1944-2011 : Charles De Gaulle, la France et les Français.

Vous passerez l’épreuve d’Histoire-Géographie du Baccalauréat, la veille de l’anniversaire de l’appel lancé le 18 juin 1940 depuis Londres par le général De Gaulle. Une bonne raison, s’il en fallait une,  pour s’intéresser à cette figure immense dont l’ombre couvre l’ensemble de notre programme. Le général apparait en effet comme le pivot de la vie politique française sur l’ensemble de cette période. Même  absent, du fait des désaccords, des crises ou de la mort, il reste la référence dont on se réclame ou la figure dont on se distingue. Il faut dire que la relation qu’il entretient avec la France et les français n’est pas sans complexité. Ainsi écrit-il  au début de ses « Mémoires de Guerre » publiées pour la première partie en 1954 : « Toute ma vie je me suis fait une idée de la France ». Encore faut-il que les français sur lesquels il a également un certain point de vue (« Les français sont des veaux ») le suivent. Sont-ils d’accord avec lui sur le type d’Etat à mettre en place ? Souhaitent-ils, comme lui,  un système politique largement dominé par la tête de l’exécutif  ou préfèrent-ils un régime parlementaire dominé par le jeu représentatif des partis ? Autre question sur laquelle les français eurent à se prononcer dans le contexte de la décolonisation : où s’arrête la France ? S’étend-elle de «  Dunkerque à Tamanrasset » (13 mai 1958) ou faut-il se résoudre à la réduire au territoire de ses « 246 fromages » ?

Pour étudier les relations que l’homme du 18 juin a entretenues avec son pays et ses habitants, on peut articuler la réflexion autour de trois questions : quelle était sa vision de la France ? Cette vision a-telle évolué ? Les français ont-ils adhéré à cette vision ? Sur la période qui s’étend de 1945 à nos jours, trois thèmes peuvent faire l’objet d’une attention particulière : le modèle politique, économique et social ; la place de la France en Europe et dans le monde ; les colonies.  Ainsi tenterons-nous de définir le gaullisme.

I 1944-1946 : une certaine idée de la France.

a)    Entre le programme du CNR et discours de Bayeux.

Au sortir de la seconde guerre mondiale, De Gaulle fait siens certains thèmes du programme du CNR (mars 1944) pourtant nettement marqué à gauche. Certes, il réaffirme à l’occasion d’un discours réalisé au Palais de Chaillot le 12 septembre 1944, le principe de libre entreprise mais il insiste également sur la nécessité de : «  Faire en sorte que l’intérêt particulier soit contraint de céder à l’intérêt général ; que les grandes ressources de la richesse commune soient exploitées et dirigées à l’avantage de tous ; que les coalitions d’intérêt soient abolies, une fois pour toutes ; qu’enfin chacun des fils et chacune des filles de la France puisse vivre, travailler, élever leurs enfants dans la sécurité et dans la dignité ». Voilà des termes qui rappellent le rêve d’une République démocratique et sociale qui imprègne le préambule de la constitution de 1946 (repris au début de la constitution de 58) avec, par exemple, l’affirmation du droit au travail, à la protection de la santé, à l’éducation. Il souhaite associer capital et travail. Les uns y voient une forme de paternalisme inspiré par la démocratie chrétienne, les autres une participation, un intéressement compatible avec des logiques libérales. Il en ressort que le modèle économique et social définit par le gaullisme au sortir de la guerre repose sur le primat de l’intérêt  social sur l’intérêt économique et sur la possible intervention de l'État dans l'économie.

 Sur le plan politique, le 21 octobre 45, 96 % des français votent par référendum pour la mise en place d'une Assemblée constituante. Celle-ci doit définir le régime politique à mettre en place après le Régime de Vichy. Le débat est animé. Il oppose notamment les socialistes et les communistes à De Gaulle. Les premiers sont favorables un régime parlementaire à assemblée unique. Le second garde de ses références littéraires et politiques passées (Barrès et Maurras) un attachement à un pouvoir exécutif fort et une défiance vise à vis du régime des partis. Face à ce débat qui l'exaspère, De Gaulle finit par démissionner en janvier 1946. Six mois plus tard, à l'occasion du Discours de Bayeux, il rappelle sa conception de la République à mettre en place. Celle-ci doit être démocratique mais le pouvoir exécutif doit être renforcé pour ne pas être victime des jeux partisans.

b)    Entre Yalta et Berlin.

