse du nombre des exploitations et une augmentation de la taille moyenne des restantes. Durant la décennie 1990, le nombre d’exploitations agricoles a diminué de plus de 30 %.

L'agriculture a également changé avec l'évolution de la politique agricole commune (PAC). Jusqu’au début des années 80, l’objectif de la PAC était fut de faire de l’Europe une puissance agricole capable de satisfaire ses besoins alimentaires grâce à des pratiques intensives. Dans les années 80, les limites de cette politique sont apparues. Elle s’est révélée coûteuse pour le budget communautaire et les situations de surproduction se sont multipliées. Désormais, l’objectif est désormais de mettre en place une agriculture aussi bien durable que compétitive. Désormais les aides sont soumises à conditions.

Les agriculteurs sont de plus en plus intégrés dans des systèmes agro-industriels.  Nombreux sont en effet les agriculteurs qui travaillent dans le cadre de coopératives ou sous contrat avec des industriels et/ou des distributeurs.

Pendant longtemps, l’intensification de la production est allée de pair avec une mécanisation et une chimisation de l’agriculture. L’optimisation de la production passe aujourd’hui encore par l’irrigation.  On observe également une tendance à la spécialisation des exploitations agricoles. Les systèmes agricoles complexes (polyculture) ont reculé. L'optimisation passe aussi par la valorisation de la qualité. De ce point de vue, la région est la première en France pour le nombre de produits bénéficiant d’une appellation d’origine contrôlée (AOC), d’un label rouge ou d’une Appellation d’Origine Vin Délimité de Qualité Supérieure (AOVDQS). Parmi les appellations, on peut citer Roquefort à Millau et Saint-Affrique, vins à Cahors, Gaillac et Fronton, raisins de table à Moissac, agneaux du Quercy à Figeac, haricots tarbais, l’Armagnac dans le Gers.

L’agriculture biologique offre aussi une alternative à la logique productiviste. L'Ouest-Occitanie est l’une des régions de France où l’agriculture biologique se développe rapidement.

Dans un contexte difficile, la survie de certaines exploitations est en effet parfois liée à la diversification des activités. Cela passe par  la proposition d'une offre touristique (agrotourisme)  par la pratique de la vente directe ou la restauration.

II Les paysages ruraux de la région évoluent.

a) Les paysages agricoles de la région restent marqués par l'activité agricole mais....

L’activité agricole couvrent encore  la majorité du territoire dans notre région . Même dans les campagnes proches de villes, les activités agricoles continuent à valoriser le paysage.

b) ... ils se transforment du fait de l'intensification et de la spécialisation des pratiques agricoles ...

On voit se constituer actuellement des  zones géographiques spécialisées ( voir carte) . Dans ces secteurs, le risque est de voir le paysage s’uniformiser par la généralisation de cultures et la diffusion de pratiques spécifiques. Les paysages se couvrent alors des mêmes cultures, des mêmes types de bâtiments agricoles.

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(JPG)Paysages agraires des hautes montagnes. Ils sont marqués par l’étagement et par l’opposition ente adret et ubac. Les conditions d’exploitation limitent les pratiques agricoles. Les estives permettent l’existence d’un pastoralisme le plus souvent ovin dans une logique extensive. Le forêt est également très présente et tend à s’étendre.

(JPG)Paysages agraires de moyenne montagne. C’est le domaine des prairies et de l’élevage. Ces moyennes montagnes sont également des espaces très boisés.

(JPG)Autres espaces très boisés.

(JPG)Paysages agraires des Causses. A l’exception de certaines dépressions consacrées aux cultures, les plateaux sont pour l’essentiel des espaces de pâturage pour l’élevage ovin. Ils peuvent cependant par endroits, être très boisés comme dans le Haut-Quercy

(JPG)Paysages agraires des régions de collines et de coteaux de Midi Pyrénées. Les champs de céréales ou d’oléagineux côtoient les prairies artificielles destinées à l’élevage bovin. Ca et là, des bâtiments d’exploitation témoignent de la présence d’élevages porcins ou avicoles. C’est le domaine du bocage, des coteaux ou des gorges boisés.

