La frontière d’un Etat européen

Etude de cas : les frontières espagnoles

L’Espagne compte près de 6 885 km de frontières. Elle partage 2013 km de frontières avec les pays limitrophes, notamment 720km avec la France et l’Andorre, et 1292km avec le Portugal. Les frontières de l’Espagne avec l’Italie sont uniquement maritimes. Mais tous ces kilomètres de frontières ne se ressemblent pas. On peut distinguer les frontières selon la forme qu’elles prennent, selon les tensions qu’elles engendrent et leur niveau de porosité.

Est-il possible de réaliser une typologie des frontières à l’étude des limites de l’Espagne ?

I Des frontières Etatiques le plus souvent reconnues.

a)     Des frontières reconnues par traité.

Les frontières entre l’Espagne et ses voisins sont établies de longue date. A titre d’exemple, en 1659, le traité des Pyrénées fixe l’essentiel de la frontière entre l’Espagne et la France. Le tracé est précisé en 1856 par le traité de Bayonne. Pour l’essentiel,  le tracé suit des obstacles naturels comme la chaine des Pyrénées ou des cours d’eau comme la Bidasoa. C’est donc par convention politique, qu’historiquement, les frontières correspondent à des obstacles naturels.

Dans ces conditions,  la frontière peut prendre différentes formes. Par exemple, entre Irun et Hendaye, à l’extrémité Ouest de la frontière franco- espagnole, s’est formé ce qu’ont appelle une frontière-pont. Trois ponts enjambent la Bidasoa et relie les deux villes, les deux régions, les deux Etats. Le Topo, un mode de transport collectif met Hendaye à 30 minutes de San Sebastian.

b)     Des frontières contestées.

Cependant, certaines frontières avec les pays voisins sont litigieuses. Par exemple, le Portugal, ne reconnait pas l’administration de la ville d’Olivence ( Olivenza en Espagnol- Oliveça en Portugais). En effet, l’Espagne s’était en principe engagée en 1817 à rétrocéder la ville au Portugal à la suite du Congrès de Vienne  de 1815. Ce qu’elle ne fit jamais. C’est donc le fleuve Guadiana qui marque aujourd’hui encore la limite entre l’Espagne et le Portugal.

De son coté, l’Espagne ne reconnait pas la souveraineté du Portugal sur les Iles Selvagens situées entre Madère et les Canaries. L’Espagne conteste en particulier la délimitation de la ZEE que cela  détermine.

On l’oublie parfois mais l’Espagne a une frontière commune avec le Royaume-Uni à Gibraltar. Jusqu’en 2006, l’Espagne a contesté cette possession britannique.

Enfin, l’Espagne et le Maroc sont en désaccord sur certaines délimitations. Le Maroc a longtemps contesté l’existence des enclaves Espagnoles de Ceuta et Melilla. Aujourd’hui encore, les deux Etats se disputent l’îlot Persil et les îles Chafarines. En 2002, l’îlot Persil donne lieu à une mobilisation militaire de part et d’autre.

II Des frontières européennes inégalement ouvertes.

a)     Des frontières-clôtures.

Avec le Maroc, les frontières de l’Espagne jouent aussi le rôle de limites extérieures de l’espace Schengen. A Ceuta et Melilla, les contrôles sont renforcés pour limiter l’immigration clandestine.  Des clôtures ont été érigées pour limiter le franchissement. On peut donc parler ici de frontières-murs.  L’Union européenne a contribué à hauteur de 250 millions d’euros pour l’installation de clôtures et de barbelés autour de l’enclave espagnole de Ceuta pour filtrer les flux en provenance du Maroc. Cela participe au processus de barriérisation que l’on observe un peut partout dans le monde.

b)     Des frontières ouvertes

A l’opposé, la frontière entre l’Espagne et la France illustre la tendance à la défonctionnalisation des frontières puisque les contrôles et les fermetures sont limités aux situations de crise, comme avec l’épidémie de COVID. La frontière entre l’Espagne et la France est largement ouverte. Attention, les différences de prix, de tarifs, de salaire, de taxation et de législation expliquent l’existence de flux de personnes et de marchandises de part et d’autre de la frontière. Les espaces transfrontaliers reposent donc sur des différentiels et des relations asymetriques. C’est ainsi qu’on voit donc émerger un véritable espace transfrontalier où les disparités génèrent des déplacements, des activités.

Dans certains cas, il y a même une volonté de coopération entre les Etats et les régions riveraines. C’est le cas notamment en Cerdagne avec l’ouverture du d’un hôpital Franco-Espagnol. Il a été construit sur un plateau montagneux situé à 1200 m d’altitude. C’est un projet d’intérêt communautaire (Interreg III). Il intègre des services de santé français et espagnols pour répondre aux besoins d’une population de 32000 résidents et 128 000 personnes en période touristique. Le projet a été financé par le Fonds européen de développement régional (FEDER). Créé dans les années 80-90, le programme Interreg vise à réduire les disparités entre les régions d’Europe. Chaque programme est négocié par l’Ue, les Etats et les collectivités territoriales.Tous les pays de l’Ue ainsi que la Suisse et la Norvège  sont éligibles à ce programme. Pour 2014-2020, la coopération territoriale européenne était dotée de 8.9 milliards d’euros dont 74% alloués à la coopération transfrontalière. D’une manière générale, 37% des européens soient 200 millions de personnes vivent dans les espaces transfrontaliers. Dans le cas des espaces transfrontaliers, la frontière est de moins en moins une ligne et de plus en plus une zone.

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Espace transfrontalier : espace composé de plusieurs territoires nationaux reliés par une frontière. Il est animé par des relations de voisinage et la frontière est traversée par des échanges nombreux et durables.

Interreg : programme européen de coopération entre les régions.

Porosité frontalière : facilité avec laquelle la frontière peut être traversée.

Conclusion : Les frontières de l’Espagne sont donc représentatives de la diversité des formes et des fonctions des frontières.  Celles-ci sont plus ou moins ouvertes et dé-fonctionnalisées et plus ou moins contestées.