Au sortir de la guerre, De Gaulle tient à ce que la France demeure une puissance de premier plan. Pour cela, il faut d'abord qu'elle soit considérée comme souveraine. Il s'efforce donc de rejeter le projet « Allied Military Government of Occupied Territories » (AMGOT) que les alliées prévoyaient pour administrer provisoirement les territoires libérés. Les américains finissent d'ailleurs par reconnaître (octobre 1944) le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) présidé par De Gaulle La puissance de la France repose également sur sa reconnaissance en tant que nation victorieuse. Or, si De Gaulle boude Yalta pour ne pas y avoir été invité, Churchill , conscient de la menace soviétique, impose la France comme puissance occupante de l'Allemagne. C'est dans ce contexte que se développe en France le mythe résistancialiste selon lequel, la France aurait majoritairement résisté pendant la guerre.

c)     De la conférence de Brazzaville à l’Union française.

En janvier-février 1944, à la Conférence de Brazzaville, De Gaulle promet une plus grande participation aux peuples des colonies. Il faut dire que pendant la guerre, beaucoup se sont ralliés à lui. Il perpétue ainsi malgré tout, le mythe assimilateur impérial : la France doit aider les peuples à « s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires ». Mais il n'envisage pas pour autant l'indépendance. L'évolution vers une plus grande participation doit se faire dans le cadre d'un ensemble Français. La constitution de la IVème République donne d'ailleurs naissance à une Union française qui associe la France à ses territoires coloniaux. Ainsi De Gaulle a-t-il pu apparaître pendant longtemps comme l'homme qui restait attaché à une certaine vision de l'empire colonial même si celle-ci est déjà contestée en Algérie (émeutes de Sétif-8 mai 1945) ou en Indochine (déclaration d'indépendance en septembre 45)

II 1946-1969 : entre désamours et « réconciliations »

a)    1946, les français ne le suivent pas et De Gaulle s'oppose....

De Gaulle a beau critiquer le projet de constitution (Discours d'Épinal), le 13 octobre 46, les français adoptent par référendum la IVème République. La majorité obtenue par le oui est faible 53 %. De Gaulle dit d'ailleurs de cette république qu'elle est adoptée du « bout des lèvres ». Désormais dans l'opposition, celui qui voulait se tenir au dessus des querelles partisanes finit par créer son propre parti. Le Rassemblement du Peuple Français (RPF). Ce parti connaît d'abord le succès (40 % des suffrages aux élections municipales de 1947) avant de décliner (22% des suffrages aux élections législatives de 1951). Certains députés du RPF prennent même leurs distances vis à vis de De Gaulle. Ce dernier finit par suspendre le fonctionnement du RPF en 1955.

De Gaulle s'oppose également à une certaine vision de l'Europe. Certes, il pense nécessaire une union des pays d’Europe pour maintenir la paix. Mais il souhaite une Europe européenne et non supranationale. C'est pour cela qu'il combat le projet de Communauté Européenne de Défense (CED) dans lequel il voit une dérive atlantiste et une remise en cause de la souveraineté nationale. Le projet échoue en 1954. La seule Europe que De Gaulle conçoit donc est une Europe des Etats-nations incompatible avec une Europe fédérale ou une Europe Atlantiste.

b)   1958,  De Gaulle revient au pouvoir dans un contexte insurrectionnel….

