La guerre froide 1947 –1991

 On doit l'expression guerre froide au journaliste Walter Lippman qui l'utilisa en 1947 pour qualifier les relations internationales. Il s’agit d’un conflit d’intensité variable, à forte dimension idéologique marqué par l’opposition constante entre deux blocs, deux modèles, deux puissances, les Etats-Unis et l’URSS mais sans affrontement direct entre ces dernières.

Pb : Quelles sont les phases de cette opposition ?

 Voir une proposition de représentation de la chronologie de la guerre froide : 

I 1947-1953 : Après la constitution des blocs, une des périodes les plus tendues de la guerre froide (Pierre Grosser).

a)  1947-1949 : la mise en place des blocs.

-Le bloc de l'Ouest.             
En résumé, la doctrine Truman souhaite rompre avec la tradition isolationniste de Monroe. H. Truman veut pratiquer la politique de l'endiguement (containment). " Il est clair que l'élément principal de toute politique des Etats-Unis vis à vis de l'URSS doit être un endiguement à long terme (..) des tendances expansionnistes de la Russie. " George Kennan, créateur du comité de planification politique. Il s'agit d'aider systématiquement les pays menacés par l'expansion communiste.Le plan Marshall annoncé en 1947 est adopté et appliqué en 1948. Il prévoit une aide de 13 milliards de dollars destinée à 16 pays. Pour appliquer ce plan est créée l'OECE. Ainsi, autour des Etats-Unis, se forme un bloc de l'Ouest des démocraties libérales qui se présente comme le défenseur des libertés fondamentales. Un système d'alliance militaire se met en place. C'est l'OTAN. Cette organisation est créée en 1949. La décision de créer une "armée atlantique intégrée" traduisait le glissement de l'endiguement du domaine économique et financier vers le terrain stratégique. Elle comprend alors 16 pays. Toute la chaîne de commandement est contrôlée par les E-U.

OECE : Organisation européenne de coopération économique, devenue en 1960, organisation de coopération et de développement économique.        
Démocratie libérale: régime où les libertés fondamentales sont respectées et où existent plusieurs partis politiques.

-Le bloc de l'Est.  
A l'occasion de la réunion de septembre 47, Jdanov proclame officiellement la doctrine soviétique de la guerre froide. Il affirme l'existence de deux camps dont l'un est dirigé par les Etats-Unis l'autre par l'URSS. Cela implique que l'URSS doit contrôler le camp communiste. L'ennemi commun, c'est l'impérialisme américain. Désormais, également, il ne faut plus collaborer avec les socialistes et les autres partis de gauche.               
Cette réunion donne naissance au Kominform. Son rôle est de renforcer la mobilisation idéologique des partis communistes européens sous la direction de Moscou. Autour de l'URSS, se constitue le bloc de l'Est des démocraties populaires qui se veut le défenseur des peuples colonisés. Plus particulier est le coup de Prague. Au début de l'année 1948, la Tchécoslovaquie est encore dirigée par un front national, c'est à dire un gouvernement d'union, sous la présidence du libéral Benes. Les ministres considérant que le chef du gouvernement Gottwald (Klement) prépare la mise en place d'une dictature communiste démissionnent. Gottwald fait appel à des milices populaires et aux masses ouvrières pour marcher sur Prague et faire pression sur le président Benes qui démissionne. En février 1948, la Tchécoslovaquie est devenue une démocratie populaire. Le camp des pays communistes s'étoffe progressivement. D'abord, le passage à la démocratie populaire se fait progressivement. En général, les communistes participent d'abord à des gouvernements de coalition. Ils obtiennent ensuite des postes-clés ( ministères de l'intérieur, de la justice, de l'armée ou de l'économie). Puis, ils éliminent au fur et à mesure leurs adversaires politiques. Alors, des élections favorables aux communistes sont organisées. C'est la tactique du salami   .
La Pologne et la Roumanie deviennent ainsi des démocraties populaires en 1947, la Tchécoslovaquie en 48, la Hongrie et la RDA en 49. La Chine devient République Populaire de Chine en octobre 1949, à la suite d'une guerre civile opposant les nationalistes de Tchang Kaï-chek aux communistes de Mao.

L'URSS établit des liens économiques bilatéraux avec ses partenaires. Si le COMECON (CAEM: Conseil d'assistance économique mutuelle) est annoncé en 49, sa charte n'est adoptée qu'en 59). Les pays membres du COMECON sont : l'URSS, l'Albanie jusqu'en 1961, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie, la Pologne, la Mongolie, la Tchécoslovaquie, la RDA, CUBA, et le Vietnam.     
Les démocraties signent des accords militaires avec Moscou. Attention, ce n'est qu'en 55 que se met en place le pacte de Varsovie, traité d'amitié et de coopération qui s'apparente à une alliance militaire. Font partie de cette alliance, l'URSS, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la RDA, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, et l'Albanie.

