1970-2004 : l'affirmation d'un ou de plusieurs islamismes ?

 

L'islam est une des principales religions monothéistes. Les fidèles de l'islam sont des musulmans. Cette religion est basée sur le coran (révélation divine) et sur la sounna (tradition - les faits du prophète Mahomet) les hadîths ( dires du prophète). Le fondamentalisme désigne la volonté de revenir aux textes fondateurs de l'islam. L'islamisme est un projet totalitaire qui vise à créer, après un processus de ré islamisation, une société dans laquelle, l'économie, la politique, la culture seraient déterminées par les fondements de l'islam. Il convient donc de ne pas confondre islam et islamisme, musulmans et fondamentalistes, fondamentalistes et islamistes.

 

Islamisme : L'islamisme est un projet qui vise à partir du pouvoir d'État à créer un système politique totalisant qui gérerait tous les aspects de la société, de l'économie en s'appuyant sur les seuls fondements de l'Islam et en refusant le pluralisme politique (Olivier Roy). L'islamisme vise également à ré islamiser la société.

 

Le projet islamiste n'est pas nouveau, il se développe déjà en 1920-1930 dans le contexte de la colonisation ( Frères Musulmans en Égypte 1928). Dans les années 70, de nouveaux mouvements apparaissent et en 1979 a lieu une révolution islamiste en Iran. En 1990, la monarchie saoudienne gardienne de la terre sainte de l'islam, accepte la présence de troupes occidentales sur son sol. Enfin le 11 septembre 2001, les États-Unis sont victimes d'une attaque terroriste organisée visiblement par une organisation internationale Al-Qaida. Dans le même temps, on assiste à une augmentation du nombre de musulmans dans le monde et à un regain du sentiment religieux.

 

Ces faits et ces événements doivent ils donner le sentiment d'une affirmation de l'islamisme dans le monde ? Peut-on parler d'un islamisme ? Ce terme ne désigne-t-il pas, en réalité, des projets différents dans leurs fondements et dans leurs objectifs ? Pendant la  période qui nous intéresse, les islamistes parviennent-ils à réaliser leur projet ? Le processus d'islamisation ne cache-t-il pas un échec politique de l'islamisme ?

 

I 1970-1980 : les progrès de l'islamisme. Les succès initiaux de l'islamisme.

a) Un contexte favorable au développement de l'islamisme.

Théorisé par des idéologues dans les années 60 (  Mawdoudi (Pakistanais), Qotb (Égyptien), Khomeini ( Iranien), le mouvement islamiste ne s'implante dans les société que dans les années 70 ,notamment dans le contexte des guerres israélo-arabes (1967-1973). C'est également la période au cours de laquelle les régimes issus de la colonisation  commencent à s'user car ils sont accaparés par une minorité ( Égypte, Syrie, Arabie Saoudite) et les modèles occidentaux de développement choisis échouent( socialiste en Égypte et en Algérie; capitaliste en Iran). Enfin, la base de ces  sociétés subit également la crise économique.

b) La révolution iranienne.

En 1979, a lieu la révolution iranienne chiite. Le shah d'Iran Reza Palavi, allié des américains, est contraint à l'exil. L'ayatollah Khomeyni fait son retour. Le "guide de la révolution" donne les orientations de l'État, une assemblée et un président élus se chargent de les appliquer. Mais les femmes sont voilées et la charia est appliquée.

Charia : loi islamique qui s'applique au droit des personnes (mariage, héritage, statut de la femme) comme au droit pénal et public, qui prévoit des peines contre les crimes religieux.

Chiisme : 10 % des musulmans, estiment que le califat appartient de droit aux descendants du prophète et n'acceptent pas l'éviction d'Ali le gendre du prophète, assassiné en 661. Dans le chiisme , l'imam et les ayatollahs, sans constituer un clergé, conduisent la communauté des croyants.

c) Le conservatisme saoudien.