(JPG)Paysages agraires des vignobles de Midi-Pyrénées. Dans ces zones, il est rare que la vigne occupe l’ensemble des surfaces. Elle rythme cependant le paysage de ses rangées et de ses changements de couleurs saisonniers.

(JPG)Paysages agraires des zones de spécialisations arboricoles et maraîchères. Le paysage est marqué par les vergers, et les productions de légumes en plein champs ou sous serres.

(JPG)Paysages agraires des zones de grandes cultures. C’est le domaine des cultures industrielles souvent irriguées. Les conséquences du remembrement et de l’intensification de la production s’y observent. Ces paysages caractérisent les grandes vallées mais aussi les régions où le modelé des collines ne constitue pas un obstacle majeur à la mécanisation.

b) ....de la déprise agricole

La baisse de la population agricole peut se traduire par endroits par une progression des broussailles, des friches, des landes des forêts.  On parle alors de déprise agricole. Elle est à l'œuvre  l’œuvre dans les Causses, en Ariège et dans les Hautes-Pyrénées. Elle peut provoquer une « fermeture du paysage ».

c) ...de l'urbanisation

Dans la périphérie des agglomérations et le long des grands axes, on assiste à des processus d’artificialisation des paysages. Avec l’urbanisation et le développement des transports, les constructions et les infrastructures se multiplient. Parmi les bassins de vie ruraux où les surfaces destinées à l’agriculture régressent rapidement, on peut citer l'ouest toulousain jusqu'aux Portes de Gascogne.

d) De l’évolution des orientations économiques des bassins de vie ruraux.

Certaines campagnes de la région ont tendance à devenir des espaces résidentiels et/ou récréatifs. Des résidences principales ou secondaires sont restaurées ou bâties provoquant parfois un mitage des campagnes par un nouvel habitat pavillonnaire. Désormais, les usages comme la randonnée, la chasse, et différentes cueillettes ( champignons, asperges sauvages) distinguent de moins en moins les ruraux des citadins de passage ou nouvellement établis. Cela n’empêche pas cependant le développement des conflits d’usages. La vocation touristique se développe également dans le rural, en particulier dans les Pyrénées ou aux abords des sites au patrimoine naturel ou architectural remarquable.

III Typologie des paysages ruraux.

Compte tenu du sujet il est possible de classer les espaces agricoles de notre région en fonction de trois critères : la place de l’agriculture dans l’économie, son impact dans le paysage, la proximité de la ville et de son influence.

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(JPG)Campagnes à productions de qualité à forte valorisation du territoire et du paysage.

Dans ces campagnes domine la polyproduction. Certaines spécialités remarquables font l’objet d’une valorisation particulière grâce à des signes officiels de qualité. Les paysages agraires traditionnels sont souvent mis en avant pour les promouvoir. Des activités de tourisme et d’agrotourisme (hébergement, restauration) se développent.

(JPG)Campagnes à agricultures intensives et compétitives où le paysage peut être menacé.

Il s’agit des campagnes où dominent les cultures industrielles, les cultures fruitières et maraîchères. Dans ces campagnes, l’intensification passe souvent par le développement de l’irrigation. Le paysage témoigne des aménagements hydrauliques plus ou moins importants réalisés à cet effet. Ces campagnes ont parfois tendance à s’uniformiser. On retrouve les mêmes cultures les mêmes bâtiments agricoles, les mêmes techniques de production. Ces campagnes sont particulièrement exposées à l’urbanisation et à l’artificialisation liée à la réalisation de grandes infrastructures.

(JPG)Pôles urbains

(JPG)Les campagnes périurbaines fortement artificialisées mais de façon incomplète.

Dans le rural périurbain, la population active agricole est très minoritaire. L’artificialisation du paysage progresse du fait de l’extension du bâti et du développement des voies de communication. Cependant, l’agriculture résiduelle contribue à créer des aménités paysagères qui font de ces campagnes proches des villes des espaces toujours attractifs.

(JPG)Les campagnes intermédiaires.

