L’information par le son et l’image : radio et télévision aux XX et XXI eme siècles

Etude de cas :  l’échange politique télévisé.

La télévision est-elle un bon support de débat ?

 

 

A partir du début du XXeme siècle, l’offre médiatique est bouleversée par des nouveautés technologiques. La radio fait son apparition au début du XXème siècle et la télévision dans le courant des années 30.

 

Comment ces deux vecteurs s’imposent-il s comme des médias majeurs ? Sont-ils des supports d’information probants ? Font-ils et/ou reflètent-ils l’opinion publique ?  Désormais concurrencés par d’autres accès à l’information gardent-ils la même place dans le paysage médiatique ? 

 

Culture de masse : ensemble des messages et des valeurs véhiculées par les mass-médias (presse, radio, télévision, publicité, internet) et autres entreprises culturelles (industries du cinéma, du disque, parcs de loisirs).

 

Mass médias : médias capables de toucher et d’influencer un très large public.

 

Opinion publique : on peut la définir comme l’expression de la manière de penser la plus répandue dans une société. C’est un ensemble d’idées, d’avis, de valeurs partagées par le plus grand nombre. C’est la raison pour laquelle, elle est parfois confondue avec l’expression de la volonté générale, le peuple, la nation ou la société civile.

 

I Ces nouveaux médias concurrencent la presse écrite et s’imposent progressivement.

a)     La radio

La radio apparaît au début du XXème siècle avec la technique du télégraphe sans fil (TSF). Elle est largement utilisée à des fins militaires pendant la Première Guerre mondiale. Les premiers programmes radiophoniques réguliers apparaissent aux Etats-Unis en 1920. En Europe, les premières radios publiques apparaissent durant cette décennie : Radio Tour Eiffel en 1921, Radio Milan en 1926, Radio Rome en 1928.

 

b)     La télévision.

La technique de la télévision apparaît dès les années 30. Dès cette décennie de grands événements sont retransmis à la télévision. C’est le cas par exemple, des jeux olympiques de 1936 dans l’Allemagne hitlérienne et du couronnement de George VI en 1937 en Angleterre. Mais ce média ne connait un véritable essor qu’après la Seconde Guerre mondiale. La télévision se diffuse alors rapidement aux EU et en Angleterre. Le développement de la télévision est plus lent en France.

 

 

II Ils deviennent dominants dans le paysage médiatique mais ils restent dominés politiquement.  

 

a)     La forte diffusion de ces moyens de communication.

 

La radio devient le média dominant dans les années 30. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, 9 millions d’Anglais, 13 millions d’                Allemands et 5 Millions de Français possèdent une radio. L’invention du transistor en 1954 permet à la radio de devenir un produit phare de la société de consommation. Elle devient alors un véritable média de masse. C’est dans les années 60 que la télévision devient une source d’information dominante. Ainsi en France en 1968, déjà 62% des ménages sont équipés de postes de télévision. La télévision devient un outil de communication politique majeur comme l’illustre l’importance du débat télévisé entre Nixon et Kennedy en 1960.

 

 

b)     Les pouvoirs publics perçoivent rapidement l’intérêt de contrôler ces nouveaux médias.

 

Ainsi en France dans les années 20-30 est établi un monopole d’Etat sur la radio. C’est le cas notamment sous le gouvernement de la troisième République de Front Populaire. La radio est alors placée sous le contrôle de l’exécutif. La presse d’extrême droite parle avec mépris de « TSFIO ». Elle est pourtant souvent inspirée par l’Allemagne nazie Goebbels fait déjà de la radio un instrument privilégié de la propagande nazie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la radio joue aussi un rôle important. En mai 1940, la France est rapidement vaincue à l’issue d’une bataille préparée entre autres par un campagne d’intoxication informationnelle menée depuis Radio Stuttgart par les Allemands. C’est sur les ondes que Pétain s’adresse le 17 juin 1940 à la nation pour dire qu’il faut cesser les combats. A cette occasion, « le héros de Verdun » prétend sauvegarder les intérêts et la souveraineté du pays en faisant « à la France le don de [sa] personne ». Il se sert ainsi du média pour légitimer son pouvoir en créant un lien privilégié avec les 40 millions de français. Radio Paris en zone occupée et de Radio Vichy en zone sud relaient sa propagande. Cependant, c’est également par la radio, sur les ondes de la BBC que le général De Gaulle tente de rallier, dès le 18 juin 40, les Français à la résistance. Cet appel est peu entendu. Ils s’engagent ensuite dans la résistance.  Si l’entreprise de De Gaulle semble aujourd’hui légitime, elle n’est en rien légale. Il n’est plus sous-secrétaire à la guerre et à la défense nationale. Il a toutes les peines du monde à se faire reconnaître par les alliés. La BBC octroie cependant à De Gaulle et à ces compagnons une émission quotidienne : «Honneur et Patrie» puis «Les français parlent aux français». De Gaulle est d’ailleurs surnommé par les collaborationnistes de Vichy : le « général micro ». Cette émission fait de la contre-propagande en répétant « Radio Paris ment, Radio Paris est allemand ». La radio joue ensuite un rôle majeur dans la mobilisation et l’organisation des forces de résistance.