-Les faits marquants des relations internationales.

La rupture avec la Yougoslavie. En mars 48,Tito s'oppose à la domination soviétique. L'URSS rappelle tous ses conseillers et instructeurs militaires. En juillet, Tito est même accusé de trahison envers la théorie marxiste. Mais la tentative de déstabilisation soviétique échoue. Condamné par Staline en 1948, Tito s'éloigne du modèle soviétique au profit d'un socialisme qualifié d'autogestionnaire.

La crise de Berlin. Face à la menace d'expansion soviétique, les occidentaux décident de reconstituer un Etat allemand en réunifiant les zones (bi puis tri-zones) et en créant une nouvelle monnaie, le Deutsche mark. En réaction, Staline décide le blocus de Berlin Ouest. Les routes et les voies de chemin de fer sont coupées. Les Américains organisent un immense pont aérien pour ravitailler les Berlinois ( 2.5 millions de tonnes de matériel transportés en un an). Les Soviétiques lèvent le blocus en mai 1949. En mai 49, une nouvelle constitution donne naissance à la RFA. Le 7 août 49, l'URSS transforme sa zone d'occupation en démocratie populaire : la RDA.

Kominform: Organisation de liaison des partis communistes, créée en 1947.         
Démocratie populaire: régime où il n'existe qu'un parti, le parti communiste qui représente la classe ouvrière.

Conclusion, l'opposition qui s 'annonçait dès 1945-46 se concrétise de 1947 à 1950 avec la formation de deux blocs qui s'étoffent progressivement et se consolident grâce à la constitution de systèmes d'alliance économique et militaire. On peut désormais parler de monde bipolaire.

b) 1950-1953 : Un sommet de l’antagonisme entre les deux grands.

D’abord, à l’occasion de la guerre de Corée (1950-1953),  l’affrontement entre les deux blocs est désormais évident. A la fin de la seconde guerre mondiale, la Corée était occupée au Nord par les Soviétiques au Sud par les Américains. Deux républiques naissent en 1948. Les deux grandes puissances se retirent 1949, mais en juin 1950, la Corée du Nord communiste lance une offensive contre la Corée du Sud. L’ONU envoie contre l’agresseur une force multinationale essentiellement américaine pour soutenir la Corée du Sud. A partir de 1951, la Corée du Nord est soutenue également par la Chine. Le conflit aboutit finalement à une partition du pays de part et d’autre d’une frontière dessinée le long du 38° parallèle. L’armistice fut signé le 27 juillet 1953 entre les représentants des forces de l’O.N.U. d’une part et des forces chinoises et nord-coréennes d’autre part.

Pendant ce temps, l’organisation des blocs se poursuit. Le Pacte du Pacifique ou ANZUS (Australie- Nouvelle-Zélande -Etats-Unis) signé en septembre 1951, permet au  camp occidental de poursuivre l’encerclement du bloc communiste. Ce dernier [Le bloc communiste] s’étoffe avec la signature par Mao et Staline  en février 1950 d’un traité « d’amitié, d’alliance et d’assistance mutuelle sino-soviétique ».

II  1953-1975 : entre détentes et crises, la guerre froide : un conflit d’intensité variable.

a) La coexistence pacifique et la poursuite de la construction des blocs.

En 1953, meurt Staline. Son successeur, Nikita Khrouchtchev rompt d’abord avec le Stalinisme. En 1956, son rapport secret fait état de l’épuration des cadres du parti communiste et dénonce le culte de la personnalité de Staline. Il adopte ensuite le principe de coexistence pacifique. Dans ce nouveau contexte, en 1957, l’URSS lance le premier satellite artificiel et impressionne ainsi son adversaire. Par ailleurs, les deux grands s’entendent notamment à l’occasion de la crise de Suez pour faire pression sur la France et la Grande-Bretagne pour qu’elles se retirent.

Les deux blocs cherchent cependant à se consolider.  A l’ouest, les alliances se poursuivent avec, l’OTASE en 1954 (les trois pays de l’ANZUS + le Pakistan, les Philippines, la Thaïlande, le Royaume-Uni et la France) et  le Pacte de Bagdad en 1955 (Royaume-Uni,  Turquie, Iran, Pakistan, Irak). A l’est, il s’agit pour l’URSS, de conforter son contrôle sur les Etats satellites en créant en 1955, le Pacte de Varsovie. L’Union soviétique cherche également à intégrer économiquement ces Etats en adoptant en 59, la charte du COMECON.

