Sujet : De Gaulle et les Etats-Unis

Après avoir présenté le document et son contexte vous montrerez qu'il illustre la bipolarisation de l'Europe avec  l'extension de l'influence soviétique d'une part et la réaction des pays de l'ouest européen d'autre part.

Discours de P.-H. Spaak, représentant belge (député socialiste belge et futur secrétaire général de l’OTAN) à l’Assemblée générale de l’ONU, exceptionnellement réunie à Paris le 28 septembre 1948. Il répond au représentant soviétique Vychinsky.

 

« L’URSS, au lendemain de la guerre, avait maintenu sur pied des forces militaires immenses; elle les avait poussées jusqu’au cœur de notre continent. Elle exerçait sur ses satellites une autorité sans limites, fondée à la fois sur la supériorité écrasante des forces et une solidarité politique et idéologique totale.

 

En face de ce bloc, un monde occidental, qui dès l’armistice de 1945, avait hâtivement désarmé; des pays européens absorbés par les tâches ardues de la reconstruction, luttant contre les difficultés économiques, minés souvent par l’action des partis communistes, sans lien entre eux, sinon ceux d’une solidarité morale, et exposés au surplus à tous les risques que comporte un régime de liberté.

 

Comment la liberté et la sécurité des peuples pouvaient-elles être menacées par de si mortels dangers au lendemain d’une guerre menée au nom des principes qui auraient dû les garantir ?

 

Il était , hélas, évident que les notions même de liberté et de sécurité n’avaient pas le même sens dans l’esprit des Soviétiques et dans celui des Occidentaux (…) La délégation soviétique ne doit pas chercher d’explication compliquée à notre politique. Savez-vous quelle est la base de notre politique ? C’est la peur, la peur de vous, la peur de votre politique.

 

Savez-vous pourquoi nous avons peur ? Nous avons peur parce que vous parlez souvent d’impérialisme. Quelle est la définition de l’impérialisme ? Quelle est la notion courante de l’impérialisme ? C’est celle d’un pays, généralement d’un grand pays, qui fait des conquêtes et qui augmente à travers le monde son influence (…)

 

Quelle est la réalité historique de ces dernières années ? Il n’y a qu’un seul grand pays qui soit sorti de la guerre ayant conquis d’autres territoires et ce grand pays c’est l’URSS. C’est pendant la guerre et à cause de la guerre que vous avez annexé les pays baltes. C’est pendant la guerre et à cause de la guerre que vous avez pris un morceau de la Finlande. C’est pendant et à cause de la guerre que vous avez pris un morceau de la Pologne. C’est grâce à votre politique audacieuse et souple que vous êtes devenus tout-puissants à Varsovie, à Prague, à Belgrade, à Bucarest et à Sofia. C’est grâce à votre politique que vous occupez Vienne et que vous occupez Berlin et que vous ne semblez pas disposés à les quitter. C’est grâce à votre politique que vous réclamez maintenant vos droits dans le contrôle de la Ruhr. Votre empire s’étend de la mer Noire à la Baltique et à la Méditerranée. Vous voulez être aux bords du Rhin et vous nous demandez pourquoi nous sommes inquiets ?

 

La vérité c’est que votre politique étrangère est aujourd’hui plus audacieuse et plus ambitieuse que celle des tsars eux-mêmes. (…)

 

Enfin, vous nous inquiétez parce que dans chacun des pays ici représentés vous entretenez une cinquième colonne auprès de laquelle la cinquième colonne hitlérienne n’était qu’une organisation de boy-scouts. Il n’y a pas un endroit au monde où un gouvernement, qu’il soit d’Europe, d’Afrique ou d’Asie, qui ne rencontre une difficulté ou un obstacle et que vous ne soyez là pour l’envenimer. C’est votre façon de collaborer avec les gouvernements ici représentés, avec lesquels vous devriez travailler à assurer la paix (…). »

 

Extraits publiés dans P.-H. Spaak, Combats inachevés, éd. Fayard, 1969, t.I, p. 216