En Arabie Saoudite, la dynastie saoudienne est gardienne des lieux saints ( La Mecque et Médine). Elle met sa fortune au service d'une conception conservatrice des rapports sociaux, elle exalte le rigorisme moral selon les principes du Wahhabisme ( Ibn al Wahhab -1703-1791).

Wahhabisme : islam sunnite puritain.

Sunnisme : représente la grande majorité des musulmans. Le sunnisme reconnaît la succession califale après Ali. Le sunnisme est divisé en quatre écoles qui n'accordent pas la même importance au Coran, à  la Sunna et aux Hadiths.

Conclusion : dès la fin des années 70, on observe donc que le mouvement islamiste est au moins double.

d) La formation de nombreux mouvements islamistes chiites et islamistes.

                Les chiites iraniens cherchent  à s'exporter la révolution islamique en soutenant la formation de mouvements islamistes au proche et au Moyen-Orient ( Création du mouvement Amal en Syrie ; formation du Hezbollah, Djihad islamique ( responsable des attentats contre des marines américains et des parachutistes français à Beyrouth -1983)

au Liban ; parti de l'unité en  regroupement de huit partis chiite en Afghanistan).

                Face au processus d'expansion de la Révolution iranienne, l'Arabie Saoudite pratique une forme de containment.  On voit ainsi apparaître des groupes sunnites radicaux dans le monde entier :

( takfir wal Hijra, Gama' at Islamiyya et le Djihâd islamique ( assassinat de Sadate au Caire en 1981) en Égypte ; apparition dans les années 80 du Hamas chez les Palestiniens, naissance du FIS ( Front islamique du Salut) en Algérie entre la fin des années 70  et 1988. En 1991,  à la suite de son interdiction le FIS bascule dans le terrorisme.)

En Afghanistan, les monarchies pétrolières soutiennent les mouvements islamiques radicaux et les moudjahidins afghans qui combattent l'occupation soviétique.

Enfin en 1989, les militaires instaurent un régime autoritaire islamiste au Soudan.

 

Conclusion : cette première phase est donc caractérisée par une expansion dans un contexte favorable de l'islamisme. Il est déjà clair que l'islamisme est divisé. Mais cela n'empêche pas alors la multiplication des mouvements et même l'établissement ou le maintien d'États islamistes ( Arabie Saoudite, Iran, Soudan)

 

 

II 1990-2004 : Échec politique de l'islamisme, mutations et islamisation.

a)La guerre du Golfe, le rigorisme saoudien discrédité.

En acceptant la présence sur son sol de soldats américains, la dynastie des Saoud  perd une partie de sa légitimité. Des islamistes radicaux vont le lui reprocher. C'est le discours tenu par Ben Laden.

b) La chute de Kaboul en Afghanistan et la dissémination des jihadistes dans le monde entier.

En 1992,  à Kaboul les moujahidines afghans prennent le pouvoir. C'est le début d'une période de désordres sanglants. En 1996, les talibans (étudiants en religion) prennent le pouvoir. il sont soutenus et financés par le Pakistan et apparaissent comme un recours pour rétablir l'ordre. Mais à leur tour, ils se rendent coupables de nombreuses vexations contre les femmes et d'exécutions sommaires.

Dans le même temps, certains de ces moujahiddines quittent l'Afghanistan pour la Bosnie, l'Algérie et l'Égypte. Ils internationalisent ainsi le jihad.

Jihad : guerre sainte.

Moujahid ou moudjahiddine : militant des mouvements nationalistes ou islamiques.

Mouvement jihadiste : mouvement qui mène la guerre sainte (jihad) contre l'occident ou contre les dirigeants musulmans considérés comme des traîtres.

c) L'échec de la tentative de prise du pouvoir et  "normalisation" des islamismes nationaux.

Après les accords de Dayton en 1995,  la Bosnie rentre dans l'orbite occidentale les jihadistes sont expulsés.

En Égypte et en Algérie, les violences terrifient des populations qui pour certaines avaient sympathisé avec la cause islamique.