La nomination à la présidence du conseil du MRP Pierre Pfimlin réputé favorable à des négociations provoque des émeutes à Alger. Des militaires forment le 13 mai 1958 un comité de salut public présidé par le général Massu. Le 14 mai, ils appellent De Gaulle au pouvoir car il incarne alors, à leurs yeux, l’attachement à l’empire colonial. Le 15 mai ce dernier se déclare « prêt à assumer les pouvoirs de la République ». Le 19 mai, il rassure en disant ne pas vouloir à 67 ans commencer une «  carrière de dictateur ». Le 1 juin 1958, il est investi par l'Assemblée nationale en tant que Président du Conseil. Les hommes politiques français craignent alors une guerre civile. Même si la procédure est sur la forme légale, c'est quand même sous la pression des militaires que De Gaulle arrive au pouvoir. La conviction que l'intérêt supérieur l'emporte parfois sur la légalité est une autre caractéristique du gaullisme. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler les circonstances de l'appel du 18 juin 1940.

c)  …..  met en place une république conforme à ses vues et...

Le 2 juin 1958, l’Assemblée l'autorise à préparer une nouvelle constitution. En quelques semaines, une équipe dirigée par Michel Debré rédige le texte de la Vème République sur les bases définies par De Gaulle. Le 28 septembre, 58, 80% des français l’acceptent par référendum. Elle établit une démocratie représentative. Les députés et les sénateurs sont élus au suffrage universel. Les pouvoirs sont partagés. Le pouvoir législatif est le fait du parlement constitué de deux assemblées. Le président détient avec le gouvernement le pouvoir exécutif. Ce dernier pouvoir est d’ailleurs renforcé. Le président  nomme les ministres dont il préside le conseil. Il peut dissoudre l’Assemblée. Il peut proposer au pays un référendum pour une consultation directe des français.  L'article 16, lui donne les pleins pouvoirs en cas de crise grave. De plus, en 1962, DE GAULLE obtient par référendum un renforcement de la légitimité du président grâce à son élection pour sept ans au suffrage universel direct. Même s’il est limité par la motion de censure ou la question de confiance, on constate que la république gaullienne est une république à exécutif fort. De Gaulle voit donc se réaliser son souhait. Il établit un régime présidentiel ou le chef de l'Etat peut gouverner au dessus des partis en établissant un lien direct avec les français.

Cette conception des institutions politiques n'est cependant pas du goût de tout le monde. François Mitterrand voit dans l'exercice du pouvoir par De Gaulle un « Coup d'Etat permanent » (1964) et dans la Veme République un régime «  propriété personnelle du général de Gaulle» (campagne présidentielle de 1965)

c)    …solde l’héritage colonial,

Pour comprendre l’évolution de De Gaulle sur la question coloniale, il faut faire référence à son pragmatisme. Il faut décrire le contexte et étudier une brève séquence historique. En 1958, une bonne partie de l’Asie est désormais indépendante à l’issue de processus plus ou moins négociés. Depuis 56 et l’affaire de l’arrestation de Ben Bella, la France est régulièrement condamnée par l’ONU. L’empire colonial n’est plus le mythe sur lequel doit reposer la puissance française.  En Afrique subsaharienne, il propose en 1958 un référendum à trois possibilités : conserver le même statut, (Côte française des Somalis, Comores), devenir des États autonomes au sein de la communauté française (la plupart des colonies africaines) ou faire sécession (Guinée de Sékou Touré dès 1958). En 1960, les colonies africaines françaises qui avaient opté pour la deuxième solution deviennent indépendantes.  En Algérie, la guerre est engagée. Il cherche d’abord à maintenir l’unité dans le cadre de l’Union française. C’est pour ménager tout le monde qu’il lance le 4 juin 1958 à Alger la formule ambigüe  « je vous ai compris ». Le «Vive l’Algérie Française » lancé le 6 juin à Mostaganem est plus problématique car il donne le sentiment que De Gaulle veut maintenir les départements français d’Afrique du nord dans le cadre français. Il déclare cependant dès le lendemain à son collaborateur Pierre Lefranc « Nous ne pouvons pas garder l’Algérie ». A partir de l’été 1959, il travaille à faire accepter, non sans mal, le principe de l’autodétermination à la population métropolitaine, au FLN et aux Européens tenants de l’Algérie Française. En janvier 60, les partisans de l’Algérie Française s’insurgent à l’occasion de la semaine des barricades, mais le 8 janvier 1961, 75% des français se prononcent pour l’autodétermination de l’Algérie. Les activistes de l’Algérie Française ne désarment pas pour autant puisque certains fondent en 1961, l’Organisation Secrète Armée (OAS) et en avril Challe, Zeller, Jouhaud et Salan réalisent le putsch des généraux.  De Gaulle utilise l’article 16. Mais il ’échappe de peu à deux attentats organisés par l’OAS, le 8 septembre 1961 à Pont-Sur-Seine et le 22 août 1962 au Petit Clamart. Dans le même temps, le préfet de police de Paris, Maurice Papon (collaborateur sous Vichy), réprime extrêmement brutalement pour le compte de De Gaulle, la manifestation organisée le 17 octobre 1961 par le FLN (100 morts), puis celle organisée le 8 février 1962 par le Parti Communiste ( 9 morts au métro Charonne) . Finalement,  le 18 mars 1962, les accords d’Evian mettent fin à la guerre d’Algérie et  le 3 juillet 1962 est proclamée l’indépendance de l’Algérie.