Coexistence pacifique : Doctrine selon laquelle la victoire du communisme sur le capitalisme doit être envisagée de façon pacifique au profit d’une compétition économique, idéologique et scientifique.

b) Les crises du début des années 60.

Au début des années 60, relations entre les deux grands se dégradent. Les tensions débutent avec l’affaire de l ‘avion espion américain U2 abattu le premier mai 1960 alors qu’il violait l’espace aérien soviétique. La construction du mur de Berlin est une autre manifestation de l’effritement de la coexistence pacifique. Khrouchtchev souhaite que la ville de Berlin soit rattachée à la RDA ou placée sous le contrôle de l'ONU. Il veut également  limiter l’émigration de nombreux allemands de l’est. Les autorités est allemandes construisent donc un mur de 113 km de long  autour de Berlin Ouest en 1961. Enfin, intervient la grave crise de Cuba en 1962. Fidel Castro demande une aide militaire à Khrouchtchev et accepte l’installation de fusées soviétiques ce qui représente une menace directe pour les E-U.  J.F Kennedy exige le retrait de cet armement et met en place un blocus autour de l’île. Finalement, le 28 octobre 1962, Khrouchtchev retire ses fusées. Kennedy promet de ne pas attaquer Cuba et de démanteler les missiles installés en Turquie. A l’occasion de cette crise, la répétition des incidents a montré que l’opposition pouvait très facilement tourner à l’affrontement nucléaire. 

c)  1963-1975, une période de détente nécessaire.

La peur d'un conflit nucléaire a amené les deux grands à tenter de s'entendre. On parle alors de détente.  En 1963 est mis en place le téléphone rouge (traduction approximative de l’expression anglo-saxonne du moment :hot line)  . En 1972 sont signés les accords SALT 1. En 1975, les américains et les soviétiques collaborent dons la conquête de l'espace en montant l'opération Apollo-Soyouz. Brejnev qui a remplacé Khrouchtchev en URSS considère que les deux grands peuvent imposer au monde un condominium.

Cependant, cette domination connaît des limites et des oppositions dans chacun des deux camps. Dans le bloc de l'ouest, c’est De Gaulle qui marque son indépendance vis à vis des Etats-Unis en sortant en 1966 du commandement intégré de l'OTAN. Les Etats-Unis s’enlisent au Vietnam où ils se sont engagés officiellement à partir de 1964. Ils finissent par quitter ce pays en 1973. C’est l'échec dans cette région de la politique d'endiguement. Dans le bloc de l’est, c’est d'abord la Chine qui prend ses distances vis à vis de Moscou au début des années 60. La Chine reproche, en particulier, à l'URSS sa domination du monde communiste et son manque de vigueur vis à vis du camp adverse. Le bloc communiste n’est donc plus monolithique. En 1968, a lieu le  Printemps de Prague. Alexandre Dubcek tente de réformer le régime Tchécoslovaque. Mais, le 21 août, les troupes du pacte de Varsovie, en particulier des Russes et des Allemands, envahissent la Tchécoslovaquie.

III  1975-1991 : Du refroidissement à la fin de la guerre froide. Vers la fin de l’opposition.

Comment expliquer la fin de la guerre froide ?

a)     1975-1985 : La guerre fraîche ou seconde guerre froide

La « guerre fraîche » débute avec l’expansion de l’influence communiste. En Asie, en 1975, les nord-vietnamiens communistes entrent dans Saigon (Ho Chi Minh-Ville) et remportent la guerre du Vietnam. La même année est mise en place là République Démocratique Populaire du Laos, les Khmers rouges de Pol Pot, soutenus par la Chine communiste prennent le pouvoir au Cambodge. En Afrique, en Ethiopie, en Angola ou au Mozambique des dirigeants communistes prennent le pouvoir et signent des traités d’amitié avec l’URSS. En Amérique latine, la gauche progresse (Grenade, Nicaragua en 1979).En Europe, la même année,  les soviétiques commencent l’installation des SS20.  En Afghanistan, l’Urss intervient en 1979 pour soutenir un gouvernement prosoviétique menacé par une insurrection islamiste. C’est une erreur.

Pendant la même période, les Etats-Unis connaissent des doutes et des difficultés. Ils perdent un allié pro-occidental  précieux, à l’occasion de la révolution islamiste iranienne en 79. La même année un traité de non prolifération est signé entre les deux grands (SALT 2).