En Algérie, des islamistes modérés participent au Gouvernement Bouteflika.

Un autre phénomène est intéressant à observer. C'est l'évolution du parti islamiste turc. En 2002, le parti islamique turc AKP ( parti de la justice et du développement) obtient 30% des voix aux élections législatives. Il dirige, depuis, le pays sans remettre en cause la laïcité mais en envisageant une modification du code de la famille.

d) La globalisation de l'islamisme.

A l'opposé de ce processus, on observe le déracinement d'un autre islamisme qui se coupe d'une base strictement nationale et qui associe des islamistes recrutés dans le monde entier.

Ainsi en 1988, Al-Qaida ( la base),  une structure informelle est créée par le saoudien Oussama Ben Laden. Elle regroupe 24 organisations  constituantes qui ont chacune un délégué au comité consultatif. Lors des attentats du 11 septembre 2001, Al Qaida était présente dans 4O pays. Donc, un nouvel islamisme se développe sous la forme d'un réseau terroriste mondialisé. On observe cependant que le discours politique d'Al-Qaida est très limité, il n'y a d'ailleurs dans ce domaine aucun projet précis. L'islamisme d'Al-Qaida repose sur un rejet de l'occident incarné par les États-Unis et sur une mise en accusation des monarchies pétrolières. En ce sens, l'expression  néo-fondemantalisme semble mieux à même de définir l'organisation d' Oussama Ben Laden.

e) La diffusion de l'islamisme.

Les moyens de diffusion de la ré islamisation :

Le Tabligh : C'est une association fondée en 1926 en Inde pour ramener à une stricte pratique de l'Islam. C'est une organisation pacifique et apolitique qui se distingue par son rigorisme. En ce sens elle est plus fondamentaliste qu'islamiste. Elle mène un important travail de prosélytisme. 

Le financement des activités islamistes : L'Arabie Saoudite finance des associations cultuelles et des projets de construction de mosquées dans le monde entier.

La violence brutale : vendettas, viols, massacres et rapine furent des méthodes utilisées par le GIA (Groupe Islamique Armé) en Algérie.

Le terrorisme : le GIA va aussi exporter le terrorisme sur le sol français en 1995.

Le terrorisme à grande échelle : les attentats du 11-09-01 font plus de 3000 victimes. C'est le fait d'une organisation internationale structurée et bien financée.

f) la lutte contre le terrorisme international.

7 octobre 2001 : L'intervention de la coalition internationale menée par les États-Unis en Afghanistan entraîne la chute du régime des talibans qui abritait Ben Laden.

Le 20 mars 2003, l'armée américaine lance l'offensive contre l'Irak. Saddam Hussein dont le régime a su utiliser la religion alors que ses bases politiques sont laïques est accusé de soutien au terrorisme international.

 

Conclusion : Paradoxalement, alors qu'on observe un  double phénomène d'expansion de l'islam et de ré islamisation des sociétés, on constate que le projet politique des islamistes est loin d'être réalisé. Certes, des États islamiques sont apparus. Des mouvements islamistes ont également été crées. Certains d'entre eux se sont radicalisés en développant l'action terroriste. Seulement le projet d'établir un État et une société sur les bases de principes fondamentalistes ne s'est réalisé que dans un nombre réduit d'États. L'un d'entre eux est, d'ailleurs, tombé récemment à la suite de la "croisade" contre le terrorisme international lancée par les E-U. Certains mouvements se sont normalisés et se sont intégrés dans les paysages politiques nationaux. D'autres se sont organisés en nébuleuse néo-fondamentaliste rejetant le monde occidental et laissant au second plan le principe politique de l'islamisme.

L'islam n'est pas uniforme. L'islamisme ne l'est pas plus. Dès les années 70-80, on observe qu'il est divisé au moins entre deux pôles le pôle iranien et le pôle saoudien. Aujourd'hui également, Al-Qaida n'est pas la seule expression de l'islamisme.