d) Désormais, la puissance française doit donc reposer sur d’autres bases.

Elle  passe par l’acquisition de capacités de dissuasion nucléaire en 1960.  Afin de faire du couple franco-allemand le moteur d’une Europe qui relaierait la puissance coloniale française, il signe avec Adenauer en 1963 un traité de coopération : le traité de Paris.  L’indépendance de la défense nationale est réaffirmée par le retrait du commandement intégré de l’OTAN en 1966.  Au Proche-Orient, après avoir soutenu  Israël, il s’en éloigne à la suite de la guerre des six jours (1967) et se montre plus conciliant vis-à-vis des aspirations des pays et des peuples arabes. Il soutient également un certain nombre de mouvements nationalistes  (« vive le Québec libre » 1967). Il entretient avec l’aide Jacques Foccart un réseau influent dans les anciennes colonies africaines (France-Afrique). Cette  politique associée à l’image de l’homme du « 18 juin » fait de De Gaulle une figure exemplaire pour des leaders comme cubain  Castro ou l’Afghan Massoud.

e)    Mais la relation avec les français à la fin des années 60 oscille entre rejet et providentialisme.

La crise de1968 est le reflet des relations complexes que De Gaulle entretient avec les français. La crise universitaire du 22 mars au 13 mai, devient après la nuit des barricades (10-11 mai) une crise sociale. Pour protester contre la répression policière (500 arrestations), les syndicats organisent une journée de grève le 13 mai. On compte 7 millions de grévistes déclarés (sans compter les salariés en chômage technique, ou bloqués par le manque de transports). Après une deuxième « nuit des barricades »le 24 mai, la crise sociale paralyse la France. Les accords de Grenelle, le 27 mai 1968,  n’apaisent pas la situation. Au-delà des revendications salariales et sociales, c’est un modèle social qui est contesté. On dénonce la société de consommation. L'épanouissement de l'individu, son droit au bonheur sont exaltés. On s’oppose à la rigidité des hiérarchies et à la discipline. Cela aboutit à une remise en cause du modèle autoritaire dans la famille, à l'école, dans l'entreprise, dans l'État, dans les Églises, dans toutes les organisations et structures sociales. Quelque part, pour les jeunes de 1968, De Gaulle incarne cette société qu’ils rejettent (« La Chienlit c’est lui »).Fin mai, la crise devient politique. L'État semble incapable de maîtriser la situation. Le 29, De Gaulle « disparaît » durant quelques heures. On apprend par la suite qu’il a rencontré le général Massu commandant en chef des armées françaises en Allemagne à Baden-Baden (pour rétablir l’ordre par la force ?). Dans cette période de vacances du pouvoir, François Mitterrand se déclare prêt à succéder à De Gaulle. Mais ce dernier revient le 30 mai. Il annonce à la radio qu'il dissout l'Assemblée. Le même jour, en fin d'après-midi, un impressionnant défilé rassemble ses partisans aux Champs-Élysées. L'opinion, d'abord plutôt favorable au mouvement de mai, s'inquiète d'une crise qui n'en finit pas. A l’occasion des élections législatives du 23 et 30 juin, l'Union pour la Défense de la République (UDR-parti gaulliste) obtient 294 sièges sur 487. C'est un triomphe pour la droite et, apparemment, les gaullistes sortent renforcés de l'épreuve. De Gaulle est à nouveau l’homme providentiel. Pas pour longtemps…. En avril 1969, le référendum sur la réforme des régions et du Sénat lui est fatal puisque les français se prononcent à 53,2 % contre son projet. Il démissionne et met en application le principe de responsabilité politique du chef de l'État devant le peuple.

