Aspects, intérêt et limites des investissements chinois en Afrique
Au début des années 2000, la Chine a multiplié les
investissements en Afrique. Elle est ainsi devenu en 2009 le premier partenaire
commercial du continent.
L'Afrique est-elle gagnante ou perdante de son partenariat
avec la Chine ? Celui-ci contribue-t-il au développement des Etats concernés ?
Si oui, ce développement peut-il être qualifié de durable ?
Développement : amélioration du niveau de vie au
bénéfice du plus grand nombre.
Développement durable : développement qui permet de satisfaire
les besoins du moment sans empêcher les générations futures d'en faire
autant. Les piliers du développement
durable sont la société, l'économie et l'environnement.
I
La multiplication des investissements chinois en Afrique...
La Chine investit énormément
sur le continent africain. Ces investissements s'élèvent à 3 à 4 milliards par
an. Mais elle accorde surtout des prêts à ses partenaires africains. Depuis 20
ans (2018), elle leur a accordé 140 milliards de $ de prêts.
Ces investissements portent sur
des secteurs privilégiés. Les entreprises chinoises présentes en Afrique sont particulièrement
représentées dans le secteur du bâtiment
travaux publics (BTP). Elles participent notamment à la réalisation de
nombreuses infrastructures de transport. Il s'agit de réaliser des voies de
chemin de fer. Comme la ligne
ferroviaire Addis-Abeba- Djibouti inaugurée en
Janvier 2018 qui a coûté 3.5 milliards de $. La ligne Nairobi-Mombassa a été
ouverte en 2017. Une ligne autre ligne a été créée entre l'Angola et le Katanga
congolais. Le président Xi Jinping souhaite également
relier le Rwanda au port Kenyan de Mombassa. Ces projets s'inscrivent dans le
cadre du projet chinois de "nouvelles
routes de la soie" appelé aussi OBOR pour "One Belt One Road". LA Chine réalise aussi des routes
comme en Ethiopie par exemple où elle a construit la première autoroute à six voies pour un coût de
700 millions de $, ainsi que le premier métro du pays. La Chine participe aussi
à la création ou à l'aménagement de ports sur l'ensemble du pourtour africain,
créant ainsi une ceinture de havres accessibles à ses navires.
Les firmes d'Etat et privées
chinoises investissent aussi beaucoup dans les produits primaires. Cela concerne l'exploitation forestière,
l'extraction minière et pétrolière. Ceci explique la présence forte dans des pays riches en ressources comme
l'Angola, l'Algérie ou la République Démocratique du Congo. Dans ces
conditions, il n'y a rien d'étonnant à ce que le pétrole, les matières brutes
minérales et les métaux représentent 90% du total des exportations africaines
vers la Chine.
Les entreprises chinoises
investissent aussi beaucoup dans les terres. On parle parfois à ce sujet de land grabbing.
Cela concerne la Tanzanie, le Sénégal,
le Sierra Leone la Zambie et Madagascar. Elle y produit du riz, du maïs, du manioc et du sésame.
Les investissements chinois
se développent également là où le marché
intérieur se développe. Il n'y a donc rien d'étonnant à voir les investissements
se multiplier dans les pays particulièrement dynamiques du continent africain
comme le Nigéria, l' Afrique du Sud ou
l'Ethiopie. Dans ce dernier pays des zones
franches comme le parc industriel d'Awassa sont
ouvertes pour attirer les investisseurs chinois.
Pour terminer, il convient
de noter que la Chine investit beaucoup dans les énergies vertes. Les entreprises chinoises construisent
actuellement 30% des nouvelles capacités
énergétiques de l' Afrique subsahrienne avec plus de
200 projets entre 2010 et 2020.
Land grabbing
: prise de contrôle
ou achat de terres par des investisseurs étrangers.
Zones franches : zones offrant un statut fiscal
avantageux pour des investisseurs étrangers où une main d'œuvre locale réalise
des produits destinés à l'exportation.
II
...présente un intérêt
a) ... pour la Chine
Les intérêts de ces
investissements pour la Chine sont multiples. Pour commencer, elle s'ouvre
ainsi l'accès à des ressources pour
sa population et son économie. En multipliant les partenaires, elle s'assure des approvisionnements.
La création d'axes de
communication permet de garantir
l'acheminement des produits dont la Chine a besoin. En soutenant l'ouverture
ou l'amélioration de ports, la Chine se trouve des alternatives aux deux ports
les plus importants du continent : Durban et Port Saïd. Elle sécurise ainsi ses transits.
