La politique extérieure de la France
(1945-2011) : La France dans le monde.
La France est-elle une grande puissance ? Si oui, quels sont les aspects et les
origines de cette puissance ? Comment a évolué la politique extérieure française
? Existe-t-il des constantes dans la diplomatie ? Quels sont les thèmes du
positionnement de la France dans les relations internationales ?
I 1945 -1958 : De l'empire à l'Europe. Dissoudre l'empire colonial et
construire l'Europe. La France cherche à se maintenir parmi les grandes
puissances.
a) La construction de l'Europe, l'occasion d'un rapprochement avec
l'Allemagne.
Au sortir de la Guerre, la France participe à l'occupation de l'Allemagne. Elle adopte alors une politique intransigeante vis à vis de
l'Allemagne. Mais dès 1948, la France se retrouve, malgré ses réticences, dans
l'obligation de participer avec les E-U et le R-U à ce qui a constitué
l'embryon de la RFA : La trizone. En 1950,
le ministre des affaires étrangères français Robert Schuman et Jean Monnet,
réalisent une déclaration où ils envisagent la création d'une fédération européenne et où ils
annoncent la mise en commun des
productions d'acier et de charbon de plusieurs pays européens dont la
France et l'Allemagne. C'est la CECA (Communauté
européenne du Charbon et de l'Acier) née en 1951 qui se profile ici (Allemagne,
Belgique, Italie, France, Luxembourg, Pays-Bas. Côté allemand, ce rapprochement
doit beaucoup à la volonté du chancelier Konrad
Adenauer. (Chancelier de 1949 à 1963 !). Si la France, accepte cette
coopération dans le domaine économique, son Assemblée Nationale rejette par contre en 1954, le projet de CED (Communauté européenne de
Défense. En effet en 1954, la France reconnaît la souveraineté totale de
l'Allemagne. La construction d'une organisation économique se poursuit en
Europe. En 1957, le traité de Rome
établit un marché commun associant
les 6 pays participant déjà à la CECA et donne naissance à la CEE.
b) Les relations avec les deux grands.
Pendant cette période, l'enjeu pour la France est de s'affirmer face aux deux grands vainqueurs de la seconde guerre
mondiale. Elle y parvient partiellement, Winston Churchill contribue à la faire
accepter parmi les puissances occupantes
de l'Allemagne. La France obtient également un siège au conseil de sécurité de l'ONU.
La France fait partie des puissances occidentales (Belgique, France,
Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Danemark, Islande, Italie, Norvège,
Portugal, E-U et Canada) qui s'inquiètent de la progression du communisme en
Europe et dans le monde. Elle signe en
1949, le traité de Washington qui donne naissance à l'Alliance Atlantique ( OTAN).
Les limites de la puissance française apparaissent cependant à l'occasion de la
crise de Suez en octobre 56. Le
président égyptien Nasser avait en effet décidé de nationaliser le canal. Il
remettait en cela en cause de capitaux français et britanniques. La France et
le Royaume-Uni décidèrent de mettre en place une opération en coopération avec
Israël pour empêcher cette nationalisation. Ils doivent finalement faire face à
l’opposition et aux menaces des Etats-Unis et de l'URSS.
c) Les conséquences sur la politique étrangère française du déchirement
colonial.
Dans la crise de Suez, le contexte colonial, n'est pas à négliger. En effet, la
France est engagée de puis 1946, dans des conflits coloniaux. Au total, entre
1946 et 1958, la France connaît 12 ans
de conflits coloniaux (Indochine, Algérie, Madagascar). Or sur la question
coloniale, la France est contestée par l'ONU, les Etats-Unis et l'URSS. Ce fut
notamment, le cas en octobre 56, quand la France capture par un détournement d'avion le leader indépendantiste algérien
Ben Bella.
Conclusion : Grâce à
l’Europe, l’OTAN et à son statut à l’ONU, la France se maintient dans le concert
des nations mais les limites de son rayonnement sont déjà évidentes à l'heure
où s'étiole l'empire colonial.
II 1958-1969 : Avec de Gaulle, l'affirmation de la politique d'indépendance
nationale.
De Gaulle en tant que président de
la 5ème république, mène la politique étrangère de la France. Dans ce domaine,
il conserve de ses premières amours politiques et de son engagement dans la
guerre, un attachement jaloux à la
souveraineté nationale.
a) Les moyens d'une indépendance nationale.
Pour accroître la crédibilité de la France sur la scène internationale Il
développe une politique de dissuasion
nucléaire. En avril 1960, éclate la première bombe nucléaire Française. Il
fait augmenter les crédits accordés à la défense. En 1963, il refuse un projet
de force nucléaire multilatérale.