III 1970- 2011 : l’ombre tutélaire

Que devient la vision de la France établie par De Gaulle ?

a)   Sa conception de la République perdure même aménagée

Sur le plan politique, d’une manière générale, les successeurs de De Gaulle, et même les plus hostiles au moment de la mise en place de 5èmeRépublique,  s’accommodent des prérogatives définies par la constitution. Georges POMPIDOU propose un référendum en 1972, sur l'élargissement du marché commun au Royaume-Uni (réponse positive). François  MITTERRAND en propose deux en1988 (sur l'évolution de la Nouvelle Calédonie) et en1992 (sur le traité européen de Maastricht (51 % de oui)) .En 2000, les français se prononcent  pour le quinquennat. En 2005, ils se prononcent contre le Traité Constitutionnel Européen (TCE). A deux reprises pour obtenir une Assemblée conforme à la majorité présidentielle, F. MITTERRAND dissout l’Assemblée. Il obtient en 1981 une majorité absolue et en 1988 une majorité relative. A son tour, en avril 1997, J. CHIRAC dissout l’Assemblée. C'est pour lui un échec.

Depuis 1969, la 5ème République a connu des imprévus et des modifications. Le mot cohabitation n’apparaissait pas dans la constitution. La situation avait simplement été envisagée par Edouard Balladur en 1983. Or à trois reprises [(1986-1988: Mitterrand/Chirac) ; (1993-1995 : Mitterrand / Balladur) ; (1997-2002 : Chirac /Jospin)], des chefs de l’Etat sont confrontés à des majorités parlementaires qui ne correspondent pas à leurs majorités présidentielles. Certains y ont vu un facteur d’immobilisme, voir un retour à la IIIème République. C’est la raison pour laquelle fut adopté le quinquennat censé permettre, sans garantie absolue, de synchroniser le calendrier des élections législatives et  présidentielles. Avec N. SARKOZY, la forte présence du président, assimilée à de l’hyper présidentialisme pour les uns, à du volontarisme gaullien pour le principal intéressé, contraste avec la limitation de ses prérogatives  à l’occasion de la réforme des institutions de juillet 2008 : pas plus de deux mandats, véto du parlement sur certaines nominations, fin de la présidence du conseil supérieur de la magistrature par le chef de l'exécutif, fin du droit de grâce collectif, encadrement de l’utilisation de l’article 16). Ce dernier peut cependant prendre la parole devant le parlement réuni en congrès.

b)     Un modèle économique et social remis en cause.