Dans ces campagnes, les densités de populations sont faibles. L’activité agricole recule même si elle occupe encore une part relativement importante de la population active. Ces campagnes sont moins attractives d’un point de vue touristique mais leurs fonctions résidentielles se développent.

(JPG)Les campagnes à agriculture résiduelle revalorisée dans le cadre de la gestion du patrimoine paysager et naturel.

 

Ces campagnes correspondent le plus souvent à des terres difficiles à cultiver pour différentes raisons ( pente, maigreur des sols). Elles connaissent aujourd’hui un processus de déprise agricole caractérisé par une progression de la forêt et des friches. Dans ces campagnes cependant, l’agriculture contribue souvent à la prévention des risques naturels, à l’attractivité des espaces sur le plan touristique et à l’entretien du paysage. Elle s’inscrit souvent dans le périmètre d’un parc naturel.

Conclusion : Dans notre région comme ailleurs dans le monde,  l'influence croissante des villes, la diminution du nombre d'agriculteurs, l'évolution des pratiques agricoles, l'apparition de nouvelles fonctions et l'arrivée de nouvelles populations provoquent une transformation des espaces ruraux et des paysages qui les caractérisent. Ils étaient variés depuis longtemps . Cette diversité se confirme mais autrement. 

Vocabulaire :

Agrosystème  : ensemble constitué par le milieu, les cultures, les techniques de production agricole et leurs interactions.

Agriculture biologique : le décret du 10 mars 1981 la définit comme étant une « agriculture n’utilisant pas de produits chimiques de synthèse ».

Appellation d’origine contrôlée : les AOC donnent des garanties en matières de terroir, de savoir-faire et d’ origine géographique.

Artificialisation : progression des constructions et des infrastructures dans le paysage.

Bassins de vie : le bassin de vie est un territoire structuré autour d’un pôle urbain ou rural. Sur ce territoire, les habitants ont accès à l’emploi et aux équipements (concurrentiels ou non concurrentiels). Les bassin de vie participent à la hiérarchisation et à l’organisation des territoires.

Biotope : éléments non vivants de l’écosystème comprenant le climat et le sol.

Biocénose : association d’animaux et de végétaux dans un écosystème donné.

Bocage : espace où les parcelles agricoles sont closes par des haies d’arbres et d’arbustes. La haie est champêtre lorsqu’elle est constituée d’essences différentes. On parle sinon de haie mono-spécifique.

Déprise agricole : réduction marquée de l’activité agricole se manifestant souvent par un dépeuplement, un recul de la superficie utilisée par les exploitations agricoles, par une progression des friches et de la forêt.

Economie résidentielle : Elle regroupe les activités destinées à satisfaire les besoins des populations locales [INSEE]

Estive : pâturage d’été en haute montagne.

Jachère : terre labourée laissée au repos. [INSEE]

Mitage : forme d’urbanisation qui se caractérise par l’apparition de lotissements ou par la dispersion de maisons neuves isolées dans les campagnes.

Pastoralisme : pratique de l’élevage nomade. En Midi-Pyrénées, les élevages relèvent en général d’une exploitation sédentaire mais, l’été venu, ils gagnent les terres de haute montagne faiblement productives : les estives.

Polyculture : terme pouvant désigner l’association de plusieurs activités agricoles sur une exploitation ou la coexistence à l’échelle locale d’exploitations spécialisées dans des domaines différents.

Remembrement : pratique consistant à modifier le parcellaire et à réduire le morcellement par un regroupement et un échange de terres entre les divers propriétaires et exploitants. Ce processus vise à la simplification des conditions d’exploitation et à une amélioration agricole ou d’utilisation spatiale.

Soulane : terme d’origine occitane désignant le versant de la montagne exposé au soleil.

Système agro-industriel : système dans lequel l’ agriculteur est lié souvent par contrat à des structures commercialisant la production et fournissant une partie du matériel, des intrants.

Terroir : portion d’espace agricole homogène ayant des caractéristiques agronomiques particulières susceptibles de donner aux produits agricoles des qualités spécifiques.

Auteur : Nérée Manuel