Cette politique d'indépendance passe également par un refus de l'hégémonie
américaine. On parle souvent de 1966, mais dès 1959, la France retire ses
forces navales méditerranéennes de l'OTAN. Elles seront suivies en 1963, par
les forces de l'Atlantique. Enfin en
1966, la France retire l'ensemble de ses forces militaires du commandement
intégré de l'OTAN. Les bases de cette organisation sur le territoire
français sont d'ailleurs démantelées.
b) Une politique d'équilibre entre les deux grands.
Cette attitude est complétée par une politique d'équilibre entre les deux
grands qui n'est pas sans provoquer la colère des Etats-Unis.
Ainsi en 1960, Nikita Khrouchtchev est en visite à Paris. En juin 1966, de
Gaulle est à son tour en URSS. Il se rend également en Pologne en 1967 et en
Roumanie en 1968. Entre temps en 1964, la France à reconnu la République
Populaire de Chine. En 1966, comble des
provocations, à Phnom Penh (Cambodge), de Gaulle prononce un discours où il
condamne l'intervention américaine au
Vietnam.
c) La politique européenne de Gaulle.
En ce qui concerne la construction européenne, de Gaulle est contre une Europe supranationale. Il
s'inquiète également de l'influence des Etats-Unis en Europe. C'est pourquoi il
s'oppose à l'intégration dans la CEE du Royaume-Uni. Il a certainement en tête
cette déclaration faite par Winston Churchill " Sachez que chaque fois
qu'il nous faudra choisir entre l'Europe et le grand large, nous choisirons
toujours le grand large ".
De Gaulle, poursuit le rapprochement avec l'Allemagne. Par exemple en janvier 1963, est signé à Paris, un traité de
coopération Franco-allemande.
d) La volonté de renforcer l'influence française dans le monde.
La coopération est renforcée. Une
part importante du revenu national lui est consacrée. Dans le même ordre d'idée
des accords de défense ou d'assistance
sont signés avec des Etats africains, anciennes colonies pour la plupart. C’est
la grande époque du réseau
« France-Afrique » aujourd’hui dénoncé par le gouvernement.
De Gaulle soutien également les
aspirations nationales. En juillet 1967,
il affiche son soutien au mouvement indépendantiste du Québec. Il déclare,
en effet, " vive le Québec libre ". Dans les années 60, la politique française devient favorable
aux pays arabes. Par exemple, à la suite de la guerre des six jours en
1967, il condamne les annexions israéliennes. A cette occasion, il utilise une
expression ambiguë qui continue à susciter de nombreux commentaires. Il
déclare, en effet au sujet des israéliens : " un peuple d'élite, sûr de
lui-même et dominateur ".
Conclusion : De Gaulle eu donc deux objectifs majeurs
: maintenir pour la France le statut de grande puissance, préserver la
souveraineté et l'indépendance nationale.
III Ruptures et continuité dans la politique étrangère française depuis
1969.
Les successeurs de Gaulle poursuivent-ils sa politique ?
a) Georges Pompidou.
Il poursuit de nombreux aspects de la politique Gaullienne. En 1970, il se rend
en visite en URSS. En 1971, Léonid Brejnev lui rend la visite. La même année,
il réalise une tournée en Afrique. Sous son mandat des armes sont vendues à la
Libye. La politique de dissuasion nucléaire est maintenue.
Mais, il est favorable à une
accélération de l'élargissement de la CEE. En 1972, les Français répondent
positivement au référendum sur le principe d'un élargissement de la CEE au
Royaume-Uni. En 1973, la Grande-Bretagne, l'Irlande et le Danemark adhèrent à
l'Europe.
b) Valéry Giscard d'Estaing.
VGE maintient le contact avec l'URSS. En 1974, Brejnev est en France. En 1975
VGE se rend en URSS où il fleurit la tombe de Lénine. En 1975, il réunit une
conférence sur la coopération économique internationale. Il mène également une
politique favorable aux pays arabes au Moyen-Orient. Sous son mandat, l'intégration croissante dans l'Union européenne se
poursuit. Ainsi en 1979, a lieu la première élection du parlement européen
au suffrage universel.
c) François Mitterrand.
Avec François Mitterrand se poursuit la politique
franco-africaine des réseaux héritée en partie de l'ère gaullienne. Mais on
assiste sous son mandat à un rapprochement dans
les faits avec les Etats-Unis. En 1991, la France participe à la coalition
pendant la guerre du Golfe. J-P Chevènement, ministre des affaires étrangères
n'accepte pas lui cette attitude et démissionne. Sous son mandat débute la baisse des budgets militaires, les essais
nucléaires sont d'ailleurs suspendus, même si la défense française reste
basée sur le principe de dissuasion. En
1994, la France participe à une opération de maintien de la paix au Rwanda
quand débute le massacre des Tutsis par
les Hutus. L'actuel président Rwandais estime que la France a une part de
responsabilité dans le déclenchement de ce massacre. Les autorités françaises
ont toujours contesté cette version
des faits.
d) Jacques Chirac.