Dans le domaine économique et social, Georges POMPIDOU poursuit le travail de modernisation de la France. Le nucléaire civil se développe. Le SMIG devient SMIC. Mais la crise  change la donne. Avec Valery GISCARD D’ESTAING, on assiste à une rupture. Après avoir laissé son premier ministre gaulliste, Jacques CHIRAC, tenter une politique de relance, il place à Matignon le libéral Raymond BARRE qui mène, lui, une politique d'austérité. Le socialiste Pierre MAUROY  tente de 1981 à 1982, la relance et il parvient à maîtriser l'inflation. L’âge de la retraite est alors abaissé à 60 ans, les 39 sont payées 40 et les congés payés passent à 5 semaines. Seulement, à partir de 1982, le gouvernement socialiste fait le choix de la rigueur. Avec les cohabitations, on assiste à plusieurs vagues de privatisations (TF1, Paribas, Saint-Gobain, puis BNP, ELF, Rhône-Poulenc, U.A.P). Le poids de l’’Etat dans la sphère économique commence à se réduire. Une fois au pouvoir à partir de 1995, Jacques CHIRAC et son premier ministre Alain JUPPE confrontés à un important mouvement social, ne parviennent pas, à réformer la sécurité sociale et les retraites, mais ils poursuivent les privatisations (Péchiney, Usinor Sacilor). Le premier ministre socialiste de cohabitation Lionel JOSPIN fait adopter les 35h mais continue les cessions d’entreprises publiques (ouverture du capital de France Télécom et d’Air France, privatisation du Crédit Lyonnais). C’est d’ailleurs ce dernier qui déclara à l’occasion de licenciements « boursiers » chez Michelin : « L’Etat ne peut pas tout ». Jean-Pierre RAFFARIN mène une politique de limitation des dépenses de l’Etat qui s’apparente à de l’austérité. Dominique de  Villepin doit renoncer, face à la mobilisation des jeunes et des syndicats, à la mise en place du Contrat Première Embauche (CPE) mais il poursuit les privatisations (privatisations partielles d’EDF et de GDF). La volonté de Nicolas Sarkozy est de réduire dans le même temps les impôts, les charges sur les entreprises et les dépenses dans le secteur public (réduction drastique du nombre de fonctionnaires). Présentés comme des plans de sauvetage d’un modèle social français dans le contexte d’une population vieillissante, les réformes réalisées ou à venir risquent de fragiliser les logiques de solidarités établies au sortir de la seconde guerre mondiale. Les mutuelles et les assurances seraient alors amenées dans des logiques individuelles, à relayer la retraite par répartition et la sécurité sociale. Sur le plan économique et social, nous nous éloignons donc progressivement du modèle de démocratie sociale établi entre 44 et 46. C’est également  la foi en un interventionnisme d’Etat efficace qui s’efface peu à peu.

c)     Les inflexions de la politique étrangère.

Sur la question européenne, la France participe à une Union de plus en plus supranationale. En 1972, sous la présidence de Georges POMPIDOU, l’Europe s’élargie et accueille notamment les Royaume Uni. Déjà en 1979, les députés au parlement  européen sont élus au suffrage universel. En 1992, le traité de Maastricht défendu par François MITTERAND élargit les compétences de l’UE, en prévoyant notamment l’établissement d’une monnaie commune. En 2005,  les Français et les Hollandais se prononcent par référendum contre le Traité Constitutionnel Européen (TCE). Mais en 2007, le traité de Lisbonne dit « traité simplifié »  étend le champ des décisions prises à la majorité qualifiée par le Conseil de l’Union européenne. On peut donc parler pour l’instant d’une Fédération d’Etats Nations en Europe.

Progressivement la France se rapproche également des Etats-Unis. En 1991, François Mitterrand range la France dans une coalition montée par les EU contre le dictateur Irakien Saddam Hussein (Guerre du Golfe). Même si cela est peu connu, c’est en 1995, sous la présidence de Jacques CHIRAC que la France commence à réintégrer le commandement militaire de l’organisation transatlantique.  Ce processus fut confirmé par la décision de Nicolas SARKOZY de rejoindre  le commandement intégré de l’OTAN en mars 2009. Ne fait-il pas figure de président le plus favorable aux Etats-Unis selon la diplomatie américaine ?

Sur la question proche et moyen-orientale, Jacques CHIRAC manifeste à plusieurs reprises son soutien aux palestiniens et la posture de 2003 face aux américains conforte l‘image de la France dans les pays arabes. Mais déjà Lionel JOSPIN donne une inflexion à cette politique en dénonçant en 2000  les attaques terroristes du Hezbollah. C’est cependant, Nicolas SARKOZY qui jouit aujourd’hui de l’image la plus favorable en Israël.