En investissant dans les
pays africains à croissance forte, la Chine trouve des débouchés pour ses production. C'est pour cela que ses prêts sont
souvent conditionnés à l'obtention de
marchés.
Les investissements chinois
en Afrique présentent aussi un intérêt
stratégique et géopolitique. Les partenaires Africains de la Chine sont
plus enclins à s'aligner sur les intérêt chinois à l'ONU. Par exemple Sao Tomé
et Principe et le Burkina Faso ont rompu diplomatiquement avec Taïwan
respectivement en 2016 et en 2018. Ces
pays satisfont ainsi la politique d'isolement de Taipei voulue par la Chine. Il
faut ajouter que plusieurs installations portuaires auxquelles la Chine s'est
associée auront aussi un usage
militaire. Cela concerne les ports de Djibouti, Sao Tome et Principe, Walvis Bay en Namibie et les Seychelles.
Ressource
:
élément présent dans le milieu permettant de satisfaire les besoins de la
population.
b) ... et pour les Etats du
continent africain.
Les pays africains trouvent
ainsi de nouveaux débouchés pour
leurs productions primaires. Ce sont des sources de revenus non négligeables.
Par ailleurs le niveau d'équipement
s'élève. Sur un continent où 635 millions d'habitants sur 1.2 milliards
n'ont pas d'électricité, ces progrès obtenus grâce au développement des
énergies vertes sont appréciés. Ce phénomène concerne aussi la téléphonie
mobile qui se généralise très rapidement sur le continent africain. Les
populations ont le sentiment que l'argent investi profite au plus grand nombre
plutôt qu'à quelques uns. De ce point de vue, il s'agit donc d'un facteur de développement. Les
relations économiques entretenues avec la Chine présentent un autre avantage.
Certains contrats prévoient de rémunérer l'entreprise chinoise en nature, c'est
à dire en matière première plutôt
qu'en devises qui font souvent défaut.
Le cas des zones franches éthiopiennes présente un
autre avantage. La création d'activités industrielles permet de créer des emplois.
III
... mais aussi des limites
Certains dénoncent les relations de dépendances imposées par
le système parfois qualifié de Chine-Afrique.
Puisque pour l'essentiel, la Chine accorde des prêts en Afrique, le continent
est très endetté vis à vis du pays
du milieu. La Chine détient 55% de la dette extérieure du Kenya, 60% pour
Djibouti, 70% pour le Cameroun. Certains ont même parlé d'une nouvelle forme d'impérialisme.
Les échanges commerciaux
entre l'Afrique et la Chine entretiennent la faible diversification des économies africaines. D'une manière
générale, aujourd'hui, la production de produits manufacturés ne représente que
1% des exportations africaines.. Cela donne le sentiment que le continent est
toujours réduit à la fourniture de produits primaires et qu'il est conforté
dans les logiques d'une économie de
rente. Le cas éthiopien et les efforts faits en RDC pour transformer le
cuivre localement, prouvent que des efforts sont faits malgré tout pour
développer l'industrie.
Sur la plan social, le
modèle de mise en valeur des ressources africaines est souvent dénoncé. Dans
les mines, ou les exploitations minières ou forestières, les conditions de travail sont souvent
déplorables et le travail est mal payé. L'exploitation du Coltan en RDC en offre une illustration. Mais dans certains
domaines, notamment les BTP, ce sont des expatriés chinois qui réalisent les
infrastructures et la production. Cette présence de main d'œuvre chinoise est
parfois perçue comme de la concurrence
pour les salariés des Etats africains concernés. Des réactions apparaissent
donc face au mode d'investissement chinois. Au Congo-Brazzaville une nouvelle
loi oblige les entreprises à n'employer que 20% de main d 'œuvre chinoise.
Enfin pour terminer,
l'exploitation des produits primaires qu'elle soit faite pour le compte
d'entreprises chinoises ou occidentales ne va pas sans avoir des conséquences environnementales car elle
est souvent polluante et destructrice. C'est le cas notamment pour l'exploitation
de l'or au Ghana. Cela risque d'être le cas avec le développement de
l'exploitation de la bauxite en Guinée.
Economie
de rente : économie dont la production de produits primaires est
destinée à l'exportation.
Conclusion
:
Les investissements de la
Chine en Afrique sont utiles aux économies des deux partis. S'ils peuvent
contribuer à la croissance de certains Etats, le développement ainsi obtenu ne
bénéficie pas forcément à tous et ne correspond pas forcement aux principes du
développement durable.
Auteur :
Manuel Nérée