Jacques Chirac est un gaulliste, mais durant sont premier mandat, sa politique
étrangère n'est pas tout à fait orthodoxe. Certes, il reprend en juin 1995, les essais nucléaires,
mais en 1996, la France réintègre
l'organisation militaire de l'OTAN sans se soumettre à son commandement
intégré. La France s'engage à Nice à contribuer à la mise en place d'un
corps d'armée européen (eurocorp -plusieurs dizaines
de milliers d'hommes). L'influence de la
France recule en Afrique et le couple franco-allemand bat de l'aile. La politique pro-arabe de la France est
poursuivie au Proche-Orient. Par exemple en 1996 ; Jacques Chirac répond
sévèrement à un agent de sécurité israélien qui bousculait des journalistes
alors qu'il bavardait avec des palestiniens dans le vieux Jérusalem. La visite
rendue par Dominique de Villepin à Yasser Arafat s'inscrit dans la même
logique.
Il faut noter une petite inflexion
de la politique étrangère avec Lionel Jospin ; car en 2000. En voyage officiel
en Israël, le Premier ministre condamne
les " attaques terroristes " du Hezbollah. Les étudiants de
l'université de Bir Zeit
lui jettent des pierres.
En 2003, Jacques Chirac adopte face aux
Etats-Unis une posture gaullienne en refusant dans la crise irakienne le
recours à la force avant la fin de la mission des inspecteurs de l'ONU.
Cette attitude l'amène à se rapprocher de l'Allemagne.
e) Nicolas Sarkozy.
La politique étrangère
de Nicolas Sarkozy est-elle en rupture avec la tradition française ?
Certains voient dans la décision de regagner
le commandement intégré de l’OTAN adoptée en mars 2009, un alignement
sur la politique étrangère des Etats-Unis et une perte d’indépendance. Le
gouvernement actuel motive sa décision en expliquant qu’il s’agit de corriger une anomalie puisque la France participait
à des opérations militaires de l’OTAN comme en Afghanistan sans prendre
part aux décisions. Par ailleurs, les relations avec l’Allemagne connaissent actuellement des hauts et des bas.
Berlin reprochant parfois à Paris sa suractivité diplomatique. En Israël, la popularité de Nicolas
Sarkozy semble plus grande que celle de ses prédécesseurs. En Afrique, il veut
instituer de nouvelles relations. La
France semble donc suivre de nouvelles directions en matière de politique
étrangère de. Mais elle a du mal à
tenir ce cap lorsqu’elle est amenée à intervenir ouvertement en Libye et plus
prudemment en Côte d’Ivoire.
f) François Hollande
Dans un contexte marqué par
les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan et donc de lutte contre le
terrorisme, François Hollande renoue avec la tradition française
d'intervention en Afrique. On le croyait en rupture avec le fonctionnement
de la France-Afrique mais le
gouvernement Malien fait appel à la France pour contrer la coalition des
nomades du nord et des islamistes qui menacent l'intégrité du pays. L'opération
Serval qui est alors engagée. Quelques mois plus tard, C'est en République
Centrafricaine que l'armée française intervient. En Europe, l'annexion de la
Crimée par la Russie au dépend de l'Ukraine n'est pas empêchée mais avec Angela
Merkel, François Hollande négocie le
cessez le feu. Il espère rééquilibrer les relations franco-allemande mais il
n'y parvient pas. Il aurait souhaité intervenir en Syrie après les massacres de
la population civile. Mais Barack Obama refuse de s'engager sur cette voie.
g) Emmanuel Macron
Dans les premières années de
gouvernement d'Emmanuel Macron, les deux
enjeux majeurs de la politique étrangères sont la place de la France en
Europe et le rapport du pays aux Etats-Unis.
En Europe, le leadership français est contesté
par des populistes comme le Hongrois Erdogan
et l'Italien Salvini (écarté du gouvernement
désormais). Emmanuel Macron aurait souhaité parler d'égal
à égal avec Angela Merkel mais les difficultés
qu'il rencontre sur le plan intérieur le fragilisent. En Allemagne, l'autorité
d'Angela Merkel est de plus en plus contestée, sur sa
gauche et sur sa droite ce qui est logique mais aussi dans son parti le CDU et
son allié bavarois le CSU. Dans ces conditions, le couple franco-allemand,
traditionnel moteur de l'Union européenne, est affaibli.