Conclusion :

Alors, de 1945 à nos jours, quelle vision De Gaulle a-t-il de la France et des Français ?  Quelles relations ces derniers entretiennent-ils avec l’homme du 18 juin et sa figure ? Il ressort de cette synthèse que le gaullisme caractérise la foi d’un homme en son devoir, voir son destin. Cette conviction lui fait donner à plusieurs reprises le primat à la légitimité quitte à prendre ou a envisager de prendre des libertés avec la légalité (18 juin, mai 58, mai 68, barbouzes). Est-il pour autant un dictateur ?  Comment conçoit-il les institutions de l’Etat ? Certes, il cherche contre vents et marées à imposer sa conception d’une République où le pouvoir présidentiel est renforcé. Mais le régime reste globalement démocratique. Il faut retenir également du gaullisme cette volonté de gouverner efficacement en s’adressant directement aux français. Quelle conception a-t-il de la France ? Même dans les circonstances les plus sombres, De Gaulle reste persuadé de la grandeur de la France. Il s’attache systématiquement  à réaffirmer sa souveraineté et son indépendance. Il la veut puissante. Son volontarisme permet d’achever le programme entamé sous la quatrième république en matière de dissuasion nucléaire, mais son pragmatisme lui fait accepter le renoncement au mythe d’une France impériale.   L’idée qu’il se fait des français est elle aussi haute ?  Sudhir Hazareesingh, universitaire britannique rappelle volontiers que « De Gaulle distinguait toujours la France des Français qui à ses yeux pouvaient être médiocres ». Il faut dire que le point de vue des français ne s’accorde pas toujours avec le sien. En 1946, ils  préfèrent  un régime parlementaire à sa conception de la République. A partir de 1959, sa tâche consiste à faire accepter plus généralement  l’idée d’un abandon de l’empire colonial. Cela ne va pas sans difficultés ( journées de barricades, OAS, ptsch des généraux).  En 1968, une bonne partie de la jeunesse lui est hostile mais une  majorité des français se rallie encore à lui pour rétablir la situation. Moins d’un an plus tard, le pacte de confiance est brisé à l’occasion du référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat. Conforme à ses principes, De Gaulle assume sa responsabilité face à la nation et démissionne. En écrivant ces lignes, il me vient une expression à ne surtout pas placer dans une copie mais la relation que De Gaulle a entretient avec les français s’apparente à un constant  «  je t’aime mois non plus ». (De Gaulle avait un faible pour Bardot, il n’était pas le seul à l’époque). Est-ce parce que le gaullisme évolue ou parce que De Gaulle est conscient des relations particulières qu’il entretient avec la nation qu’il déclara à l’occasion d’une conférence de presse le 10 mars 1952.  « Chaque Français a été, est ou sera «  gaulliste ».

C’est en effet à la postérité du gaullisme qu’il faut s’intéresser maintenant. Beaucoup s’y référent.  Moins nombreux sont ceux qui le perpétuent. Pour n’évoquer que quelques figures, Jacques Chirac se revendique du gaullisme. Il lui est cependant arrivé de prendre quelques libertés vis-à-vis de cet héritage. François Mitterrand a fustigé le gaullisme. Il a finalement adopté la Vème République et une partie des constantes de la politique extérieure française établies par De Gaulle. Hubert Védrine disait récemment sur France Culture qu’après quelques errements de la diplomatie française, le nouveau ministre des affaires étrangères Alain Juppé, revenait à une tradition mitterrando-gaullienne en matière de relations internationales.  En octobre 2010, Nicolas Sarkozy s’est placé dans le prolongement du Gaullisme. Certes il a maintenu la 5ème République mais il l’a modifiée. Certes, il a conservé pour la France une prétention mondiale mais sa vision est désormais plus européenne et américanophile.