 

Au sortir du conflit,  la télévision reste également pendant longtemps un monopole d’Etat. En France, comme dans de nombreux Etats européens, l’Etat contrôle les programmes jusqu’en 1974. En effet, en 1949 est créée la RTF. Pendant la guerre d’Algérie, elle relaie amplement le discours officiel sur ce qu’il est convenu d’appeler à l’époque les « événements d’Algérie ». En 1964, la RTF devient  l’ORTF. Le ministre de l’information  Alain Peyrefitte dicte alors le contenu des journaux. Cependant, pour la première élection du président de la République au suffrage universel direct en 1965, il est décidé de l’égalité du temps de parole des candidats.  C’est dans ce contexte qu’éclate mai 68. Les médias n’échappent pas à la critique. Guy Debord et les situationnistes considèrent que la société du spectacle est une entreprise d’aliénation des masses. L’étudiants considère alors que l’ORTF est la « voix de on maître » Fin mai, De Gaulle sait utiliser les médias pour rétablir la situation. Il orchestre son absence où ses interventions. Alors qu’en 68, déjà 62% des ménages sont équipés de postes de télévision, il utilise la radio qui l’a bien servi pendant la guerre pour annoncer la dissolution de l’Assemblée nationale et conforter ainsi sa majorité.

 

http://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00366/allocution-radiodiffusee-du-30-mai-1968.html.

 

 

Propagande : action systématique exercée par les pouvoirs publics sur l'opinion pour lui faire accepter certaines idées ou doctrines, notamment dans le domaine politique ou social (Larousse)

 

RTF : Radio-diffusion Télévision Française.

ORTF : Office de Radio-diffusion Télévision Française

Situationnisme : mouvement intellectuel révolutionnaire de gauche qui mobilise les arts afin de changer la société pour la rendre égalitaire.

Aliénation : asservissement et perte du libre arbitre.

 

 III     Aujourd’hui, la radio et la télévisions sont-elles toujours aussi influentes ?

 

a)     Le désengagement progressif de l’Etat…

 

 En France, en 1975, l'ORTF est démantelée. En 1981, les radios « pirates » ou radio libres qui émettaient illégalement sont autorisées à diffuser. En 1985, la 5 est confiée à Berlusconi et dans le contexte de la  cohabitation  TF1 est privatisée. Dans ce contexte c'est l’industrie de l’entertainment qui prospère. Les situationnistes semblent donc avoir perdu le combat. Si l’Etat se désengage, il estime cependant nécessaire le maintien d’un organe de régulation sur l’audiovisuel. Ainsi se succèdent la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA), puis la Commission Nationale de la Communication et des libertés (CNCL) puis le Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA).Désormais, l’ARCOM fusionne les compétences du CSA et d’HADOPI (chargée de protéger les œuvres sur internet). 

 

Radios libres : radios associatives qui, à l’origine,  contournent le monopole d’ Etat en utilisant illégalement la bande FM, souvent avec du matériel à bas coût installé sur des toits d’immeubles. 

 

b)     …ne signifie pas que la radio et la télévision ne sont plus des agents d’influence.

Les situationnistes semblent avoir perdu le combat alors que l’industrie de l’entertainment semble prospérer. La presse écrite périclite, tandis que la télévision est largement privatisée et diversifiée La question est alors posée de savoir si les médias traditionnels font l’opinion ou s’ils se contentent de la refléter. De ce point de vue, la réflexion critique de Pierre Bourdieu est intéressante. Il va jusqu’à affirmer que « la télévision, instrument de communication, est un instrument de censure (elle cache en montrant) ». Cette critique est peut être sévère mais notre travail nous a permis de démontrer que s’il existe des efforts de proposer à la télévision et à la radio des débats à caractère démocratique, nombreux sont les biais qui permettent éventuellement de manipuler l’opinion. Ils peuvent contribuer à conditionner certains modes de consommation et de pensée (publicité, pseudo débats). C’est ce que démontrent  Serge Halimi, Dominique Vidal, Henri Maler, et Mathias Reymond dans un ouvrage intitulé L’opinion, ça se travaille. Cependant on observe que l’opinion publique française, comme dans la plupart des démocraties, conserve un certain niveau d’autonomie. Par exemple, les médias et les instituts de sondage n’ont pas prévu la présence du candidat du Front National au second tour des élections présidentielles de 2002. Majoritairement favorables au « oui », ils n’ont pas non plus prévu la victoire du « non » à l’occasion du référendum sur le traité constitutionnel européen (TCE) en 2005.

 

c)     Cependant face à la concurrence d’autres médias leur influence se réduit peut-être.

On peut également se poser la question de savoir si l’opinion publique française s’atomise ou se fragmente compte tenu de la diversité de l’offre médiatique (internet, TNT, etc). Enfin, plusieurs épisodes récents montrent que les médias servent également de caisses de résonnance pour différentes sensibilités cherchant à s’exprimer et à influencer les décisions publiques dans le contexte d’une démocratie d’opinion où la communication l’emporte parfois sur l’action politique. A l’heure où la liberté d’expression est gravement menacée par les attentats, la désinformation, la question est également posée de savoir si les médias traditionnels restent des supports d’information influents et convaincants.

 

 

Conclusion : On ne peut donc réduire la télévision et la radio au seul  rôle de transmission de l’information. Ces médias ont également la capacité d’influencer l’opinion publique. Plusieurs épisodes révèlent que les médias peuvent servir les pouvoirs publics ou d’autres intérêts, dans les régimes autoritaires comme dans les régimes démocratiques. Si leur efficacité est réelle en particulier dans le contexte d’un régime autoritaire, l’opinion publique n’est pas uniformément sensible à leurs sirènes. Certains peuvent se montrer réfractaires à la propagande, au discours officiel aux opérations de communication. Il arrive également que les citoyens utilisent les moyens à leur disposition pour résister, militer ou tout simplement assurer la mission qu’à leurs yeux les médias n’ assurent pas ou n’assurent plus. Cette faculté s’accroit avec le développement des moyens de diffusion sur internet ou chacun peut devenir à son tour éditeur.