                Le climat change cependant avec l’arrivée au pouvoir du républicain Ronald Reagan en 1980. Son slogan est désormais « America is back» face à un adversaire soviétique qu’il désigne comme « l’empire du mal ». Il annonce dans le même élan la mise en œuvre d’  un projet de bouclier nucléaire (Initiative de défense stratégique -IDS) surnommé Guerre des étoiles. A l’automne 1980, les Etats-Unis envahissent Grenade aux Antilles et éclate la crise des euromissiles en Europe. Les E-U installent en effet des Pershing en Europe en réponse aux SS20 soviétiques. Dans toute l'Europe, des mouvements pacifistes se développent pour dénoncer la prolifération nucléaire.

b)     1985-1989 : la fin de la guerre froide.

La chute de l’URSS ne saurait simplement s’expliquer par l’attitude intransigeante de R. Reagan.

Il faut d’abord évoquer le rôle des mouvements d’opposition qui se sont développés dans les sociétés civiles des démocraties populaires : le syndicat « solidarité en Pologne face au  général Jaruzelski, les intellectuels de la Charte 77 en Tchécoslovaquie, qui demandent le respect des droits de l’homme. Certains considèrent également que l’élection d’un pape Polonais, jean Paul II a pesé dans la fin du conflit. La question est discutée. Enfin, l’arrivée au pouvoir en mars 85, de Mikhaïl Gorbatchev permet l’apparition de brèches dans le rideau de fer. Il est conscient du fait que l’URSS s’affaiblit économiquement  dans la couse au suréquipement militaire. Il est donc convaincu de la nécessité de négociations. A partir de 1984, R. Reagan se montreé galement favorable à des discussions. S’amorce donc une nouvelle détente. En 1987, est signé le traité de Washington qui prévoit l’élimination des armes nucléaires de courte et moyenne portée. M. Gorbatchev sent également que des transformations politiques sont nécessaires. Il lance la Perestroïka et la Glasnost. Face à la résistance, des moudjahiddins afghans, il retire les troupes soviétiques d'Afghanistan en 1989. Enfin, il annonce aux dirigeants de démocraties populaires que les troupes soviétiques n’interviendront plus en cas de contestations intérieures. Or, en 89, se succèdent des événements qui aboutissent à la chute du mur de Berlin. Ainsi en Hongrie, en mai 89 sont annoncées des élections libres, l’abandon du marxisme léninisme et l’ouverture de la frontière avec l’Autriche. Le 4 juin, des élections législatives libres ont lieu en Pologne. En octobre-novembre se déroule en Tchécoslovaquie la «Révolution de velours». Des Allemands de l’Est, profitent de cette situation dans les pays voisins pour passer à l’Ouest. Les manifestations se multiplient en RDA. Le 9 novembre, les dirigeants allemands ne pouvant compter sur un soutien de l’URSS, décident d’ouvrir le mur de Berlin. C’est donc la mobilisation civique d’une ampleur variable selon les démocraties populaires qui oblige les dirigeants communistes à accepter des transitions démocratiques.  Le refus de Gorbatchev  d’intervenir est  cependant déterminant. La fin de la guerre froide s’explique donc par la combinaison de plusieurs facteurs.

On considère le sommet de Malte en décembre 89 comme la fin de la guerre froide. Remarque : notez bien que ce n’est que le 3 octobre 1990 qu’est proclamée la réunification de l’Allemagne. En décembre 1991, après la démission de Gorbatchev, on assiste à l’éclatement de l’URSS.

Perestroïka : Restructuration, reforme des institutions pour rendre leur fonctionnement plus démocratique et tentative d’améliorer les résultats économiques

Glasnost : Politique de plus grande transparence dans les médias.

Conclusion : Ce qui caractérise la guerre froide, c’est l’opposition constante entre deux blocs menés par deux grandes puissances sans que celles-ci ne s’affrontent directement. C'est un conflit d'intensité variable, les phases de tensions alternent avec les phases de détente ou de réchauffement des relations entre les deux grands. Si chacun essaye d’imposer son modèle c’est finalement l’URSS qui s’essouffle la première. La fin de la guerre froide ne saurait s’expliquer par un seul facteur ou par le rôle d’un seul homme. La combinaison de plusieurs éléments et l’enchaînement de plusieurs évènements aboutissent à la chute éminemment symbolique du mur de Berlin.

Bibliographie :

P. Grosser, La Guerre Froide, Documentation Photographique, la documentation Française, Dossier n° 80055, 2007.