A l'heure où Donald Trump prend des décisions de façon unilatérale cela
est regrettable. En effet, ce dernier remet en cause le fonctionnement de
l'OTAN. Il conteste également la décision française de taxation des
géants du numérique dont les GAFAM. Pour finir, il remet également en cause
l'accord de Genève sur le nucléaire iranien. On sent bien actuellement
qu'Emmanuel Macron pourrait être tenté par réchauffement
des relations avec la Russie de Vladimir Poutine pourtant sanctionnée pour l'annexion de la
Crimée. C'est ce dont témoigne la séquence estivale de la rencontre entre les
deux hommes la veille du sommet du G7 dont la Russie reste exclue.
Toujours à la recherche d'alliés
face à Trump, c'est le réalisme politique qui
pousse Emmanuel Macron à ne pas froisser la Chine sur
la question des droits de l'homme. Ce problème se pose également quand la
France travaille en Afrique avec des dictateurs africains au nom de la lutte
contre le terrorisme international comme au Tchad.
IV La France dans le monde aujourd'hui.
Aujourd'hui, la France est-elle une grande puissance ?
a) La superficie et le poids démographique ne font pas
la puissance de la France .
La France, avec 550
000 km2, soit 0.7 % des terres émergées, est un Etat de taille moyenne. Sa
superficie est complétée par la possession des DOM COM POM (DOM : Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion-
COM : collectivités d’Outre Mer -POM : pays d'outre-mer) qui ajoutent à la
superficie métropolitaine 95 000 km2. Il faut
ajouter à cela le fait que les habitants de
Mayotte ont voté leur départementalisation en mars 2009 ( +376 km2 et
186 452 habitants). Grâce à ces mêmes DOM COM et à son littoral, la France
possède une ZEE (Zone Economique
Exclusive) de 11 000 000 de Km2. (2ème rang mondial derrière
les EU). Avec 63 000 000 (65 avec les DOM COM POM)
habitants, la France ne représente que 1 % de la population mondiale.
b) Une réelle puissance économique.
La France serait aujourd’hui au 6ème rang mondial pour
le PIB. La France est membre du G7 ( EU, Japon , RU, France, Italie, Canada,
Allemagne) qu’elle à présidé cet été.
C'est encore une puissance
agricole. La France reste à ce jour la première puissance agricole
européenne même si sa part de marché à l'exportation est désormais grignotée
par l'Allemagne. C'est également la première
destination touristique au monde avec 70 millions de visiteurs étrangers
par an. On constate que ce développement économique se réalise surtout en partenariat
avec les voisins européens puisque les 2/3 des échanges et 60 % des IDE se font
dans la zone UE.
Mais en termes de PIB par habitant la France ne se
situe plus qu'au 29ème rang mondial. Son classement est un peu meilleur en
termes d'IDH. Elle se situe au 21ème rang
c) Une réelle influence géopolitique.
Cette influence repose sur plusieurs éléments:
La France est
membre permanent du conseil de sécurité à l'ONU. Elle détient donc un droit de veto. C'est de cette tribune
qu'elle s'est opposée en 2003, au principe d'une intervention préventive en
Irak . Elle est également membre de
l'OTAN. Sa puissance politique repose également sur les liens qu'elle entretient avec le tiers-monde et les anciennes colonies.
En 2003, la France se situait au 3ème rang pour l'aide publique au
développement (APD). Elle représente aujourd'hui, 0.43 % du Revenu National
Brut français. Elle coopère avec les pays en développement. Cette coopération
peut concerner le domaine de la défense. Ainsi, la France est intervenue en 2003
en Côte d'Ivoire. Elle est aussi présente en Afghanistan. Mais son influence en Afrique est désormais
remise en cause par les EU; la Chine et la Russie.
Sur le plan militaire, la France est une puissance nucléaire depuis
1960. Elle a des capacités de projection que n'ont pas certains de ses
partenaires européens. Mais le matériel souffre
parfois des coupes budgétaires.
d) Un rayonnement culturel existant mais limité.
Le Français est la 9ème langue du monde par le nombre
de locuteurs (69 000 000 répartis sur une
cinquantaine de pays). Désormais la Francophonie,
organisation culturelle devient une institution politique. La France a des
moyens de promotion de sa culture comme l’Alliance Française, RFI, ou France 24
mais ses capacités ne sont pas comparables à celles des EU.
Conclusion : La France
est donc une puissance moyenne à vocation mondiale, compte tenu en particulier
de ses choix affirmés en matière de politique étrangère. Sous de Gaulle, les
pivots de la politique étrangère française sont établis. Si cette politique a
connu quelques inflexions dans le domaine de la construction européenne, elle
fait apparaître depuis 1969 quelques constantes (politique pro arabe,
indépendance nationale, réconciliation franco-allemande).